Ecrit par Imane Bouhrara | Ça y est, nous y sommes. Le projet de loi-cadre 03-22 formant charte de l'investissement a été adopté et devra entrer en vigueur dès sa publication au BO. Le nouveau texte qui vient remplacer un autre vieux de 27 ans, poursuit de grandes ambitions notamment de promouvoir, faciliter et accompagner l'investissement mais l'un des défis majeurs inhérent à l'économie marocaine est d'en favoriser l'efficience à la faveur de la croissance, la création de richesse et d'emploi. Par quels biais ? Quelques éléments de réponse avec Mohcine Jazouli. Le Maroc dispose désormais d'une nouvelle charte de l'investissement. Le vote par les deux chambres du projet de loi-cadre 03-22 formant charte de l'investissement ce 29 novembre 2022, marque la fin d'une époque et le démarrage d'une autre. En effet, cette charte, qui intervient après les chocs Covid et guerre en Ukraine, tient compte au moins de deux éléments majeurs, être assez flexible face aux chocs futurs et œuvrer à promouvoir l'investissement particulièrement privé pour booster la croissance comme source de financement de l'objectif de l'Etat social au Maroc. La question de l'investissement a été bien présente dans les discours du Roi, notamment l'impératif d'inverser la tendance actuelle et porter l'investissement privé à deux tiers et un tiers pour l'investissement public. Le gouvernement n'y a prêté la plus grande attention que durant ces 12 derniers mois, Mohcine Jazouli, le ministre délégué chargé de l'investissement, de la convergence et de l'évaluation des politiques publiques a consenti un effort exceptionnel pour faire approuver le texte. Surtout qu'il fallait conjurer le sort et mettre fin aux aller-et-retour. Sa ferveur n'a d'ailleurs d'égal que son optimisme quant aux retombées de cette nouvelle charte pour la compétitivité et l'efficience de l'investissement et sa corrélation avec une croissance plus soutenue, plus pérenne et plus inclusive. Ou comme il explique, cette charte marque le « Momentum Maroc de l'investissement ». En quoi cette charte de l'investissement est-elle un atout majeur ? Comment rendre l'investissement plus productif pour une économie plus compétitive, c'est quelque part le principal impératif auquel vient répondre la nouvelle charte de l'investissement. Elle constitue le cadre référentiel et par la suite les textes d'application porteraient en leur sein toute l'effectivité et la flexibilité nécessaires dans la réalisation des objectifs assignée, explique, en substance Mohcine Jazouli. Il s'est engagé à ce que le premier décret d'opérationnalisation de la charte soit approuvé par le conseil du gouvernement avant fin 2022, avec effet rétroactif pour les investissements à partir du 1er janvier 2022. Le deuxième décret relatif aux investissements directs marocains à l'étranger (IDME) suivra six mois après l'entrée en vigueur de la charte et celui pour les TPME dans 9 mois pour une effectivité totale de la charte pour les douze prochains moins. Le ministre a étayé les trois volets sur lesquels repose ce nouveau cadre référentiel de l'investissement du Maroc et qui concerne aussi bien les investissements privés nationaux, étrangers que marocains à l'étranger. La nouvelle charte comprend trois principaux volets : les primes à l'investissement, le climat des affaires et la gouvernance. Pour le premier volet, le seuil maximum de la prime à l'investissement est fixé à 30% sans plafond pour l'investissement global du projet, à quelques exceptions près. « Nous avons mis en place un mécanisme facile, simple et transparent avec une première famille de primes à l'emploi, au climat, sensibles à l'approche genre et l'innovation... la charte prévoit une deuxième série de prime territoriale », soutient M. Jazouli. Cette prime est basée sur des critères de développement (PIB par habitant, taux de chômage...) de 75 préfectures et provinces et tend à inciter à une meilleure répartition territoriale de l'investissement et l'attirer vers d'autres provinces autres que l'axe El Jadida-Kénitra-Tanger. Et en troisième lieu les primes sectorielles qui font la part belle à la promotion de certaines activités comme l'innovation, les industries culturelles, les énergies renouvelables, le tourisme... le tout dans la flexibilité en fonction des besoins et des fluctuations notamment externes. L'architecture de la charte d'investissement repose sur un deuxième volet, celui du climat des affaires dans un effort conjoint et en synergie avec les différents départements ministériels concernés et organes tels que le CNIA pour simplifier l'acte d'investir. « On en fait le cheval de bataille de notre gouvernement », explique le ministre. Le troisième volet relatif à la gouvernance apporte à son tour des nouveautés, notamment la création de la commission nationale de l'investissement qui prend le relais de la commission de l'investissement dans son format actuel avec des prérogatives supplémentaires, mais aussi en ligne avec les objectifs de déconcentration et décentralisation. Ainsi et pour la première fois les conventions et les décisions concernant les primes d'investissement seront faites au niveau des régions et des CRI. Ces derniers changent de tutelle pour passer de l'intérieur à la chefferie du gouvernement sur fond de redynamisation de leur rôle aussi bien auprès des investisseurs internationaux que nationaux, puisque le ministre insiste sur le rôle de la charte d'avoir une nouvelle génération d'entrepreneurs marocains qui contribueront au nouvel objectif d'investissement de 550 Mds de DH et création de 500.000 emplois à horizon 2026. L'Etat investisseur dans tout ce topo La nouvelle charte de l'investissement intervient à un moment où l'Etat est en train de mettre de l'ordre dans ses affaires avec la mise en place de l'Agence Nationale de Gestion Stratégique des Participations de l'Etat et de suivi des performances des établissements et entreprises public. Et au moment où le privé est supposé porter sa participation aux investissements d'un tiers à deux tiers, se pose la question du rôle de l'Etat investisseur à l'aune de cette charte, surtout la concurrence et la dominance que peuvent constituer les EEP sur certains d'activité. Il n'y a aucun doute sur l'effet d'entraînement créé par l'investissement public, l'Etat étant le principal agent économique, et son effet bénéfique pour la bonne marche de la machine économique. Sauf qu'il faut surveiller l'effet d'éviction de l'investissement privé de certains secteurs où le public est dominant. Pour Mohcine Jazouli, l'idée est claire aujourd'hui au niveau du gouvernement : le public doit faire ce qu'il sait faire et le privé doit faire ce qu'il sait faire. « On ne doit pas aller concurrencer le privé et chaque fois que le public peut confier au privé un investissement il le fera. On cherche vraiment à passer le relais ; cela ne signifie que l'investissement public baissera mais le stabiliser dans les eaux actuelles... on va au fur et à mesure booster le secteur privé et là intervient un mécanisme important : le PPP et chaque fois que le privé peut prendre un investissement au bénéfice du citoyen moyennant partenariat avec le public, on va pousser pour que ça se fasse avec toutes les « facilities » dont on parle ». Et le ministre de conclure « S'il y a un dogme fort dans ce gouvernement c'est bien de libérer tout le potentiel du secteur privé et de le laisser se développer et déployer ses ailes ».