9,5 Mds de DH, c'est le montant payé par l'Etat en 3 ans dans l'exécution des jugements. Ce manque de rigueur dans la gestion du contentieux public amène l'Etat à prendre des dispositions pour garantir l'équilibre budgétaire. Mohammed Benchaâboun explique les raisons de l'introduction de l'article 9 dans le PLF 2020. Si le Projet de la Loi de Finances suscite d'habitude des interrogations d'ordre politique, économique et financier, aujourd'hui, il suscite un débat juridique houleux. La raison, l'article 9 qui a fait son introduction dans le PLF 2020 et qui n'a pas trop plu aux avocats dont la réaction ne s'est pas faite attendre. Un groupe d'avocats a saisi le Chef du gouvernement par lettre pour dénoncer l'interdiction de la saisie des biens de l'Etat et des collectivités territoriales malgré un jugement prononcé par les tribunaux. Ce qui est contraire au droit civil. Pour comprendre cette posture, il faut revenir audit article qui stipule que « les créanciers porteurs de titres ou de jugements exécutoires à l'encontre de l'Etat ne peuvent se pourvoir en paiement que devant les services ordonnateurs de l'administration publique concernée ». Les ordonnateurs sont tenus d'inscrire les crédits nécessaires pour l'exécution des jugements dans la limite des possibilités de leurs budgets. En d'autres termes, en cas d'insuffisance des crédits, les établissements n'exécuteront qu'à hauteur des crédits budgétaires disponibles. Le reste sera réglé sur les budgets des années suivantes. Mais ce qui est sûr, c'est que les biens et les fonds de l'Etat ne pourront en aucun cas faire l'objet de saisie à cette fin. Le ministre de l'Economie, des Finances et de la Réforme de l'administration, qui s'est prêté ce mardi 22 octobre au jeu des questions-réponses n'a pas échappé à cette question qui a fait et fera encore couler beaucoup d'encre. « Durant les 3 dernières années, l'Etat a payé 9,5 Mds de DH dans le cadre de l'exécution des jugements. L'objectif de cet article est de préserver les équilibres financiers et éviter un dysfonctionnement dans la gestion de l'Etat », a précisé Mohammed Benchaâboun. Toutefois à la lecture dudit article, tel qu'il est formulé, il ressort l'absence de la dimension de l'obligation. « En cas d'une décision de justice définitive passée en force de chose jugée condamne l'Etat au paiement d'une somme déterminée, cette somme doit être ordonnancée dans un délai de soixante (60) jours à compter de la date de notification de ladite décision judiciaire dans la limite des crédits ouverts au budget », lit-on dans l'article 9. Le ministre justifie cette mesure par le fait que l'Etat, et en l'occurrence les établissements publics, n'ont pas de visibilité quant au nombre des affaires qui seront jugées encore moins aux montants qui seront fixés. Il est donc difficile pour l'Etat de faire des prévisions sur la base de ce qui va être prononcé. « Par conséquent, si nous ne mettons pas des balises, on sera obligé de puiser dans le Budget et, du coup, compromettre la réalisation des engagements de l'Etat », a expliqué Mohammed Benchaâboun. C'est le cas d'un incident survenu il y a un mois, lorsqu'il a été prélevé un montant important du compte d'un établissement public. Ce qui s'est répercuté sur le budget de l'Etat. L'incident nous rappelle l'affaire de la CNSS qui avait recouru à la procédure de l'avis à tiers détenteur (ATD) pour recouvrer ses créances via les comptes bancaires. Une mesure qui avait suscité l'indignation de plusieurs personnes et qui a fini par être suspendue aussi bien par le GPBM que par la DGI (suspension de la notification en avril 2019 des Avis à Tiers Détenteurs (ATD)). Aujourd'hui encore dans le PLF 2020, l'Etat met en veilleuse le recouvrement forcé pour remédier à l'épineuse problématique de la liquidité bancaire qui grippe la machine économique. Et pourtant il s'agit « d'un mécanisme universel, prévu par la loi 15-97 sur le code de recouvrement des créances publiques qui permet à l'administration fiscale et à la Trésorerie Générale du Royaume de demander à la partie détentrice de geler les fonds du débiteur à hauteur du montant de sa dette ». Aujourd'hui, c'est au tour de l'Etat de mettre les garde-fous pour se protéger des imprévus qui risquent de perturber l'exécution du Budget. Cela dit, le ministre a précisé qu'il est possible d'améliorer l'article 9 pour garantir davantage les droits des créanciers notamment la mise en place d'une ligne budgétaire dans le budget des collectivités. En effet, les établissements publics notamment les collectivités territoriales ne provisionnent pas les litiges en cours. D'après Maître Laamrani Abdelatif, avocat au barreau de Casablanca, il s'agit de la pérennisation du manque de rigueur dans la gestion du contentieux public.