L'Association des Ingénieurs de l'Ecole Mohammadia, à travers son Bureau Régional Afrique et son Club Développement Durable a organisé une Conférence-Débat / Ateliers avancés sous le thème « L'ingénierie africaine : levier de développement face au changement climatique ». Une conférence en guise de pré-Cop à sa participation aux travaux de la COP25 qui se tiendra du 02 au 13 décembre 2019 à Madrid – Espagne en sa qualité d'ONG membre de l'Observatoire de la COP. Un événement dédié aux retours d'expériences et au renforcement des capacités des cadres des pays africains pour une meilleure maîtrise des mécanismes de gouvernance et de financement de l'adaptation au changement climatique, en tenant compte de la diversité des traditions et des spécificités institutionnelles, économiques et socio-culturelles de ces pays. Une conférence qui traite d'un sujet d'une grande importance continentale qui intéresse aussi bien Gouvernements nationaux et locaux, ingénieurs, chercheurs, cabinets d'ingénieurs-conseils, think tank, professionnels du secteur privé, bailleurs de fonds, organisations internationales, ONGs. Consciente du fait que la bataille du développement et de l'intégration économique de l'Afrique se jouera sur le champs des compétences, l'AIEM ambitionne, aux côtés des organisations sœurs de fédérer l'intelligence africaine, pour faire face aux multiples défis sociétaux liés aux infrastructures, l'éducation, la santé, la gestion des ressources naturelles, la lutte contre le dérèglement climatique, l'économie circulaire, l'urbanisation, le déficit énergétique, les télécommunications, la gouvernance, le climat des affaires, la formation et l'emploi des jeunes... Une conscience collective et un cadre de concertation et de synergie collaboratives entre les compétences africaines permettra de réinventer la voie de l'émergence d'une Afrique stable, intégrée, compétitive et socialement inclusive et résiliente au changement climatique. La « Commission Mondiale sur l'Economie et le Climat » considère que le changement climatique est « une opportunité historique » pour opérer la transition des économies du monde vers des modèles de croissance propre et que « tous les pays, quel que soit leur niveau de revenus, ont dès à présent l'opportunité de construire une croissance économique durable tout en réduisant les immenses risques liés au changement climatique ». L'Afrique qui contribue à moins de 4% des émissions de gaz à effet de serre, c'est donc le continent le moins responsable du changement climatique… Et pourtant, c'est le continent qui en paie de plein fouet le plus grand tribut... Les enjeux sont tout autant socioéconomiques, technologiques et environnementaux, les Etats centraux et les GL d'Afrique gagnent à se mobiliser en mettant l'agenda de l'atténuation et de l'adaptation au changement climatique au cœur des politiques publiques de développement, notamment dans les secteurs cruciaux de l'eau, les déchets, l'urbanisation, les transports, l'agriculture, l'énergie… Selon la Banque Mondiale, le déficit hydrique engendrerait à terme une perte de 6% à 14% du PIB en moyenne dans les pays exposés, et d'ici 2050, 45% du PIB mondial et 40% de la production céréalière mondiale seront en danger en 2040 si la pression sur les ressources en eau se poursuit. La multiplication des crises liées à l'eau pourrait avoir des conséquences sociales désastreuses, notamment à cause des migrations massives En effet, force est de constater que face au changement climatique : * certains pays du continent se trouvent dans des zone qualifiées d'extrêmement vulnérables, que ce soit en termes de sécheresse, de phénomènes climatiques extrêmes, de surélévation des eaux des mers, d'acidification des océans, de problématiques lié à la biodiversité, à la migration économique, les eaux de l'océan atlantique en occurrence ; * d'autres pays sont menacés dans leur existence même, le cas échéant des pays insulaires où certaines prévisions pessimistes affirment que si rien ne change d'ici 2050, ils seront rayés de la carte du monde. La concentration des populations dans des agglomérations dynamiques peut être source de croissance économique et de prospérité sociale générant des externalités positives non négligeables. Cependant, la brutalité du changement pose d'immenses défis, tant en termes d'institutions politiques locales de qualité, d'infrastructures que de développement de services ; Des investissements considérables étant nécessaires aujourd'hui pour assurer l'efficience des systèmes urbains africains de demain et réussir la transition territoriale, numérique et écologique vers des villes citoyennes, intelligentes et durables. Le poids budgétaire et économique de la gestion des déchets grève de plus en plus les capacités de financement des villes africaines, confrontées à une croissance démographique sans précédent, et qui peinent à trouver des solutions financièrement soutenables et écologiquement efficaces pour faire face à l'ampleur des enjeux et défis de ce secteur capitalistique, nécessitant une forte technicité et d'important moyens financiers. Dans le même temps, la chaine de valeur des déchets est porteuse de beaucoup d'innovations et d'innombrables opportunités économiques, technologiques et sociales, à même de récolter les dividendes dans les domaines de l'économie circulaire, de la qualité de l'air, de la santé publique, de l'efficacité énergétique, et de poursuivre des modes de production et de consommation durables et respectueux de l'écosystème naturel. Les villes africaines sont les sites de grandes innovations politico-institutionnelles, sociales, technologiques et économiques. Permettre à ces villes de contribuer au décollage économique de l'Afrique nécessite de définir des stratégies innovantes et claires de développement urbain, de construire une ingénierie africaine forte et compétitive à l'échelle mondiale, de donner la priorité aux investissements en infrastructures économiquement viables, de faciliter l'accès des populations aux services essentiels (assainissement pluvial, approvisionnement en eau potable, énergie, transport collectif, traitement et réutilisation des eaux usées épurées, valorisation des déchets, etc.) dont les carences sont frappantes. Enfin, l'utilisation des mécanismes de financement innovants mis en place par la Finance Climat sera essentielle pour accompagner la transformation des économies africaines, en s'appuyant sur les institutions financières, les capitaux privés, les fonds d'infrastructures, les fonds climat, le fonds vert pour l'environnement mondial, le potentiel d'épargne de la diaspora africaine afin de canaliser les financements et les expertises, notamment vers les différentes filières de la « New Economy » : économie du savoir, économie numérique, économie verte, économie bleue, etc. Pour bénéficier de ces instruments, il revient désormais aux pays africains de dépasser l'ère révolue de l'aide au développement et mutualiser leurs capacités de négociation et de plaidoyer dans les systèmes juridiques et financiers mondiaux pour la captation de ressources concessionnelles long terme et compétitives, en leur montrant les opportunités de financement à exploiter en Afrique dans le contexte géostratégique actuel et futur, et surtout en innovant pour proposer des projets bancables grâce à des montages intelligents et des « Business plans » vendables sur le marché international de la finance durable. L'Afrique ne doit pas être désavantagée dans le financement de la lutte contre le changement climatique, comme elle a été lésée par le dérèglement climatique. Les temps n'ont jamais été aussi opportuns, également, pour l'ingénierie africaine appelée à jouer un rôle majeur dans la réalisation des actions sur les changements climatiques.Les temps n'ont jamais été aussi favorables à l'Afrique pour prendre son destin en main, d'opérer ce saut qualitatif d'aller au-delà du « Business as Usual » et d'investir dans un avenir meilleur dans la perspective d'un nouveau modèle de haute croissance sobre en carbone. Avec des bonnes politiques, sa capacité à dépasser les obstacles au développement et l'ingéniosité des compétences dont elle regorge, l'Afrique possède tous les atouts pour relever tous ces défis. Gestion des ressources en eau pour l'adaptation aux changements climatiques Actuellement, pas moins de 17 pays font face à un risque ''extrêmement élevé'' de manque d'eau, dont le Qatar et le Liban, suivis par l'Inde, l'Iran, la Jordanie, la Libye, le Koweït, l'Erythrée, les Emirats Arabes Unis, le Bahreïn, le Pakistan, Oman, l'Arabie Saoudite, le Turkménistan, le Botswana, Saint, et 25% de la population mondiale est touchée par le stress hydrique. La multiplication des crises liées à l'eau pourrait avoir des conséquences sociales désastreuses. En cause, l'augmentation de l'écart entre l'offre et la demande, les conditions climatiques et hydrologiques du pays étant caractérisées par un régime pluviométrique dominé par une grande variabilité interannuelle et spatio-temporelle, une distribution spatiale des eaux de surface très contrastée et la succession des phénomènes de sécheresse. La surexploitation des eaux souterraines engendre une baisse conséquente du niveau des nappes souterraines, l'envasement régulier des barrages et l'érosion croissante des sols diminuent la capacité de stockage des barrages. On parle de plus en plus de gestion durable de la demande en eau... Ce concept renvoie aux notions de prix optimal, de la régulation des eaux de surface et des eaux souterraines, de consommation rationnelle et durable, de préservation de l'eau, de durabilité économique et de résilience socio-écologique. La gestion durable de l'eau requiert la maîtrise technique par les gestionnaires, qu'ils soient opérateurs publics ou délégataires privés, pour l'optimisation des coûts et de la tarification ainsi que la réduction du gaspillage et la lutte contre l'utilisation excessive de l'eau. La logique volumique qui structure le modèle dominant, ne reposant une proposition de valeur intégrée, est antagoniste avec les principes fondés sur la prévention, le non gaspillage des ressources en eau et les impératifs de l'utilisation efficiente et d'économies de la ressource. L'enjeu porte sur l'invention de modèles économique innovant qui rémunère dorénavant les économies et la préservation des milieux en lieu et place d'un modèle qui rémunère les quantités vendues. Les contrats doivent ainsi évoluer dans le sens d'une collaboration étroite entre les entreprises et les collectivités dans l'économie des ressources en eau et la protection de l'écosystème naturel. Le secteur gagnerait à rapprocher le domaine de la R&D et de l'innovation de la sphère industrielle et économique, une proximité qui facilitera le transfert technologique et de savoir-faire des métiers de l'eau, nécessaire à la création de synergies collaboratives, Valorisation des déchets ménagers et adaptation au changement climatique Dans le passé, la création de déchets liés à la production et à la consommation était considérée comme une contrainte ou un mal nécessaire. Aujourd'hui, cette perception est de plus en plus remise en cause : économie circulaire, zéro déchet, cycle fermé, utilisation rationnelle des ressources, prévention des déchets, réutilisation, recyclage, etc. Tous ces termes peuvent être attribués à l'idéal de réaliser un monde en grande partie sans gaspillage et plus responsable vis-à-vis des ressources, des matériaux, des produits et de l'environnement naturel. En effet, les principes de l'économie circulaire vont au-delà des pratiques traditionnelles de gestion des déchets pour englober l'amélioration des paradigmes de conception et de production afin d'éliminer le concept traditionnel de déchets et de réaffecter les ressources et les produits à la fin de leur cycle de vie à des intrants de matières premières pour la production de nouveaux produits. Le passage à une économie circulaire permet de rompre avec le concept traditionnel de déchets et de permettre la réaffectation des ressources et des produits à la fin de leur cycle de vie à des intrants de matières premières pour la production de nouveaux produits. Le Club DD de l'AIEM a organisé en partenariat avec l'EMI et l'AMPCC, la DGCL une conférence-débat internationale, le 02 octobre 2019 qui a eu le mérite d'innover dans la manière d'aborder cette problématique sous ses différents prismes.. , Un débat franc et constructif entre les différents intervenants nationaux et internationaux qui a fait une « mise à plat » du modèle institutionnel, économique, financier et contractuel, ainsi que les carences structurelles en matière de gouvernance, de planification, de financement et de gestion de ce secteur qui suscite beaucoup de controverses. Il ne fait aucun doute maintenant que le modèle économique actuel de la gestion des déchets n'est pas viable, tant les investissements très capitalistiques et les coûts d'exploitation associés nécessitent des moyens financiers importants pérennes, qui sont hors de portée des communes, ainsi qu'une une forte technicité et des compétences hautement qualifiées qu'elles ne peuvent prétendre assurer durablement sans l'implication du secteur privé. Que ce soit pour la collecte et le transport des déchets ménagers et des activités économiques ou pour leur valorisation matière et énergétique, le modèle de génération des revenus des opérateurs en charge de la gestion des déchets repose fondamentalement sur une logique de volumes selon laquelle leur chiffre d'affaires est proportionnel aux volumes collectés, transportés et traités, et non sur une proposition de valeur intégrée, favorisant la prévention et la réduction de leur production à la source. Ce secteur gagnerait à exploiter et/ou réinventer les mécanismes institutionnels, de gouvernance et d'organisation territoriale consacrés par les lois organiques régissant les collectivités territoriales, en incitant les communes à s'engager dans une démarche de mutualisation des efforts dans le cadre d'établissements de coopération intercommunaux ciblant des territoires pertinents pour récolter les dividendes des économies d'échelles. Cela est de nature à faciliter l'optimisation des dispositifs techniques et des moyens humains et financiers, et à ouvrir la voie vers des mécanismes innovants impliquant le secteur privé dans le cadre de montages contractuels innovants de PPP assortis d'objectifs environnementaux en lieu et place de contrats de gestion déléguée, fondamentalement construits sur la base d'une logique volumique qui structure le modèle dominant et qui est contraire aux principes de l'économie circulaire ; un concept fondé sur le non gaspillage des ressources et la prévention tout au long des étapes amont du cycle de vie du produit. Par Mohammed Benahmed, Expert international en développement territorial durable et Secrétaire général adjoint du « Club Développement Durable » de l'Association des Ingénieurs de l'Ecole Mohammadia (AIEM).