Sur les chantiers de construction de l'émirat, les travailleurs sont de plus en plus mécontents de leurs conditions salariales. Dans la capitale des affaires des Emirats Arabes Unis, on n'en finit plus de compter les nouvelles routes et les gratte-ciel qui surgissent tous les jours. Il faut dire qu'à Dubaï, la priorité du gouvernement est de maintenir le rythme de développement. Ce fût donc un coup de tonnerre lorsque le 28 octobre dernier, des milliers d'ouvriers du bâtiment ont interrompu leur travail durant deux journées, avec pour principale revendication, la hausse des salaires. Une grève sous haute tension au cours de laquelle les travailleurs mécontents ont jeté des pierres sur des voitures de police. Cette grève fait suite à deux incidents mineurs au cours de l'été dernier, ainsi qu'à une action beaucoup plus importante au mois de mars, avec un débrayage au cours duquel les travailleurs avaient bloqué une des principales artères de Dubaï. Le mécontentement avait également touché les bureaux de Borj Dubaï, le plus haut bâtiment au monde et dont la construction est en phase d'achèvement (avant la fin de 2008). Mais si les premières revendications des grévistes concernent les conditions de travail, les incidents de la semaine dernière sont directement liés au niveau de rémunération. La plupart des travailleurs ont signé des contrats avec des entreprises spécialisées dans le travail temporaire. Alors que leurs salaires n'ont pas évolué, ces travailleurs luttent pour faire face à une inflation en hausse dans les Emirats Arabes Unis. Bien que les experts parlent de chiffres plus élevés, les statistiques officielles indiquent une inflation comprise entre 9% et 10%, résultant principalement d'une inadéquation entre la demande et l'offre en logements.La chute du dollar a également contribué à affaiblir la situation des travailleurs, spécialement ceux qui sont faiblement qualifiés. Payés en dirhams émiratis, une monnaie arrimée au dollar américain, les travailleurs ont un pouvoir d'achat moindre une fois de retour dans leur pays. C'est particulièrement le cas en Inde où le Rupee (la monnaie locale) s'est renforcée par rapport au dollar. De plus, dans une économie indienne florissante, les conditions de travail s'améliorent et les rémunérations sont de plus en plus élevées. La conséquence est que l'Inde est en train de priver les Emirats d'une main d'œuvre potentielle… Si la récente amnistie (juin 2007) des travailleurs illégaux a permis au gouvernement des Emirats de «gagner» 280.000 travailleurs supplémentaires, ces derniers ne pourront plus être sous-payés comme auparavant. Les recruteurs ont d'ores et déjà plus de mal à trouver des travailleurs avec le niveau actuel des rémunérations. Cependant, les analystes avancent que la pénurie en travailleurs bon marché ne sera que de courte durée. En effet, si certains des travailleurs indiens pourraient ne plus vouloir rester à Dubaï, leur place sera prise par des travailleurs en provenance de pays à très bas salaires comme le Sri Lanka, le Bangladesh ou le Népal.Bien que certains pays comme le Sri Lanka en aient fait la demande pour leurs ressortissants, peu de progrès ont été réalisés en matière d'instauration d'un salaire minimal dans les Emirats. De plus, du fait de l'interdiction par le gouvernement des Emirats de toute activité syndicale, les travailleurs continuent à souffrir d'un manque de représentation formelle. Enfin, en dépit d'une répression sévère, les ministres des Emirats ont déclaré qu'ils allaient renvoyer chez eux les 4.000 travailleurs qui ont pris part aux incidents de la semaine dernière. Ce qui constituera une avancée non négligeable, c'est le projet de règlement électronique des salaires des travailleurs, piloté et contrôlé par le gouvernement. Prévue pour janvier 2008, l'entrée en application de ce mode de règlement vise à mettre fin à la pratique des règlements en cash mais permettra surtout d'éviter les fréquents retards de paiements. Les Emirats ont récemment soutenu une initiative de l'Etat de Bahreïn visant à limiter à 6 années la période au cours de laquelle les travailleurs non qualifiés pourront résider dans l'un des six pays membres du CCG (Conseil de Coopération du Golfe). Si cette initiative de Bahreïn va contraindre les entreprises à recruter et à former de nouveaux travailleurs en permanence, elle ne semble pas mettre en danger la poursuite du développement rapide de Dubaï.