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[Entretien] Abdelghani Youmni : « Le Maroc pourrait devenir leader régional d'une social-démocratie participative »
Publié dans EcoActu le 01 - 06 - 2020

Il y a un avant et un après Covid-19, mais entre les deux, des choix doivent s'opérer en gérant le reliquat historique du PAS. Quelle place de l'Etat régalien dans cette nouvelle dynamique ? Quelle responsabilité des élites ? Et modèle de développement dans ce nouveau paysage en construction ? Autant de questions et bien d'autres évoquées avec Abdelghani Youmni, Economiste et Spécialiste des Politiques Publiques.
EcoActu.ma : Comment le Maroc peut-il pallier à trois décennies de réduction des dépenses sociales et donner un coup de boost aux chantiers sociaux entamés mais qui avancent à Long rythme ?
Abdelghani Youmni : En ce qui concerne l'évaluation des trois décennies d'austérité subies par le Maroc et qui sont les conséquences de recommandations du Fonds Monétaire International et de la Banque Mondiale, nous pouvons dire que ces mesures ont permis de réduire l'inflation, l'endettement et les déficits budgétaires mais tout en conduisant à une dégradation des dépenses publiques, un accroissement du chômage et une détérioration du pouvoir d'achat des ménages. Et ce n'est pas faute de le rappeler que cet ajustement social a été suivi de politiques de libéralisation financière qui avec la mondialisation ont réduit la pauvreté mais aggravé les inégalités.
Il est indéniable que dans tout modèle de développement efficient, il est nécessaire que le progrès économique comme le progrès social s'accompagnent de mesures de réduction des inégalités par des politiques publiques de redistribution pour soutenir les plus fragiles dans leurs dépenses de consommation, de logement, d'éducation et de santé.
Rappelons que, nous ne pourrions pallier aux causes de la précarisation dans nos sociétés modernes que si le bras de fer entre l'urgence de justice sociale et l'hyper capitalisme bascule au profit d'un avenir commun plus équitable. Cela passe au Maroc par un nouveau pacte national incluant justice sociale et justice fiscale.
Il pourrait se construire autour d'impôts de solidarité sociale prélevés sur les plus hauts salaires dépassant 15 à 20 fois le SMIC, sur les successions qui doivent être liquidés et dans des délais raisonnables, et en fin d'impôts sur les profits de sociétés à faible intégration de main d'œuvre.
Cette sobriété sociale de mutualisation des dépenses sociales ne doit pas se financer seulement par la dette publique verticale, ce serait injuste envers nos enfants, mais elles devraient se financer par l'impôt horizontal.
Serait-il possible en ces temps de crise sanitaire de réduire les disparités entre les marocains justement en comblant les lacunes d'ordre social et prémunissant les secteurs sociaux déjà en proie à un libéralisme sauvage ?
Pourrions-nous réduire les disparités entre les Marocains et les territoires par un coup de baguette magique, je crains que non mais la pertinence de votre question m'amène à reprendre un passage de mon ouvrage, c'est que la décomposition de l'Etat providence et le libéralisme sauvage ont accéléré le divorce entre l'économie réelle et l'économie financière et consenti le pouvoir à de nouvelles oligarchies qui criminalisera la pauvreté en la rendant stimulante.
L'hégémonie est acceptable si elle est bienveillante mais l'absurdité dans notre société est que les pauvres ne découvrent pas le confinement avec le coronavirus, il est leur vécu permanent dans leur un statut d'invisibles et d'inégaux.
Plus jamais d'actualité, la fracture sociale dans notre économie en émergence s'exprime par le fait que des personnes ont des revenus et de capital qui dépassent huit à dix fois leur besoins de consommation et d'épargne alors que la plus grande majorité sont victimes de l'oisiveté monétaire et de l'expropriation sociale.
Pourtant, le Maroc pourrait devenir leader régional d'une sociale démocratie participative en promulguant le registre social unifié (RSU) et le registre national de la population (RNP) et en lançant le débat sur une réforme de la caisse de compensation pour la remplacer par un revenu social indexé(RSI).
Ce RSI, pourrait se financer par la croissance économique et par l'impôt progressif et permettre de subventionner l'éducation, la santé et créer un revenu universel pour les populations dans la précarité.
Dans quelle mesure les choix économiques du Maroc futurs, y compris le plan de relance post-COVID notamment avec la réforme du modèle de développement, peuvent-ils se libérer du joug de cette orthodoxie financière et coller aux réalités locales ?
Cette question me fait penser à une décision prise par Poincaré en 1926 pour défendre le franc français de la dépréciation et de protéger l'économie française de l'inflation et du déficit budgétaire.
Son intervention a permis de stabiliser la monnaie en faisant des coupes de dépenses publiques et des hausses d'impôts. Ce principe d'orthodoxie financière à l'avantage de construire un budget équilibré, de contenir l'inflation et de disposer de notation clémente des agences de notation pour pouvoir emprunter à des taux compétitifs à l'international. Ses inconvénients se payent au prix fort au niveau du démantèlement de l'Etat régalien et du dégraissage des services publics.
Il n'est pas surprenant d'apprendre que pour les bailleurs de fonds internationaux et pour les marchés, le Maroc est évalué comme le bon élève de la région MENA et du continent africain. Ce classement est assumé par le royaume et je le partage en partie.
Cette résilience budgétaire et monétaire permet au Dirham de rester stable car non convertible et au marché financier marocain embryonnaire de ne pas être la proie des spéculateurs.
La plupart des crises financières dans les pays émergents sont des crises qui impliquent les banques, le change et le marché financier.
Concernant le plan de relance post-Covid-19, il se fera par la dette publique et par des fonds de solidarité nationaux et internationaux car il ne pourra se faire ni par l'impôt ni par l'inflation encore moins par l'épargne trop faible.
L'orthodoxie financière serait-elle un frein au futur modèle de développement ? La réponse est non, on ne doit pas confondre austérité et orthodoxie. Cette orthodoxie ou rigueur existe dans les pays scandinaves et en Allemagne et elle ne les a pas empêchés de se développer et de disposer de balance commerciale excédentaire. La Malaisie aussi suit une sorte d'orthodoxie financière. Ce nouveau modèle de développement doit-il coller aux réalités locales ? Oui, mais pas exclusivement.
Mais d'un bout à l'autre, cette crise du COVID-19 pourrait se révéler comme un catalyseur essentiel pour positionner l'économie et la société marocaine sur une trajectoire de croissance forte, soutenable équilibrée et équitable.
Un obstacle majeur à la réussite de ce modèle est l'inexistence de leadership parmi les élus dans les collectivités locales et dans les régions. Il ne faudrait pas seulement réformer mais en finir avec l'actuelle génération rentière d'élus et hors sol pour recréer une nouvelle génération d'élus altruistes et aptes techniquement à faire réussir le projet de régionalisation avancée et de décentralisation de la croissance économique.
Au sujet du modèle développement marocain, je continue à défendre l'idée qu'aucun modèle de développement ne serait possible sans une nouvelle pyramide de partage des richesses entre citoyens et entre territoires.
Avec la mise en place d'un Fonds COVID-19 et les sollicitudes aussi bien des entreprises que des citoyens sous le coup de la crise, l'Etat Providence serait-il en train de faire un grand retour ? Est-ce une chose salutaire à votre avis, dans le contexte actuel ?
Nul ne peut le nier aujourd'hui : Le Maroc, son Roi, son peuple, tous unis, ensemble ont fait preuve d'une grande résilience sans faille et d'une solidarité choisie. Ceux qui ont donné ne sont pas plus généreux que ceux qui ont accepté de ne rien gagner pendant ce long de confinement intégral.
A l'ombre de la crise sanitaire et du bouclier budgétaire érigé par l'Etat providence de nouveau de retour, je ne peux que me réjouir car si je suis convaincu que l'Etat doit être fort et solvable pour maintenir la cohésion sociale et politique. Un Etat fort qui pourrait dans certains cas entraver les libertés publiques lorsque bien-être collectif et paix civile risquent d'être bafoués ou déconstruits.
Pour autant et dans une perspective d'économie de bien commun, le retour de l'Etat providence n'exclut pas la responsabilisation des citoyens et ne doit pas faire la promotion de l'assistanat.
Le design de ce mode de progressisme participatif doit pouvoir assurer une production de protection sociale élevée et financée par la productivité du travail et par les prélèvements obligatoires.
Je citerai de Joseph Stiglitz, prix Nobel d'Economie, qui pense que l'un des principes de la révolution Reagan-Thatcher remettait en question l'Etat-providence et craignait que les charges financières de l'Etat-providence ne freinent la croissance et certains de ses principes s'inquiétaient de l'effet de l'Etat-providence sur le sens des responsabilités individuelles.
Puis pour sceller le sort de ce pauvre Etat providence d'autres postulats estimaient qu'il offre l'occasion aux paresseux de profiter des citoyens qui travaillent dur.
La crise actuelle peut-elle être une opportunité de synchronisation entre temps politique, temps économique, temps social ou plutôt un facteur de distanciation ?
Le grand décalage entre le temps politique, le temps économique et le temps social est structurel au Maroc et pas seulement, il l'est dans l'ensemble des pays arabes, d'Afrique et d'Amérique latines.
L'école des économistes néo-structuralistes à laquelle j'appartiens, débat depuis trente ans de cette question.
Pire, les choses peuvent encore s'aggraver et au final, la crise actuelle n'est donc et ne sera ni une opportunité ni un facteur de distanciation entre ces trois temps.
Les Néo-structuralistes font un plaidoyer pour un changement de paradigmes, comme celui du conflit de partage dans lequel les salariés dépensent ce qu'ils gagnent et les capitalistes gagnent ce qu'ils dépensent ; puis celui de devoir construire des pans entre l'Etat et le partenariat public-privé pour la production de biens et de services publics, et surtout d'inciter les pays à construire un capitalisme d'Etat démocratique qui doit réformer et placer le système financier au service de l'investissement productif.
Enfin, ce néo structuralisme ni keynésien ni néolibéral œuvre dans le sens de la symbiose entre les trois temps politique, économique et social et appelle à une nouvelle conception de l'économie, celle d'un marché libre assisté par l'Etat, une sorte de socialisme participatif proche des idées défendues par Thomas Piketty.
Confirmez-vous toujours, à l'aune de cette crise sanitaire et celle économique qui se profile à l'horizon, que nous vivons le début de la fin de l'ère du capitalisme ?
Je suis toujours flatté quand je rencontre des personnes qui partagent ma naïveté, la fin du capitalisme est notre plus cher vœux, peut-être le plus cher, mais avec avons-nous un système de substitution maintenant qu'il a accouché de jumeaux, une mondialisation sauvage et d' « une marée d'inégaux » et c'est ce que je souligne dans l'une de mes publications que peut être que le coronavirus planétaire serait au secours des inégaux, ce minuscule virus (David) serait-il capable de battre le capitalisme (Goliath).
Parmi les défenseurs du capitalisme, je voudrais citer Guy Sorman et son livre « Le capital suite et fins » et dans lequel : « il sacralise le capitalisme et la mondialisation et dans comment meurt le capitalisme, il nous dit que la plus pressante menace contre le capitalisme ne me paraît pas tant d'ordre économique que liée à l'insatisfaction morale ou à l'incompréhension du système capitaliste. Le non-développement de vaste-continents suscite à juste titre l'indignation des élites au sein des nations capitalistes; celles-ci s'interrogent sur la validité d'un système qui perpétue les inégalités entre les peuples ».
Et c'est à bien des égards que je ne conclurais pas à l'aune de cette crise sanitaire et économique à une fin subite de l'ère du capitalisme.
Pour autant, des signes de ruptures font de plus en plus surface et de manière graduelle, cette épidémie majeure a forcé les dirigeants de notre monde à choisir entre la continuité de l'Etat et son discrédit, et à commencer la réflexion pour une refonte du vivre ensemble autour de biens communs.
Et c'est cela notre devoir de savoir lire, dans cette page de notre histoire qu'on tournera, les signes d'un merveilleux malheur qui doit apprivoiser nos gestes et actes avec la solidarité, l'altruisme et l'équité planétaire.
Faire naître une nouvelle citoyenneté qui défend un juste meilleur universellement partagée et de reconnaître que le choc climatique est dévastateur mais que le plus à craindre est la bombe démographique non désamorcée et le vieillissement à venir.
Et pour éviter une grande fracture, il est nécessaire d'amorcer d'urgentes transitions, démographique et démocratique et de ralentir l'urbanisation pour éviter de pires crises migratoire, nutritionnelle et énergétique.
Lire également : Le Maroc et ses riverains méditerranées


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