L'annonce de la création d'un musée à Fès dédié à la culture judéo-marocaine a été l'occasion d'interpeller Serge Bergudo, le président de la Fondation du Patrimoine Culturel Judéo-Marocain sur les actions menées pour mettre en valeur ce grand pan de notre histoire. EcoActu : La ville de Fès a connu le 15 avril le lancement de l'initiative royale portant création d'un musée de la culture juive dans cette ville millénaire. Peut-on avoir un peu plus de détails sur ce projet ? Serge Bergudo : C'est un projet qui a été initié par SM le Roi Mohammed VI dans le dessein suprême que tous les courants de la culture marocaine soient représentés dignement et SM le roi a choisi de faire construire ce musée dédié à la culture juive à Fès, ce qui a une très haute portée symbolique. Et sur une durée de six mois, nous travaillerons à la mise en place de ce projet qui sera bâti sur un terrain appartenant à la communauté juive et qui sera financé à hauteur de 10 MDH par l'Etat marocain dans le cadre du programme de réhabilitation de la Médina de Fès. Il sera construit par l'Agence pour le Développement et la Réhabilitation de la ville de Fès (ADER) et sera programmé et géré par la Fondation nationale des Musées du Maroc (FNM) et par la Fondation du Patrimoine Culturel Judéo-Marocain que je préside. Un accord a été conclu dans ce sens entre Mehdi Quotbi, le président de la FNM et moi-même, portant sur la gestion de ce musée. Nous sommes d'ailleurs déjà à l'étape de recherche de collections et de scénarii parce que nous allons vers la conservation de tout un écrin et il faut qu'on mette en valeur les bijoux, les costumes, les documents, et tous les éléments constitutifs de cette belle histoire de la communauté juive marocaine au sein et en symbiose avec la communauté musulmane du pays. Dans le sens de la constitution des collections qui seront exposées, allez-vous faire appel aux dons d'objets constitutifs de cette histoire notamment auprès de la communauté judéo-marocaine dans le monde ? Il faut savoir que ce musée lui est destiné et donc toute initiative d'aide dans la mise en place de ce musée est la bienvenue. Rien qu'à Fès nous avons un circuit qui permet aux visiteurs de la ville de visiter le magnifique cimetière historique de Fès, la maison de Maïmonide avec son horloge à eau, la synagogue rénovée d'Aben Danan, la synagogue Slat Al Fassiyne également rénovée en plus du musée en devenir. Et nous sommes en train d'étudier en tant que communauté la rénovation de la synagogue Mansano datant du 17ème siècle... Nous faisons la même chose à Tanger où nous avons déjà rénové deux synagogues, Assayag et Nahon, et nous sommes en train de mettre les derniers détails pour la création du Musée juif de Tanger principalement dédié aux juifs sépharades venant d'Espagne et qui vivaient à Tétouan, à Tanger et dans tout le Nord du Maroc... Indépendamment du musée, en visitant les différents sites de la ville de Fès comme le musée de Batha ou Nejjarine, on retrouve une forte présence juive dans l'histoire relayée par ces sites... Vous savez la vie des juifs et des musulmans du Maroc étaient enchevêtrée... Entre les artisans, les commerçants, juifs ou musulmans etc, il y avait une interpénétration culturelle extraordinaire aussi bien à Fès, à Meknès, à Marrakech... Dans toutes les cités impériales du royaume... Quand nous avons réhabilité, sous l'égide de SM le Roi, 167 cimetières au Maroc, c'est juste extraordinaire. Jamais aucun pays ne l'a fait. Cela a demandé six années de travail et on s'est rendu compte que 75% des cimetières étaient installés dans les zones amazighes. C'est dire que le gros de la population juive n'habitait pas dans les villes mais plutôt dans la campagne et dans la montagne et cet aspect-là sera mis en valeur au niveau du musée de Marrakech. En parlant du monde rural et des petites villes, quid de la revalorisation du patrimoine juif notamment dans les mellahs dans des villes comme Kénitra par exemple ? La tâche est incommensurable, que nous avons été amenés à faire des choix. Et nous avons opté pour les sites qui ont valeur historique que ce soit dans les villes impériales que dans les périphériques... Le mellah de Kénitra s'il a existé il a moins de 70 ans. Par contre, le musée juif de Casablanca, qui est juste à côté de la mosquée et de l'église San Buenaventura, mérite d'être visité. Trois éléments essentiels et religieux créés par Hassan Premier à la fin du 19ème siècle ont été rénovés en même temps. Il y a tellement de signe qu'on baigne dans cette convivance à l'andalouse dont je pense nous sommes les véritables héritiers et nous devons être à la hauteur de ce legs. Tant de projets, tant d'efforts, une richesse universelle dont recèle le pays symbole de la cohabitation et die dialogue interreligieux... mais qu'en est-il de la communication pour inciter les Marocains à visiter et découvrir cette partie de l'histoire du Royaume ? Dans les semaines à venir, précisément après le mois sacré du Ramadan, nous organisons une conférence de presse pour présenter la totalité de nos projets notamment le lancement du site web dédié aux Juifs du Maroc. Ce travail a nécessité quatre années et demi de travail et qui offre une centaine d'heures de navigation. Ainsi que tous les ouvrages en cours de publication et vous avez raison il est temps de communiquer sur l'ensemble des actions menées !