29 Interviewé par Lamiae Boumahrou | Avec un investissement annuellement d'un milliard de dirhams, Lydec œuvre pour étendre, renforcer et renouveler les réseaux et les ouvrages afin d'accompagner la dynamique de développement urbain que connaît la métropole casablancaise. Saâd Azzaoui, Directeur maîtrise d'ouvrage à Lydec revient sur le plan d'action de Lydec basé sur le concept de la gestion durable des réseaux d'eaux urbaines. EcoActu.ma : Lydec a déployé un important plan d'action basé sur le concept de la gestion durable des réseaux d'eaux urbaines. Concrètement quelles sont les principales actions menées à ce jour ? Saâd Azzaoui : Dans un contexte de stress hydrique, la gestion durable de la ressource en eau est un enjeu stratégique pour Lydec qui opère dans la métropole casablancaise, un territoire marqué par une urbanisation galopante et un besoin accru en infrastructures. Nous disposons d'une feuille de route Développement Durable à l'horizon 2030 qui s'articule autour de 3 engagements et 12 objectifs stratégiques au service du développement durable de la Région de Casablanca-Settat. Dans ce cadre, nous sommes engagés à agir en faveur de la gestion durable des ressources naturelles, de la biodiversité, et du climat. C'est ainsi que nous nous fixons parmi nos objectifs de développer des solutions pour la gestion durable de la ressource en eau. Lydec est ainsi engagée à améliorer sa performance opérationnelle tout en préservant les ressources hydriques disponibles. Pour atteindre cet objectif, nous avons mené des chantiers de transformation de nos pratiques d'exploitation et de maintenance des réseaux. Je cite à titre d'exemple, l'outil GCO (Gestion Coordonnée des Opérations) que nous avons développé en interne. Il s'agit d'une solution intégrée avec zéro papier qui concerne trois corps de métiers, à savoir : les télé-conseillers (interface unique pour les clients et habitants demandeurs d'interventions), les planificateurs (organe de coordination pour une intervention efficace) et les agents du terrain (exploitant pour une exécution maîtrisée). Ces trois corps de métiers partagent la même description de l'anomalie ou de la demande, permettant alors aux agents du terrain et au back-office de collaborer efficacement et rapidement. Grâce à cet outil, nous avons considérablement améliorer la performance de nos interventions et par conséquent la qualité du service fourni. Nous avons également mis en place un outil innovant appelé « Aquadvanced » pour piloter le rendement de nos réseaux notamment d'eau potable. Ces outils digitaux de pilotage de la performance des réseaux s'appuient sur plus de 3.000 capteurs acoustiques très sensibles, des compteurs télé-relevés et bien sûr des moyens humains mobilisés pour analyser les données et déployer les actions adéquates sur le terrain, visant à détecter avec précision les fuites d'eau, à les réparer mais aussi à trafiquer les fraudes. Toujours dans ce cadre, et dans ce contexte de stress hydrique, nous avons mené une importante opération de modulation de la pression d'eau au niveau du réseau de distribution d'eau potable. Cette action a eu des résultats probants en termes d'économie de la ressource en eau. Qu'en est-il des investissements mobilisés par Lydec pour la gestion de cette ressource rare ? Nous investissons annuellement une moyenne d'un milliard de dirhams pour étendre, renforcer et renouveler les réseaux et les ouvrages afin d'accompagner la dynamique de développement urbain que connaît la métropole casablancaise. A titre d'exemple, nous avons achevé l'année dernière la réalisation de trois réservoirs d'eau, situés dans les communes de Mansouria, Sidi Hajjaj-Oued Hassar et Ouled Saleh, d'une capacité totale de plus de 40.000 m3. Ces ouvrages renforcent la capacité d'approvisionnement et de sécurisation d'alimentation en eau potable du périmètre de la gestion déléguée. Nous avons également mis en service en 2022 un système de sécurisation en eau permettant de mailler entre les zones desservis par le bassin d'Oum Er Rbia et le bassin de Bouregreg. Les travaux ont consisté à transférer l'eau potable à partir des installations existantes de l'Office National de l'Electricité et de l'Eau potable (ONEE) vers les réservoirs de stockage d'eau gérés par Lydec et alimentant la zone Sud de Casablanca (communes de Bouskoura, Ouled Saleh, Médiouna, El Mejjatia Ouled Taleb, Lahraouiyine...). Nous avons réalisé une station de pompage d'une capacité de 1.000 litres/seconde et une conduite structurante de refoulement de 1 m de diamètre, entre le site «Médiouna 140» et «Merchich 240», sur un linéaire de 12 km. Ce projet nous donne une agilité en termes d'exploitation, car il permet de secourir ces zones en cas de baisse des capacités au niveau de l'un des deux bassins alimentant le Grand Casablanca. Pour cette année, trois réservoirs d'eau potable sont programmés au niveau de la zone Ouest de Casablanca, à savoir Dar Bouazza, Hay Hassani et Ouled Azzouz. Les travaux viennent de démarrer à Dar Bouazza pour la construction d'un réservoir d'eau d'une capacité de 20.000 m3 d'eau. Un feeder de 800 mm de diamètre est également programmé fin 2023, sur une dizaine de kilomètres (étude en cours) pour connecter la zone basse de Hay Hassani et Dar Bouazza afin de mailler cette zone avec le reste du réseau d'alimentation en eau potable de Casablanca. Ce projet renforcera la sécurité d'alimentation de ce secteur qui connaît un développement urbain très important. Pour rappel, le réseau d'alimentation en eau potable que nous gérons dépasse les 7.000 km avec une capacité de stockage de 680.000 m3, soit une autonomie supérieure à 26 heures. Quelles sont les grandes lignes de votre plan d'actions anti-sécheresse ? Il y a presque une année, nous avons élaboré et partagé avec les autorités un plan d'actions détaillé visant à gérer la pénurie d'eau dans la métropole casablancaise. La mise en œuvre de ce plan d'actions, portant sur l'investissement mais aussi sur l'exploitation des réseaux, est primordiale, vu que les besoins en consommation en eau dépassent les ressources disponibles. Le plan comporte un dispositif de gestion de la pénurie d'eau qui définit et détaille notre mode d'organisation selon trois seuils de surveillance (vigilance, alerte et crise), le plan de réajustement des consignes de pression et des débits, la réduction des pertes en eau, les solutions alternatives d'approvisionnement en eau, l'augmentation des ressources en eau non conventionnelles... Ce plan d'actions prévoit également un dispositif de communication et de sensibilisation à la préservation de la ressource visant les différentes parties prenantes (campagnes sur les réseaux sociaux, spot de sensibilisation dans les radios, affichage dans les agences clientèle, messages dans les factures, distribution de flyers, habillage des véhicules de Lydec, rencontres de sensibilisation et visites de sites au profit des établissements scolaires et du tissu associatif...). Nous avons déployé une campagne de sensibilisation sous le thème «L'eau est de plus en plus rare. Ensemble, agissons avec raison et contribuons à sa préservation» et notre dispositif de communication se poursuit toujours en vue de sensibiliser le grand public à la rationalisation de l'utilisation de la ressource. Pour les grands consommateurs, nous avons fait du porte-à-porte, que ce soient les industriels ou les administrations, afin de les accompagner techniquement et les aider à rationaliser leurs consommations et à préserver la ressource en eau. Quel est l'impact de ce plan sur la préservation de la ressource hydrique ? Le plus important pour nous c'est que malgré une situation hydrique très critique, nous avons pu assurer jusqu'à présent une continuité de service sans grosse perturbation de l'alimentation sur notre périmètre d'intervention, et ce, grâce à toutes les actions d'exploitation et d'investissement que nous avons menées depuis le début de cette situation exceptionnelle. Dans le cadre de notre plan d'actions anti-sécheresse, nous avons mené, depuis plusieurs mois déjà, des opérations d'optimisation de la pression d'eau sur le réseau, de jour comme de nuit. Ces opérations permettent d'économiser la ressource en diminuant les pertes d'eau sur l'ensemble du réseau y compris chez les clients, tout en maintenant l'approvisionnement en continu. Cela consiste à optimiser la pression d'eau sur le réseau de distribution, en d'autres termes: donner le juste nécessaire de pression pour alimenter les clients tout en respectant la pression contractuelle au pied des immeubles (prévue par le Contrat de Gestion Déléguée), en utilisant la technologie des vannes modulantes (automatisées). Cette modulation de la pression d'eau, en fonction des appels et du tirage, permet de ne pas avoir des pressions importantes qui augmenteront les risques de fuites dans le réseau. Quid de la réutilisation des eaux épurées dans l'irrigation et l'arrosage ? Outre les actions qui ciblent le réseau d'exploitation, nous disposons d'un potentiel de 600.000 m3 d'eau par jour, à réutiliser pour des besoins d'arrosage des espaces verts, d'irrigation, de réalimentation des nappes phréatiques ainsi que pour des besoins industriels. La réutilisation des eaux usées constitue, en effet, une opportunité non négligeable pour combler le déficit hydrique. Parmi les pistes que nous avons retenues dans ce sens, il y a la réutilisation des eaux usées épurées dans l'arrosage des espaces verts et l'irrigation agricole et l'usage industriel et minier. Nous avons travaillé sur une expérience pilote depuis plusieurs années déjà. En 2013, Lydec a mis en service la Station d'épuration des eaux usées (STEP) de Médiouna qui se distingue par un processus combinant deux techniques innovantes dont la technologie membranaire. L'ouvrage est performant puisqu'il atteint une qualité d'épuration qui permet la réutilisation des eaux. Pour démontrer la pertinence et l'intérêt de la réutilisation des eaux épurées de la STEP dans l'agriculture urbaine et biologique, la Fondation Lydec a aménagé, en 2016, en partenariat avec une association d'universitaires, l'ARADD (Association Recherche-Action pour le Développement Durable), un jardin expérimental d'agriculture urbaine de 1.600 m2, sur le site de la station. Aujourd'hui, les eaux traitées de cette STEP sont mises à la disposition de la commune de Médiouna pour l'arrosage des espaces verts. En outre, nous avons achevé, en 2022, la réalisation de deux nouvelles stations d'épuration des eaux usées. Il s'agit de la STEP de la zone industrielle Sapino au niveau de Nouaceur et celle des abattoirs de Casablanca. Ces ouvrages nous permettent d'avoir une capacité additionnelle de plus de 6.000 m3 d'eau par jour à réutiliser pour l'arrosage. Je note également que nous a établi un guide pour la mise en place de solutions alternatives de réutilisation des eaux usées et pluviales. Ce guide s'adresse particulièrement aux promoteurs, lotisseurs et aménageurs et vise à les orienter vers la solution la plus adaptée au type d'aménagement ou de lotissement. En plus, nous mettons à la disposition des aménageurs une assistante technique afin de les accompagner par des ingénieurs spécialisés dans la mise en place de ces solutions. A travers toutes ces actions, visant la préservation de la ressource, nous tablons sur une économie annuelle de 10 millions de m3 d'eau. Cet objectif a été atteint en 2022 et nous maintenons notre forte mobilisation pour réaliser une plus grande économie en 2023.