Le Conseil d'administration de la CGEM qui se tient ce lundi 10 février pour statuer entre autres sur la désignation des commissions risque de s'annoncer tumultueux. En cause la réunion de l'Observatoire des Délais de Paiement tenue le 07 février co-présidée par le ministre de l'Economie et des Finances Mohamed Benchaâboun et Chakib ALJ, Président de la Confédération Générale des Entreprises du Maroc (CGEM). Comme annoncé sur nos colonnes, cette réunion s'est déroulée en présence des membres de l'Observatoire, du ministère de l'Industrie, de l'Investissement, du Commerce et de l'Economie Verte et Numérique, de la Direction Générale des Collectivités Territoriales, de Bank Al-Maghrib, du Groupement Professionnel des Banques du Maroc (GPBM), de la Trésorerie Générale du Royaume (TGR), de la Direction des Entreprises Publiques et de la Privatisation (DEPP), de la Fédération Marocaine des Chambres de Commerce, d'Industrie et de Services et de l'Agence Nationale pour la Promotion des Petites et Moyennes Entreprises (Maroc PME). A l'issue de la réunion et pour mettre un terme aux délais de paiement anormalement longs qui gangrènent le tissu économique, il a été proposé de mettre en place un dispositif consistant en des sanctions pécuniaires à l'encontre des entreprises présentant des délais au-delà des limites réglementaires. Cette proposition ne semble pas du goût des fédérations sectorielles membres de la CGEM qui reprochent au nouveau Patron des partons Chakib Alj de ne pas les consulter au sujet de cette proposition qui, si elle est appliquée, risque de porter préjudice davantage aux entreprises souffrant déjà du retard qu'accuse l'Etat en matière de délai de paiement. Ajoutons à cela que l'application des dites sanctions ne ferait qu'altérer la relation de l'entreprise avec son client. D'après leurs dires, Chakib Alj a cédé aux diktats de l'argentier du Royaume sans mesurer pour autant les conséquences de cette éventuelle disposition. Sûrement Chakib Alj n'aura pas la tâche facile pour convaincre les membres de la disposition des sanctions proposée lors de la récente réunion de l'ODP. Interrogée à ce sujet, une source proche du dossier explique : « Les fédérations sont furieuses parce qu'elles n'ont pas été consultées. C'est irresponsable de prendre ce genre de décision sans passer par les organes décisionnaires de la confédération. Le Conseil d'administration n'étant même pas encore constitué ». Et d'ajouter, les opérateurs de BTP, de l'hôtellerie ont été pris de court le vendredi en apprenant la nouvelle dans les médias. Consciente du crédit interentreprises qui a atteint des niveaux très importants soit plus de 400 Mds de DH, notre source enchaîne : « Certes, nous sommes pour l'amélioration des délais de paiement mais pas de cette façon. L'Etat qui est la source du problème en retardant la validation des factures, trouve le moyen de contourner le problème en nous adossant la responsabilité. Il sera donc encore une fois du ressort du privé de payer le prix et de trouver d'autres sources de financement pour sortir de cette impasse ». Le nouveau président de la CGEM devrait-il justement attendre le Conseil d'Administration pour concerter avec les membres de l'opportunité de la sanction ? Ou devrait-il les consulter à l'avance ? La sanction est-elle la solution idoine pour éradiquer à la problématique des paiements qui asphyxie l'économie ? La coercition/sanction est-elle nécessaire ? Dans un contexte d'extrême morosité et dans le souci d'amélioration des affaires, des actions ont été déployées au cours des derniers jours pour ne citer que le programme intégré d'appui au financement des entreprises, mais il est aussi judicieux de se pencher sur la problématique des délais de paiement qui pèse comme une épée de Damoclès sur les entreprises. La publication des pénalités de retard, comme moyen dissuasif, ne change pas grand chose au problème. « Très peu d'entreprises facturent des pénalités de retard à leurs clients. Le rapport de force est défavorable aux fournisseurs TPME (versus le Client Grande Entreprises). Ce qui pourrait réellement changer la donne serait la mise en place d'un organisme indépendant (rattaché au Ministère des Finances par exemple), qui irait contrôler les entreprises et leur mettrait des amendes en cas de non respect de la réglementation. C'est le rôle joué en France par la DGCCRF » avait expliqué Amine Diouri Directeur Etudes & Communication chez Inforisk dans une interview accordée à EcoActu.ma. Amine Diouri part du principe qu'une entreprise peut avoir la trésorerie nécessaire et ne pas payer ses fournisseurs. C'est pour cela que la coercition/sanction est à son sens plus que nécessaire. « Repousser cette idée ne nous permettra pas d'avancer sur cette question des retards de paiement. Après, il cite un arsenal de sanctions à disposition des pouvoirs publics : Name and Shame (c'est à dire le fait de publier le nom des mauvais payeurs et d'atteindre en quelque sorte leur réputation), amendes décernées par une autorité indépendante, sanctions fiscales (non déduction des charges non payées), sanctions commerciales (impossibilité pour une entreprise mauvais payeur de concourir aux marchés publics), sanctions bancaires (mauvais score empêchant l'entreprises d'emprunter)... En attendant ce qui va être décidé, les pouvoirs publics doivent être conscients des spécificités de notre tissu économique et prendre les décisions adéquates dans un contexte économique où les opérateurs manquent cruellement de visibilité. Lire également : Amine Diouri : La coercition/sanction, élément clé dans la problématique des délais de Paiement