Ecrit par Imane Bouhrara | Les règles de gouvernance des sociétés faisant appel public à l'épargne ne cessent d'évoluer et se moderniser depuis l'entrée en vigueur de la loi 17-95 relatives aux SA amendée par la loi 19-20, avec notamment la circulaire 03/19 de l'AMMC ou encore le projet de Code de bonne gouvernance des émetteurs faisant appel public à l'épargne attendu pour fin 2022. La question qui demeure est de savoir quel est le degré d'évolution des pratiques de gouvernance en réalité. Un exercice auquel s'est livrée Ofinance en dressant le panorama annuel 2021 révélé à la presse ce 14 juillet. Sans nul doute, la gouvernance des sociétés faisant appel public à l'épargne s'améliore au Maroc mais certains tabous persistent, si l'on compare la première édition du Panorama de la Gouvernance 2020 par rapport à l'édition 2021. A commencer par l'amélioration de la communication puisque 95% du total des émetteurs ont publié leurs rapports ESG. Pour mesurer cette progression, Ofinance a procédé à une évolution comparative élaborée sur la base d'une data de 92 émetteurs APE, en scrutant plus de 60 critères d'analyse. Cette édition plus étoffée puisqu'il faut rappeler que l'exercice couvert a été marqué par l'entrée en vigueur en juillet 2021 de la loi 19-20 modifiant et complétant la loi 17-95 introduisant de nouvelles règles de gouvernance dont le principe de représentation équilibré des femmes et des hommes au sein des organes de gouvernance des sociétés faisant appel public à l'épargne, l'instauration du principe de rotation des commissaires aux comptes de ces sociétés et la fixation d'une fréquence d'au moins 2 réunions par an du conseil d'administration et conseil de surveillance. 13 faits marquants sont à retenir du Panorama annuel 2021 de la gouvernance d'Ofinance, présenté ce 14 juillet, à commencer par l'organisation et le fonctionnement du conseil d'administration. L'étude d'Ofinance relève ainsi une meilleure qualité et transparence de l'information sur le fonctionnement et la composition du conseil d'administration. En effet, 70 % des émetteurs ont adopté une présentation synthétique de la composition du conseil et ses caractéristiques mais la communication sur les sujets traités reste toutefois en retrait. Aussi, 83% des émetteurs adoptent une structure de gouvernance à conseil d'administration dont 46% pour une séparation des fonctions du président et du directeur général. Pour ce qui est de l'assiduité des administrateurs, 67% des émetteurs ont affiché ce taux de manière individuelle et collective dans leurs rapports ESG, contre 63% en 2020. On note également que la taille moyenne des conseils est de 9 membres (sur la base d'un minimum de 3 et un maximum de 15). Le nombre total des administrateurs ou plutôt de mandats détenus par les administrateurs est passé de 838 en 2020 à 854 en 2021. En 2021, 25 émetteurs ont tenu leur assemblée générale par visio conférence pour approuver les résultats de l'exercice 2021. Petit bémol, le Panorama annuel 2021 de la gouvernance révèle la persistance de quelques conseils d'administration non conformes aux dispositions relatives aux administrateurs indépendants puisque 15 émetteurs n'ont pas encore finalisé le processus de recrutement. Pour l'ensemble des émetteurs étudiés, le nombre des administrateurs indépendants est de 158, contre 153 en 2020. Sur un autre registre, l'édition 2021 du panorama annuel 2021 de la gouvernance d'Ofinance relève plus de transparence de la communication sur la représentation des femmes dans les organes de gouvernance et direction puisque 93% des émetteurs ont publié leurs données en la matière. Il en ressort que le nombre des femmes administratrices s'élève à 165 ce qui représente 20% du total des administrateurs siégeant dans les CA des émetteurs. Egalement, les femmes représentent 35% du total des administrateurs indépendants. Par ailleurs, sur un total de 73 émetteurs ayant communiqué l'information sur la composition des organes de direction, 32% de femmes font partie du top management contre 25% en 2020. Seulement, il est révélé que 7 conseils d'administration sont présidés par des femmes, soit seuls 8% des sièges de présidence sur l'ensemble du panel, soit un taux très faible. Et ce n'est pas fini, les sociétés faisant appel public à l'épargne ont du pain sur la planche puisqu'à partir de janvier 2024, le taux de représentation de chaque sexe dans les CA et les conseils de surveillance ne peut être inférieur à 30% et à 40% à partir de janvier 2027. Une disposition assortie de sanctions en cas de non-conformité. Au tableau des progrès figure le développement de nouveau comités spécialisés au sein des CA des émetteurs et la totalité des sociétés cotées ont mis en place une comité d'audit. Néanmoins, 8 d'entre-elles disposent d'un comité d'audit non conforme à la composition prévue par la loi 17-95. Du chemin encore à faire L'analyse d'Ofinance révèle une réticence concernant la communication de la rémunération des dirigeants (46% seulement ont communiqué là-dessus) alors que les émetteurs communiquent davantage sur la rémunération des administrateurs (64% des émetteurs contre 43% en 2020) qui a progressé de 19% en 2021 pour s'établir à une moyenne de 185.000 DH. Autre ombre au tableau, la communication sur l'évaluation de la performance du CA est en recul par rapport à 2020 puisque seuls 17 émetteurs ont communiqué à ce sujet, avec une prédominance de l'auto évaluation. Et ce sachant que la circulaire 03/19 de l'AMMC oblige les émetteurs à communiquer sur leur processus d'évaluation. Sur le volet formation des administrateurs, et bien que le code de bonne gouvernance destinés aux sociétés faisant appel public à l'épargne recommande aux émetteurs de veiller à ce que tous les membres du conseil bénéficient d'une formation initiale d'introduction, d'un processus d'intégration au conseil et d'une formation continue d'au moins 2 jours par an, en 2021 seuls 3 émetteurs ont annoncé avoir organisé des formations pour les administrateurs. Pour ce qui est de l'adoption du principe de conformité « Comply or explain », elle reste très limitée puisque seuls 6 émetteurs mentionnent ce principe dans leurs rapports ESG de 2021. Sur un autre registre, 57% des émetteurs mentionnent dans leurs rapports ESG la mise en place des outils de gouvernance, 66% ont communiqué sur leur dispositif éthique et de bonne conduite des affaires et 79% mentionnent disposer d'un dispositif de déontologie boursière. Pour maintenir un bon rythme d'évolution des pratiques de gouvernance et à la lumière de l'entrée en vigueur des amendements de la loi relative aux SA et du code déontologique, Ofinance recommande une information plus détaillées sur la rémunération des administrateurs et des membres de la direction. La société de conseil spécialisée dans l'accompagnement des entreprises cotées et non cotées au niveau du marché des capitaux insiste également sur l'importance de la limitation des mandats sociaux à 6 dans les entreprises notamment celle dont le siège social est en dehors du Maroc. Pour les entreprises contrôlées par un seul groupe, ce nombre sera réduit à 5 mandats sociaux en 2024. Autre point d'amélioration qui s'impose celui de la formation des administrateurs ainsi que l'évaluation annuelle du CA en terme de performance collective et individuelle de chaque administrateur. Ce sont autant d'enjeux que doivent relever les sociétés faisant appel public à l'épargne sur la période 2022-2024.