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Généralisation de la couverture sociale : un chantier royal qui marque un tournant au Maroc
Publié dans EcoActu le 30 - 07 - 2022

Le 29 juillet 2020, le Souverain a annoncé dans son discours à la Nation à l'occasion de la Fête du Trône le lancement d'un chantier social tant attendu celui de la généralisation de la couverture sociale. Un chantier qui permettra à tous les Marocains de jouir d'un droit constitutionnel et d'établir une réelle équité sociale.
« …Nous considérons que le moment est venu de lancer, au cours des cinq prochaines années, le processus de généralisation de la couverture sociale au profit de tous les Marocains. Nous préconisons le déploiement progressif de cette opération à partir du mois de janvier 2021, selon un programme d'action précis. Celui-ci devra porter, en premier lieu, sur la généralisation de l'Assurance Maladie Obligatoire (AMO) et des allocations familiales. Il sera ensuite étendu aux autres couvertures sociales que sont la retraite et l'indemnité pour perte d'emploi« , extrait du discours de SM le Roi du 29 juillet 2020.
Le Souverain a appelé toutes les forces vives du pays à s'impliquer pour réussir l'aboutissement de ce chantier titanesque.
Depuis, les pouvoirs publics s'activent pour mettre en œuvre ce chantier qui permettra aux Marocains de jouir d'un droit constitutionnel celui d'accès à une couverture sociale.
Le discours royal du 29 juillet 2020 a ainsi marqué un tournant au Maroc, dévoilant ainsi les grandes lignes du chantier titanesque de l'élargissement de la protection sociale avec comme corollaire la généralisation de la couverture médicale, l'AMO en l'occurrence. Près de deux ans après le démarrage du chantier début 2021, l'heure est au bilan d'étape. Changement démographique, panier de soins, reste à payer, pérennité financière, gouvernance, capacité de traitement... sont autant d'éléments en débat.
La pandémie du Covid-19 a rappelé une fois de plus l'importance du renforcement des filets sociaux au Maroc tablant sur la solidarité au service de l'équité sociale, notamment dans l'accès aux soins. La pandémie a montré également que l'expérience du Maroc en la matière, avec la mise en place de l'Assurance Maladie Obligatoire (AMO) et le Régime d'Assistance Médicale (Ramed) ont largement atteint leurs limites.
Face à cet état de faits, le discours du Roi Mohammed VI du 29 juillet 2020 à l'occasion du 21è anniversaire de la Fête du Trône a été disruptif dans ce sens où il n'a pas seulement indiqué les grandes lignes de transformation du modèle de sécurité sociale, mais en établissant un calendrier précis (5 ans) d'élargissement de la protection sociale et de généralisation de la couverture médicale.
A commencé dès lors un véritable challenge transformationnel de l'ensemble de l'écosystème qui depuis janvier 2021 est en ordre de bataille pour réaliser les objectifs assignés dans les délais fixés.
Il faut rappeler que ce chantier est scindé en deux principales phases : Généralisation de l'AMO et des allocations familiales (2021- 2023), généralisation de la retraite à toutes les personnes et l'indemnité pour perte d'emploi à l'ensemble de la population active (2024- 2025).
Près de deux ans après le démarrage du chantier début 2021, l'heure est au bilan d'étape. Changement démographique, panier de soins, reste à payer, pérennité financière, gouvernance, capacité de traitement, allocations familiales, inclusion financière, digitalisation, réforme réglementaire... sont autant d'éléments de débat ayant rythmé le Colloque international sur la protection sociale organisé les 26 et 27 juillet à Skhirat par l'Association des Membres de l'Inspection Générale des Finances (AMIF) et le Ministère de l'Economie et des Finances sous thème : « la protection sociale: un chantier de règne ».
L'AMO pour soigner les maux
Le panel tenu dans la matinée du 27 juillet autour de la thématique « La généralisation de l'AMO, gage de solidarité sociale », a été l'occasion de faire le point sur l'état d'avancement à mi-parcours de cette composante importante de la première phase du chantier de la protection sociale.
Particulièrement auprès de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) en œuvre pour l'immatriculation des travailleurs non-salariés entamée depuis 2021 mais qui opérera le basculement des ramedistes vers l'AMO dans quelques mois.
Le Directeur Général de la CNSS, Hassan Boubrik a livré à cette occasion les dernières données avec plus de deux millions de travailleurs non-salariés immatriculés à la Caisse, notamment 840.000 agriculteurs, 380.000 artisans, près de 300.000 auto-entrepreneurs, 250.000 artisans et commerçants qui sont dans le cadre de la contribution professionnelle unique et la quasi-totalité des professions libérales et indépendantes.
Sur cette nouvelle population qui intègre la CNSS, quelque 330.000 personnes ont ouvert leurs comptes sur nos portails et ont commencé à déclarer leurs familles (conjoints et enfants) pour bénéficier effectivement de l'Assurance Maladie Obligatoire (AMO).
Cela se traduit par 2.000 dossiers par jour de l'AMO qui proviennent de ces travailleurs non-salariés.
Bien évidemment une telle généralisation s'est accompagnée en amont d'une grande structuration des processus au sein de la CNSS, en plus de l'adaptation des organisations et des systèmes d'informations de la CNSS pour suivre les démarches d'identification, et d'immatriculation, avec une digitalisation accélérée et un élargissement du réseau physique.
Sur ce dernier point Hassan Boubrik a souligné l'ouverture d'une cinquantaine d'agences cette année et d'autres ouvertures prévues l'année prochaine pour couvrir l'ensemble du territoire national.
En outre, la CNSS a conclu des partenariats avec des réseaux de proximité, en vue de garantir la traçabilité du dossier, et augmenter la capacité de traitement des capacités pour accompagner l'évolution exponentielle de l'activité.
Ainsi, les projections font montre que de 15.000 à 20.000 dossiers par jour, la CNSS passera à un volume de 80.000 ou 90.000 dossiers par jour, donc le volume de dossiers à traiter par jour sera multiplié par 4,5.
https://www.youtube.com/watch?v=5Am5xwot-S4
Actuellement le délai de remboursement moyen s'établit à 9,15 jours, un indicateur que le DG de la CNSS suit chaque semaine.
Bien évidemment la digitalisation vient en renfort. En effet, en plus de la possibilité de s'inscrire et immatriculer en ligne, la CNSS va assurer à ses assurés une feuille de soin électronique. Le projet est en progression qui nécessite 18 à 24 mois pour un déploiement général. Mais le DG de la CNSS assure qu'il est dans ces les dernières phases pour un basculement vers ce nouvel outil à partir de la mi-mars 2023.
Il s'agit d'une dématérialisation totale de la feuille de soin AMO de chez le praticien au pharmacien jusqu'au traitement du dossier.
Ce qui est de nature de réduire le temps de traitement à 24 ou 48 h selon la complexité du dossier mais surtout réduire le coût de de gestion tout en garantissant la qualité de service.
Les actions déployées par la CNSS sont cruciales en prélude à l'intégration des ramédistes qui se fera dans les prochains mois suite à l'amendement de la loi 75.00 et les textes réglementaires nécessaires.
Démographie, panier de soins... ces risques à anticiper
Sur la question de la soutenabilité financière, le DG de la CNSS a évoqué les études préliminaires sur des projections actuaires ou plutôt des approches macro pour voir si le système tient pour le volet travailleurs non-salariés et celui des personnes vulnérables.
Les résultats finaux sur les équilibres financiers seront prêts pour bientôt. Mais ce n'est pas tant ça qui taraude le DG de la CNSS.
« Maintenant que nous avons les bases de données (près de 7 millions de personnes) et les structures démographiques, nous avons lancé une étude plus approfondie... ».
« Maintenant que nous avons les bases de données (près de 7 millions de personnes) et les structures démographiques, nous avons lancé une étude plus approfondie... ».
https://www.youtube.com/watch?v=ApZp2biIUUg
Si les études actuarielles se basent sur le comportement du passé, le plus important pour Hassan Boubrik est d'appréhender les risques futurs, sachant que l'âge moyen des travailleurs non-salariés est de 51 ans, 51 ans de pour les ramédistes contre 42 ans pour les salariés.
« L'on sait que dans le domaine de santé et la couverture maladie, les transformations futures seront extrêmement importantes notamment sur l'axe démographique, sachant que le vieillissement entraîne une plus grande consommation de médicaments. Deuxièmement sur l'axe épidémiologique, on note la transformation de maladies aigues en des maladies chroniques comme les maladies cardiovasculaires et les cancers et alors que d'autres se développent très vite comme l'asthme et le diabète en raison du mode de vie actuel », explique-t-il.
De ce fait, l'approche sur le risque maladie de court terme devient un risque de long terme à gérer par l'assureur parce que ces pathologies pèsent énormément sur le régime d'assurance maladie.
Pour avoir une idée, les ALD (dont 80% est concentrés autour de 5 maladies) pèsent pour 60% de dépenses de l'AMO. Adresser ces questions-là en terme de prévention et de monitoring est une question réellement cruciale, estime le DG de la CNSS.
« Ça nous interpelle à la CNSS, et la data devient un élément clé pour prévenir, anticiper et monitorer ces sujets. La CNSS se transforme d'une caisse qui liquide les dossiers AMO sur la base de la conformité à un vrai assureur maladie qui anticipe, essaye de gérer le risque et le réduire avec le reste des acteurs de l'écosystème », conclut-il.
Dr Khalid Lahlou, le directeur de l'Agence nationale de l'assurance maladie (ANAM), a assuré de son côté que la couverture médicale constitue à la fois un engagement et un défi, et s'inscrit dans le cadre de la mise en œuvre des recommandations des différentes institutions, notamment l'Organisation mondiale de la santé (OMS).
Il a aussi souligné que le rapport du nouveau modèle de développement (NMD) a mis l'accent sur la question de la santé, notant que l'Etat marocain dispose ainsi d'une visibilité en la matière vers une généralisation d'une ouverture médicale universelle.
Dr Lahlou Lahlou a détaillé les leviers mis en œuvre par l'ANAM en tant régulateur, notamment l'accompagnement dans la généralisation
en intégrant différentes catégories avec en amont les études actuarielles nécessaires.
Il a par ailleurs souligné certaines questions importantes comme le panier de soins, en tant qu'outil de mesure de la performance de tout système d'assurance maladie. Mais également pointé certains points à élucider comme le reste à charge ou encore le cadre réglementaire à finaliser.


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