L'inflation a creusé les inégalités sociales. Le HCP a en effet évalué l'indice des prix à la consommation par catégorie de ménages et son impact sur le niveau et la structure des dépenses de son panier de consommation. La note souligne que 7 ans de progrès vers l'élimination de la pauvreté et de la vulnérabilité ont été réduits sous l'effet combiné du Covid-19 et de la hausse des prix de consommation. Effets de l'inflation catégorielle sur le niveau de vie des ménages De janvier à juillet 2022, les prix à la consommation ont augmenté plus vite et le taux d'inflation moyen, en glissement annuel, a atteint 5,5%, soit un niveau 5 fois supérieur à celui enregistré entre 2017 et 2021. Cette inflation moyenne cache des évolutions différenciées selon le milieu de résidence : la hausse des prix, en glissement annuel, a été en moyenne plus élevée pour les ménages ruraux (6,2%) que pour les ménages urbains (5,2%). Cette poussée inflationniste est essentiellement tirée par la hausse des prix des produits et services du quotidien, le transport et l'alimentaire. L'indice des prix à la consommation, différenciée par groupe et section de biens et services consommés par les ménages, montre une hausse de : * 11,8% pour le groupe de produits et services du « Transport » au niveau national, recouvrant une forte hausse des prix pour les carburants et lubrifiants (42,1%), les bicyclettes (5,8%), les motocycles (5,6%), l'entretien et réparation de véhicules (4,9%) ou les voitures automobiles (3,7%) ; * 8,7% pour les produits alimentaires, résultant d'une forte hausse des prix pour les céréales non transformés (27,6%), les huiles (23,7%), les produits à base d'huiles et de graisses (15%), les produits à base de céréales (14,6%), les légumes frais (12,2%), la volaille (11,6%), les légumineuses (11,4%) ; * 4,5% pour les produits d'habillement, recouvrant une hausse des prix pour les chaussures pour femmes (8,2%) et pour hommes (6,2%) ou les vêtements pour enfants (4,2%) ; * 4,3% pour les produits d'équipement ménager, recouvrant une hausse des prix pour les meubles et articles d'ameublement (8,7%), le petit outillage et accessoires divers (7%), les appareils électroménagers (6,8%), la verrerie, vaisselle et ustensile de ménage (6,7%) ; * 3,3% pour les activités de loisirs en raison d'une augmentation des prix pour le forfait touristique (9,4%), les publications périodiques (8,2%), le matériel de réception, d'enregistrement et de reproduction du son et de l'image (5,4%) ou les jeux, jouets et passe-temps (4,4%). La contribution des principales composantes de l'inflation montre que plus de la moitié de la hausse des prix (58%) est due à la composante « Produits alimentaires », 22% à la composante « Transport » et 20% aux autres composantes. C'est ainsi que 80% de l'inflation en œuvre s'explique par la hausse des prix à la consommation des produits alimentaires et du transport. Dans ce rebond d'inflation, la hausse des prix est plus prononcée pour les 20% des ménages les moins aisés (6,2%) que pour les 20% des ménages les plus aisés (5,2%) et les 60% des ménages intermédiaires (5,6%). Ces écarts inflationnistes sont plus accentués par composante d'inflation : la hausse des prix des produits alimentaires a atteint 10,4% pour les ménages les moins aisés contre 7,7% pour les ménages aisés et 9,2% pour les ménages intermédiaires. A contrario, les prix des produits et services du « Transport » ont augmenté plus vite pour les ménages aisés (14,3%) et les 60% des ménages intermédiaires (10,6%) que pour les ménages les moins aisés (6,1%). Lire également : Niveau de vie des ménages : un recul de 2,2% annuellement entre 2019 et 2021 sous l'effet du Covid-19 La hausse des prix a été plus accentuée pour les ménages dirigés par les « Exploitants et ouvriers agricoles» Par catégorie socioprofessionnelle des chefs de ménage, la hausse des prix a été de : * 6,1% pour les « Exploitants et ouvriers agricoles»; * 5,6% pour les « Ouvriers qualifiés » ; * 5,5% pour les « Ouvriers non qualifiés » ; * 5,5% pour les « Commerçants et intermédiaires commerçants ; * 5,4% pour les « Cadres moyens et employés » ; * 5,2% pour les « Responsables hiérarchique et cadres supérieurs. Par produits et services consommés, la hausse des prix des produits et services du « Transport » s'est fortement accentuée pour les ménages dirigés par les « Responsables hiérarchiques et cadres supérieurs » (16,3%) contre 7,9% pour leurs homologues dirigés par les « Ouvriers non qualifiés ». Inversement, avec une hausse des prix de 9,6%, l'inflation des produits alimentaires a touché davantage les ménages des « ouvriers non qualifiés » que les ménages des « Responsables hiérarchiques et cadres supérieurs » (7%). Cette envolée des prix a accentué les inégalités sociales : le Maroc se retrouve avec le niveau de la pauvreté et de la vulnérabilité monétaires de 2014 Face à cette inflation, le niveau de vie des ménages, en termes réels, aurait baissé de : * 5,5% au niveau national, passant de 20 040 DH en 2021 à 18 940DH en 2022 ; * 5,2% en milieu urbain, passant de 24 260 DH à 23 000 DH ; * 6,2% en milieu rural, passant de 12 420 DH à 11 650 DH. Par catégorie sociale, le niveau de vie par personne aurait baissé de : * 6,2% pour les 20% des ménages les moins aisés, passant de 6 860 DH à 6 440 DH ; * 5,6% pour les 60% des ménages intermédiaires, passant de 15 570 DH à 14 700 DH ; * 5,2% pour les 20% des ménages aisés, passant de 46 620 DH à 44 200 DH. Dans ces conditions : * Le taux de pauvreté absolue a augmenté de 3% en 2021 à 4,9% au niveau national, de 1% à 1,7% en milieu urbain et de 6,8% à 10,7% en milieu rural ; * Le taux de vulnérabilité monétaire a augmenté de 10% à 12,7% au niveau national, de 5,9 à 7,9% en milieu urbain et de 17,4 à 21,4% en milieu rural ; et * Les inégalités sociales du niveau de vie, mesurées par l'indice de Gini, ont augmenté de 40,3% à 40,5%. Effets combinés de la pandémie COVID-19 et de l'inflation catégorielle sur le niveau de vie des ménages Au total, les effets combinés de la pandémie COVID-19 et de l'inflation auraient entrainé une baisse du niveau de vie par personne, en termes réels, de : * 7,2% au niveau national, entre 2019 et 2022, passant de 20 400 DH à 18 940DH ; * 6,6% en milieu urbain, passant de 24 620 à 23 000 DH ; * 8,9% en milieu rural, passant de 12 800 DH à 11 650 DH. Par catégorie sociale, le niveau de vie par personne aurait baissé de : * 8% pour les ménages les moins aisés entre 2019 et 2022, passant de 7 000 DH à 6 440 DH ; * 6,6% pour les ménages intermédiaires, passant de 15 730 DH à 14 700 DH ; * 7,5% pour les ménages les plus aisés, passant de 47 780 DH à 44 200 DH. Dans ces conditions, les dépenses alimentaires auraient baissé de : * 11% au niveau national, passant de 7 460 DH par personne en 2019 à 6 640 DH en 2022 ; * 10,1% en milieu urbain, passant de 8 210 DH à 7 380 DH ; * 12,9% en milieu rural, passant de 6 110 DH à 5 320 DH Cette baisse des dépenses alimentaires est nettement différenciée selon le niveau de vie des ménages, elle est de : * 13,5% pour les ménages les moins aisés, passant de 3 540 DH par personne à 3 060 DH * 12,9% pour les ménages intermédiaires, passant de 7 050 DH à 6 140 DH * 6,9% pour les ménages aisés, passant de 12 640 DH à 11 770 DH 3,2 millions de personnes supplémentaires ont basculé dans la pauvreté ou dans la vulnérabilité Dans ces conditions, environ 3,2 millions de personnes supplémentaires ont basculé dans la pauvreté (1,15 millions) ou dans la vulnérabilité (2,05 millions). Près de 45% de cette détérioration de la pauvreté et de la vulnérabilité est due à l'effet de la pandémie et 55% à l'effet de la hausse des prix à la consommation. On estime, à cet égard, que près de sept années de progrès vers l'élimination de la pauvreté et de la vulnérabilité ont été perdues : en 2022, le Maroc se retrouve avec le niveau de la pauvreté et de la vulnérabilité de 2014.