La Haute autorité de la Communication audiovisuelle peut être située un peu loin de BAM, qui a tout de même plus d'un demi-siècle d'existence, mais largement en avant par rapport à d'autres instances comme celle de la prévention de la corruption ou celle de la concurrence. Si ces dernières ont connu une sorte de stop and go, la HACA a maintenu une activité soutenue ce qui n'était pas gagné à l'avance. En décembre 2018, le Roi Mohammed VI nommait Latifa Akharbach Présidente de la Haute autorité de la communication audiovisuelle (HACA), Benaissa Asloune Directeur général de la communication audiovisuelle au sein de l'autorité ainsi que 8 sages qui composent le Conseil supérieur de la Communication audiovisuelle (CSCA), instance délibérative et décisionnaire de la HACA. Une année plus tard, l'autorité de régulation tenait une rencontre de presse pour présenter son rapport d'activité pour l'exercice 2019 et les chantiers qui ponctueront son mandat. Avant de s'atteler sur les données communiquées lors de cette rencontre qui a connu une grande influence de journalistes de tous bords, il est judicieux de retracer le parcours de cette autorité créée en 2002 et qui a su s'imposer en moins de 15 ans d'activité alors que d'autres instances de régulation créées pratiquement à la même période ont peiné à avoir une activité régulière, particulièrement l'Instance centrale de prévention de la corruption ou le Conseil de la concurrence qui ont connu une sorte de stop and go. Le défi n'était d'autant pas évident à relever puisque la création même de cette autorité mettait un terme au monopole de l'Etat en matière de rediffusion et de télévision. Une libéralisation impulsée par le nouveau règne de Mohammed VI. D'ailleurs Latifa Akharbach a insisté sur l'importance des acquis cumulés durant ces années et qui ont constitué un socle pour la nouvelle équipe animée par une forte ambition d'amener les acteurs à s'autoréguler, un gage de démocratie. « Il n'y a pas de régulation réussie si elle ne réussit pas à promouvoir l'autorégulation », précise la présidente de la HACA et du CSCA, réfutant que l'essentiel du travail du CSCA soit le contrôle et la sanction, d'où cet impératif de communiquer davantage et dans lequel s'engage cet organe délibératif et décisionnaire de la HACA. L'autorité de plus en plus sollicitée L'autorité se trouve ainsi bien avancée par rapport aux autorités de sa génération mais aspire développer davantage son action, à l'instar de la Banque Centrale qui a su développer tous les outils de veille stratégique, réglementaire, systémique... Après la constitutionnalité de la HACA en 2011, elle connaîtra un autre tournant en 2016, grâce à la loi 66-16, qui élargit ses prérogatives en prélude d'un rôle beaucoup plus important. La rencontre a également été l'occasion de mettre la lumière sur le rôle de la direction générale de la HACA qui est la structure technique et opérationnelle en charge de l'instruction des dossiers et l'exécution des décisions. Le plus épatant est que cette autorité et ses instances délibérative et opérationnelle ont vite été ancrées dans le champ audiovisuel marocain auprès aussi bien de ses acteurs traditionnels que ses nouveaux acteurs essentiellement issus du privé mais aussi auprès des citoyens de plus en plus conscients de leur droit à une communication audiovisuelle de qualité qui respecte les valeurs universelles. Pour preuve, ces derniers applaudissent à chaque fois ses décisions. Les citoyens peuvent également la saisir directement. Cette rencontre a d'ailleurs permis de lever certaines ambiguïtés sur le champ d'intervention de l'autorité tel que défini par la loi. En effet, avec la surabondance de contenus audiovisuels, la HACA est souvent sollicitée parfois même fustigée de ne pas intervenir lors de diffusion de contenus appelant à la haine ou discriminatoires envers les femmes ou les subsahariens. Or, il a été rappelé que l'autorité ne peut intervenir qu'auprès des titulaires d'une licence d'établissement et d'exploitation comme le dispose le Dahir n° 1-02-212 portant sa création. « Tout ce qui porte le nom de Tv ou de webTV ou diffusé sur youtube n'entre pas dans nos prérogatives... », précise-t-on. En effet, une radio ou une télé ne peuvent proprement porter ce nom que si elles répondent à un cahier de charges défini et obtiennent une licence d'établissement et d'exploitation octroyée par le régulateur. Mais la Haca ne fait pas pour autant la politique de l'autruche, bien au contraire, elle scrute attentivement tous les effets des bouleversements induits par la révolution technologique notamment la facilitation de production et de diffusion de contenus sous différents formats notamment audiovisuels. Ce qui nous amène aux chantiers en cours au sein de cette instance de régulation, qui lutte également contre les formes de concentration et de positions dominantes dans la propriété des moyens de communication audiovisuelle La Haca nous sauvera-telle du déluge ? Le cadre réglementaire doit évoluer dans le sens d'amélioration des contenues diffusés. Aujourd'hui ce n'est pas le cas et comme l'autorité ne peut travailler que dans le cadre de la loi, elle se trouve les mains liées, notamment sur des sujets comme la publicité comparative ou clandestine. Ou encore la prolifération de contenus discriminatoires, violents, diffamatoires... notamment dans les réseaux sociaux. Le vide juridique permet aujourd'hui de passer entre ses filets mais c'est un point qui n'échappe pas à la présidente et aux membres de l'autorité. Cela peut même être considéré comme un motif de frustration pour eux. Dans ce sens, les sages du Conseil ont constitué quatre groupes de travail sur des thématiques d'importance. Le premier planche sur les discours de violence et de haine dans les contenus médiatiques dans l'objectif de formuler une vision adaptée à la société marocaine en matière de lutte contre ce type de discours dans les médias marocains. Le deuxième groupe non moins important est consacré à la promotion de l'éducation aux médias et l'information et qui agrégera toutes les données et visions de différents publics pour produire un document de référence et d'aide à la décision. Ce qui permettra à la HACA de renforcer son action de protection du jeune public et de développement de l'esprit critique à travers des programmes d'éducation à l'information et la communication. Le troisième groupe s'attèlera sur une thématique cruciale : la régulation à l'épreuve des nouveaux médias numériques. Une problématique qui appelle à réfléchir et mettre sur pied un modèle maroco-marocain de régulation numérique. Une tâche aussi délicate qu'importante. Enfin, le dernier groupe touchera au nerf de la guerre : quelle résilience du modèle économique face aux défis qu'impose le nouvel environnement numérique ? Un travail qui ne manquera pas de s'intéresser à la problématique de la dépendance financière accrue aux recettes publicitaires et les problèmes qu'elle génère. Ainsi, ce groupe de travail ambitionne de dessiner les contours d'un modèle économique en faveur d'un développement serein du secteur. L'essence de ces travaux devra être le moteur de réforme du cadre réglementaire régissant l'action de l'instance de régulation, un cadre qui doit être évolutif et inscrit dans l'air du temps. L'année 2019 qui s'est soldée par 22 réunions du CSCA (avec une présence de tous les membres) ayant abouti à 106 décisions et l'adoption du règlement interne du régulateur, cède ainsi la place à une année 2020 qui s'annonce intense pour la HACA et ses instances.