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Santé publique : Quand l'envie l'emporte sur la fiscalité
Publié dans EcoActu le 30 - 12 - 2019

Dans la loi de Finances 2020, on énumère des dispositions qui ont pour toile de fond le changement de comportement des consommateurs friands de produits jugés de mauvaise qualité nutritionnelle. Mais pour quels résultats ?
Plus que par le passé, la Loi de Finances 2020 se démarque par l'importance accordée dans quelques articles à la santé des citoyens. Si sous d'autres cieux, le souci de la santé des citoyens s'est inscrit au cœur des politiques budgétaires depuis belle lurette, au Maroc cette prise de conscience est relativement récente. Mais comme dit l'adage : « Il vaut mieux tard que jamais ». Cette prise de conscience est surtout liée à l'accroissement d'aliments, jugés de mauvaise qualité nutritionnelle, à forte teneur en sucres et matières grasses saturées.

Pour le législateur, elle s'est traduite par l'instauration de nouvelles taxes ayant pour principal dessein la réduction de la consommation des aliments néfastes pour la santé. La question qui se pose d'emblée : la fiscalité est-elle la solution idoine pour contrecarrer la mauvaise consommation ? Et du coup son impact éventuel sur le budget alloué à la santé ?
Les habitudes ont la peau dure
Dans la loi de Finances 2020, on liste les modifications apportées aux taxes intérieures de consommations. Ces modifications concernent les dispositions spécifiques à certaines matières soumises à TIC et les quotités qui leur sont applicables.
On peut citer à cet effet l'application de la taxe intérieure de consommation sur les liquides pour charger ou recharger les appareils électroniques dits « cigarettes électroniques » et appareils similaires. Le but est de dissuader les citoyens à recourir à la cigarette électronique qui n'est pas exempte de danger notamment lorsqu'elle contient de la nicotine.
A cet égard, l'article 9 du dahir portant loi n° 1-77-340 a été complété par un nouveau tableau « H » reprenant les quotités de taxation de ces liquides selon qu'ils contiennent ou non de la nicotine et ce, comme suit : 3 dhs/10 ml pour les liquides ne contenant pas de nicotine ; 5 dhs/10 ml pour les liquides contenant de la nicotine.
Aussi et dans le même sillage, il a été instauré une taxation graduelle sur les boissons non alcoolisées sucrées selon leur teneur en sucre. Dans le même objectif que celui de 2019, à savoir la limitation de la consommation des boissons sucrées et la réduction de la teneur en sucre dans ces boissons, la mesure instaurée dans la LF 2020 vise à mettre en place un système de taxation progressive au titre de la TIC.
A ce titre, les boissons contenant plus de 5 grammes et moins de 10 grammes de sucre par 100 ml sont soumises aux quotités de 12,5 ou 40 dhs/hl selon la teneur en jus. Celles contenant plus de 10 grammes de sucre par 100 ml sont soumises aux quotités de 15 ou 45 dhs/hl selon la teneur en jus.
La TVA n'est pas en reste
Autre mesure importante des nouvelles dispositions douanières, celle s'inscrivant dans le cadre des recommandations des dernières assises de la fiscalité. Elle est relative à l'intégration de la quotité de la TVA spécifique prévue par les articles 100 et 121 du CGI dans les taxes intérieures de consommation. Les quotités de la TIC applicables aux vins et bières sont ainsi augmentées de 900 à 1000 dhs/hl pour les bières contenant de l'alcool et de 700 à 800 dhs/hl pour les vins.
En scrutant ces dispositions, nous avons envie de dire qu'elles vont certainement renflouer les caisses de l'Etat. Il s'agit même d'une aubaine pour le Budget plus que pour les citoyens dans la mesure où faute de les dissuader à acheter ce type de produits, ces dispositions pourraient juste porter un coup dur à leur budget.
Nombreux sont les rapports et les études publiés qui montrent que la mauvaise nutrition et ses conséquences sont un problème très complexe qui exige un bouquet de solutions. La solution fiscale, à elle seule, n'est donc pas la panacée étant donné que ses effets sur les changements du comportement sont souvent incertains. Ce qui rend très aléatoire voire pernicieux la poursuite des objectifs affichés.
A noter que dans l'Hexagone, le gouvernement a instauré en 2011 des prélèvements sur les boissons contenant des sucres ajoutés et des édulcorants (ils se montent à 7,45 €/hl pour 2014). Et en octobre 2013, le parlement français a voté une taxe de 1 €/l sur les boissons énergisantes. En tout, déjà en 2014, il existait neuf prélèvements qui correspondent à la notion de fiscalité nutritionnelle en France. Cette fiscalité a-t-elle pu changer les habitudes des consommateurs friands de ce type de boissons ? A se fier aux chiffres afférents à l'obésité ou aux crises cardiaques publiés chaque année par l'OMS, il serait illusoire de répondre par l'affirmative.
En effet, l'idéal serait que les recettes fiscales issues de tous ces prélèvements subventionnent des aliments bénéfiques pour la santé permettant ainsi leur acquisition à moindre prix. Ou au moins, à défaut de prévenir, qu'elles financent des centres de santé pour soigner les maladies d'obésité ou cardiovasculaires.
D'aucuns ne partageront pas ces supputations et seront pour une suppression pure et simple de ces produits du moment qu'ils portent atteinte à la santé.


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