Ecrit par Imane Bouhrara | Boostée par des résultats financiers en forte hausse pour l'exercice 2021, Sonasid amorce l'année avec une batterie de projets au niveau national qu'international, le tout dans un contexte mondial agité. Défis ou opportunités, discussions à bâtons rompus avec Ismaïl Akalay, Directeur Général de Sonasid. Sonasid a clôturé l'exercice 2021 dans le vert avec un chiffre d'affaires consolidé en hausse de 42 % comparativement à 2020 et de + 24% par rapport à 2019, à 4.494 MDH, profitant de l'effet tarif sur le marché international et de l'effet volume avec la reprise de la demande dans le secteur de la construction. L'Ebitda sort à 315 MDH en croissance de +197 MDH comparativement à l'exercice précédent. La profitabilité s'est également inscrite sur un trend haussier à 7%, soit 3,3 et 4 points comparativement à 2020 et 2019, essentiellement grâce à une meilleure maîtrise des charges d'exploitation ou encore une économie d'échelle induite par la croissance des volumes de vente sur le marché domestique et le développement d'une offre export compétitive. Le résultat net social s'établit à 150 MDH en amélioration de 130 MDH par rapport à 2020 et le conseil d'administration proposera à l'AG des actionnaires la distribution d'un dividende de 38 DH par action, au titre de l'exercice 2021. Et la capitalisation de la valeur Sonasid a été multipliée par 3 comparativement à 2019. Les indicateurs pour l'exercice 2022 sont attendus en amélioration si les prix restent sur la même tendance haussière. Et pourtant le sidérurgiste évolue dans un environnement présentant plusieurs contraintes dont la principale est l'amont particulièrement local fortement marqué par l'informel et qui malheureusement renforce la dépendance de toute l'industrie de la sidérurgie à l'importation de la ferraille principalement du marché européen. Et ce n'est pas faute d'avoir essayé, comme l'explique Ismaïl Akalay, le DG de Sonasid lors d'une rencontre avec les médias. A l'origine de cette situation, une disposition contenue dans la LF 2021 généralisant la TVA sur la ferraille, ce qui a ouvert « une autoroute à la fraude », explique le DG de Sonasid. La rectification dans la LF 2022 n'a pas eu l'effet escompté mais les sidérurgistes à travers le groupe parlementaire de la CGEM vont tenter d'introduire une disposition dans le PLF 2023 qui sera en mesure d'éliminer 80% de l'informel, assure I. Akalay. Et c'est d'autant plus important lorsque court le risque de voir le principal marché, européen, suspendre ses exportations de ferraille en raison de la guerre en Ukraine, pour un secteur qui dépend en moyenne à 60 % des importations de la matière première. Réduire les coûts, l'empreinte carbone et monter en gamme Après le choc de la crise sanitaire, le contexte mondial est encore plus empreint d'incertitudes à cause de la crise en Ukraine. D'ailleurs, pas plus tard que début mars, ArcelorMittal, actionnaire de Sonasid avait annoncé la suspension de toute sa production d'acier en Ukraine avec la mise en sommeil de son usine de Kryvyi Rih. Hormis la problématique de l'approvisionnement et la volatilité des prix de la ferraille, cette suspension est une opportunité pour Sonasid à l'export, le marché local étant petit, la société poursuivant ses projets stratégiques avec deux principaux objectifs : l'accélération de la transition énergétique et une montée en gamme des produits grâce à la R&D. Une économie énergétique signe de réduction des coûts mais d'une meilleure compétitivité face au durcissement de la réglementation environnementale particulièrement sur le marché européen et garantir un meilleur positionnement sur le marché américain. Dans ce sens, le DG de Sonasid a annoncé le démarrage à partir du T4 de 2022 de la production de la fibre d'acier, essentiellement destinée aux marchés américains, canadiens et européens en attendant de les marketer sur le marché domestique. Aussi, la société poursuit-elle l'ambition de porter la part des énergies renouvelables dans l'alimentation de ses usines de 85% actuellement à 100% grâce au parc photovoltaïque construit à Nador en partenariat avec NAREVA et qui sera opérationnel avant 2023. Une date qui est revenue régulièrement dans les échanges avec Ismaïl Akalay puisqu'elle signe le démarrage du recensement et l'indentification des exportateurs d'acier vers le marché européen et l'application d'une taxe carbone. Dans ce sens, le DG de Sonasid s'est félicité de pouvoir se positionner comme exportateur de l'acier vert vers le marché européen bien avant d'autres pays concurrents. N'empêche qu'il y a une ombre au tableau. En effet, le DG de Sonasid regrette que le crédit carbone Maroc ne soit pas reconnu en Europe, un manque à gagner en compensation pour ArcelorMittal en l'absence d'un système d'échange de droits d'émission, privant ainsi Sonasid d'améliorer davantage ses fondamentaux. Mais le responsable espère voir le Maroc entamer les démarches nécessaires auprès de l'ONU pour profiter de cette taxe avec 80 euros la tonne sur la bourse européenne. Pour une économie de 800.000 tonnes de CO2 par an réalisée par Sonasid, le manque à gagner est effectivement important. L'autre annonce faite par Ismaïl Akalay est celle de l'ouverture d'un laboratoire de R&D en 2022 avec un coût de 6 à 8 MDH et dont le budget annuel se situera entre 1 à 1,7 % de CA. Un sujet qui tient particulièrement à cœur du management de Sonasid pour développer des produits très élaborés pour accompagner les évolutions technologiques dans plusieurs de domaines d'intervention et être très compétitif sur le marché international avec des produits à forte valeur ajoutée. Bien évidemment la société poursuit ses ambitions sans perdre de vue les défis imposés par la conjoncture actuelle marquée par une forte pression sur les approvisionnements avec des pics historiques sur les prix des matières premières. En effet, le prix moyen de la ferraille a progressé de 171 % entre mars 2021 et mars 2022, la billette a vu son prix s'envoler de 159% en deux ans et le rond à béton exporté par les producteurs turcs de +153 % en deux ans également. Ce qui devrait inciter les autorités publiques à réagir rapidement pour organiser l'amont vu les enjeux pour la filière.