La mobilisation pour faire valoir le droit d'accès à l'information a démarré depuis 2005, pour autant, la loi 31-13 n'entrera en vigueur qu'au mois de mars 2019. Mais concrètement, la loi instaurera-t-elle un réel droit à accès à l'information ou bien son périmètre en limite d'emblée l'effet ? Depuis plus de 13 ans, en 2005 plus particulièrement qu'avait démarré le chantier la lutte pour faire valoir le droit d'accès à l'information, voilà qu'enfin la loi 31-13, portant ce droit, a été publiée ce 3 mai dans le bulletin officiel numéro 6670. L'entrée en vigueur de cette loi prévue pour le 13 mars 2019 relance le débat sur ce droit qui constitue également l'un des droits et libertés fondamentaux énoncés par la constitution de 2011. Pour autant, si dans l'ensemble la consécration de ce droit vient confirmer l'engagement permanent du Maroc à respecter les dispositions de la Déclaration universelle des droits de l'homme et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ; il n'en demeure pas moins que les principaux amendements de la société civile et des professionnels des médias n'ont pas été pris en considération. Sur 67 amendements seuls 10 ont été retenus. Pour nombre de spécialistes, cette loi qui ne dispose d'aucun préambule qui énonce son esprit codifie plus qu'elle ne libère l'accès à l'information. En plus d'avoir tardé à voir le jour, le périmètre de la loi 31-13 prête à plusieurs interprétations puisqu'il exclut d'emblée les informations relatives la défense nationale, la sûreté intérieure et extérieure de l'Etat, ainsi que la vie privée des personnes. Or, ce sont des domaines qui concernent directement et jusqu'à une certaine mesure la vie des citoyens-contribuables auxquels il faut rendre des comptes. Ces restrictions jugées vagues pour les défenseurs du droit à l'accès à l'information peuvent être interprétées selon le bon vouloir des institutions concernées. Autre grief est le nombre limité des organismes assujettis à cette obligation de livrer des informations aux demandeurs. L'article 2 de ladite loi désigne la Chambre des représentants, la Chambre des conseillers, les administrations publiques, les tribunaux, les collectivités territoriales, les établissements publics et toute personne morale de droit public, toute autre institution ou organisme de droit public ou privé investi de mission de service public et les institutions et les instances prévues au titre XII de la Constitution. Le nombre des institutions et organismes visés par cet article 2 est jugé insuffisant par les experts de la question puisqu'il doit intégrer tout organisme qui profite de l'aide de l'Etat ou encore les entreprises ayant une activité qui peut impacter l'environnement ou la santé publique. Ils s'étonnent même que cette loi prétend permettre au paysage juridique marocain de se conformer aux dispositions du pacte international relatif aux droits civils et politiques, ainsi qu'aux dispositions de la convention des Nations unies de lutte contre la corruption qui permet aux citoyens d'accéder à l'information. Sont exclues également, les informations dont la divulgation cause un tort aux relations avec un autre pays ou organisation mondiale gouvernementale, à la capacité de l'Etat à gérer la politique monétaire, économique et financière, à une politique publique en cours de préparation, qui ne nécessite pas la consultation des citoyens, à condition que l'exception ne soit pas étendue après son adoption officielle, au caractère confidentiel des procédures juridiques et procédures introductives afférentes, aux études et enquêtes administratives, aux droits de propriété industrielle, droits d'auteur, et droits voisins, à la concurrence loyale et juste, aux sources d'information. Autant dire, une liste interminable de garde-fous qui peut vider cette loi de sa substance. Accès gratuit, information payante Si l'accès à l'information est gratuit, l'article 5 de la loi 31-13 note que c'est le demandeur de l'information qui prend en charge, le cas échéant, le coût de reproduction ou de traitement des informations demandées et le coût de leur envoi jusqu'à lui. Cela est de nature à dissuader les demandeurs de vouloir accéder à des informations importantes (telle la mesure de l'impact sur l'environnement) qui pourraient s'avérer « onéreuses » pourtant nécessaires à l'exercice de transparence auquel les ONG aspirent. Ce ticket d'entrée pulvérise l'égalité des chances des citoyens dans l'accès à ce droit. Et ce malgré l'article 10 qui somme les institutions et organismes concernés, chacun dans la limite des attributions et autant que possible, de publier le maximum d'informations qu'ils détiennent et qui ne font l'objet des exceptions prévues par ladite loi, et ce par tout moyen de publication possible, en particulier les moyens électroniques. Un an pour se mettre en conformité L'Article 12 de la loi 31-13 stipule que « Toute institution ou organisme concerné doit désigner une ou plusieurs personnes qui seront chargées de la mission de recevoir les demandes d'accéder à l'information, de les étudier et de fournir les informations demandées, ainsi que d'apporter l'assistance nécessaire, le cas échéant, au demandeur de l'information dans l'établissement de sa demande ». Les institutions et organismes mentionnés précédemment ont un an pour se mettre en conformité avec la loi. La personne ou les personnes en charge sont dispensées de l'obligation du secret professionnel prévu par la législation en vigueur dans la limite des missions qui lui ou leur sont confiées en vertu de la présente loi, sous réserve des dispositions de l'article 7 de cette loi. L'institution ou l'organisme concerné doit mettre à la disposition de toute personne en charge une base de données qu'il détient afin de lui permettre d'accomplir ses missions conformément à la présente loi. Aussi, ces organismes sont-ils tenus à la lumière de l'article 13 de fixer par des circulaires internes les modalités d'exercice de la personne ou des personnes en charge de veiller au respect du droit d'accès à l'information ainsi que les instructions à respecter afin d'être en conformité avec la loi. De même, qu'une commission du droit d'accès à l'information pour veiller à sa mise en application sera créée auprès du Chef de gouvernement. L'un des reproches fait à cette commission est qu'elle sera présidée par le Président de la Commission nationale de contrôle et de protection des données à caractère personnel, qui officiera à deux commissions alors que la fusion des deux constituerait un gain en efficacité et en budget. Les sanctions en cas de non respect de cette loi Dans son article 19, la loi 31-13 dispose que «si le demandeur d'informations n'a pas reçu de réponse à sa demande ou s'il a reçu une réponse négative, il a le droit de déposer une plainte auprès du président de l'institution ou de l'organisme concerné dans un délai de vingt jours ouvrables suivant l'expiration du délai réglementaire imparti pour répondre à sa demande ou à compter de la date de réception de la réponse. Le président de ladite institution ou organisme doit étudier la plainte et informer l'intéressé de la décision prise à son égard dans un délai de quinze jours à compter de la date de sa réception ». Dans son chapitre VI dédié aux sanctions, l'article 27 stipule que « la personne en charge visée à l'article 12 sera passible de poursuite disciplinaire, conformément aux textes législatifs en vigueur, s'il s'abstient de fournir les informations demandées conformément aux dispositions de la présente loi sauf si sa bonne foi est prouvée ». Pour sa part, l'article 28 dispose « est considéré coupable de l'infraction de la divulgation du secret professionnel aux termes de l'article 446 du Code pénal quiconque aura enfreint les dispositions de l'article 7 de la présente loi, sauf qualification plus sévères des faits ». Et pour vraiment verrouiller le circuit, la loi prévoit dans l'article 29, à l'attention des usagers que toute altération du contenu des informations obtenues ayant porté préjudice à l'institution ou l'organisme concerné ou utilisation ou réutilisation de ces informations ayant porté atteinte ou préjudice à l'intérêt général ou atteinte aux droits d'autrui en court pour la personne qui a obtenu ou utilisé les dites informations, selon le cas, des sanctions prévues à l'article 360 du code pénal.