Il y a le Qatar d'un côté, de l'autre, l'Arabie saoudite et les Emirats arabes unis qui se déchirent par médias et décisions politiques interposés. Alors que des états comme le Koweït, le Bahreïn et Oman soufflent le chaud et le froid en attendant une hypothétique issue à un conflit larvé, Rabat privilégie la voie de la sagesse et de l'équilibre. Il faut croire que le fond du conflit dans les pays du Golfe est né à cause de deux points importants. D'un côté l'Arabie Saoudite et les Emirats arabes unis qui fustigent le Qatar et lui reprochent fermement son attitude adoptée depuis longtemps face à l'Iran, l'ennemi juré des Saoudiens. De l'autre, Al Jazeera qui pose un grand problème pour ses « accointances » avec les mouvements islamistes radicaux et sa position «plus que douteuse» à l'égard du terrorisme. C'est simple, pour les rivaux du Qatar, Al Jazeera n'est rien d'autre qu'une caisse de résonnance de Doha et une espèce de « porte-voix des Frères musulmans et d'autres groupes terroristes comme Al Qaïda et Daech ». À y voir de plus près, cela ne date pas d'aujourd'hui. On s'en souvient, au début du conflit en Afghanistan, à l'automne 2001, Al Jazeera jouait un jeu trouble avec Oussama Ben Laden et Mollah Omar. Pire, le journaliste vedette de la chaîne, Tayssir Allouni, qui a d'ailleurs interviewé Ben Laden à l'époque, a été arrêté en Espagne par le Juge Baltasar Garzon et accusé de terrorisme. Sauf que c'est plus de quinze années plus tard que le couvercle saute et que l'on voit les dessous des cartes dans une marmite politico-financière où Doha n'apporte pas que des arguments fiables pour se défendre. Bras de fer La question qui reste posée est le pourquoi de ce timing aujourd'hui ? Si tous les observateurs lient ce conflit à la visite du Président américain Donald Trump à Riyad, il ne faut pas perdre de vue l'enlisement de la guerre contre Daech en Syrie et en Irak, la montée des islamistes au Yémen et le bras de fer entre Moscou et Washington dans la région. Dans cette optique, il faut faire la bonne lecture des demandes formulées par les états du Golfe et destinées à Doha. L'Arabie saoudite, les Emirats arabes unis, Bahreïn et l'Egypte exigent entre autres du Qatar une réduction de ses relations avec l'Iran et la fermeture de la chaîne de télévision Al Jazeera. Ceci on le sait. Mais en filigrane, voici ce qui est plus précis. Le Qatar doit également extrader les opposants aux régimes de ces pays et fermer, outre Al Jazeera, les médias qu'il soutient, dont plusieurs sites d'information en ligne tels que : Arabi21, Rassd, Al-Arabi Al-Jadid et Middle East Eye. Les quatre pays frappent sur la table avec fermeté et exigent que le Qatar rompe les liens qu'il entretient avec les groupes jihadistes Etat islamique (EI) et Al-Qaïda ainsi qu'avec le mouvement chiite libanais Hezbollah et les Frères musulmans. Sans oublier le point d'orgue qui, à notre sens, est crucial pour les pays du Golfe dans le sillage de Riyad, l'urgence pour le Qatar de rompre toute coopération militaire ou dans le domaine du renseignement avec Téhéran. La république islamique est accusée de profiter des crises politiques au Proche-Orient pour s'immiscer dans les affaires arabes. Ce qui gène davantage Riyad, c'est aussi le fait que le Koweït et Oman campent sur des positions « light », refusant de couper le pont définitivement avec l'Iran. Enfin, et ce n'est un secret pour personne, l'Iran et le Qatar exploitent conjointement un gigantesque gisement gazier. Ce qui n'est pas du tout du goût de l'Arabie Saoudite. Ce qui revient pour les Saoudiens et leurs alliés à un jeu en solo de la part de Doha qui fragilise le Conseil de coopération du Golfe et renforce Téhéran. Et le Maroc ? Pour Rabat, les choses sont claires. Al Jazeera n'a jamais été une chaîne amie du Maroc. À coups de slogans anti-marocains et de désinformation, le vase a débordé et le bureau de Rabat a été fermé et il ne reste plus qu'un correspondant au Maroc. Quand aux relations avec le Qatar, le Royaume a toujours prôné la voie de la sagesse et surtout la lutte ferme contre toutes les formes de terrorisme. La position officielle, par le biais du ministère des Affaires étrangères ne souffre aucune ombre : « Le Maroc n'a pas besoin de présenter une preuve ou de confirmer sa solidarité permanente avec les pays frères du Golfe, qui s'est manifestée dès la première guerre du Golfe à travers notamment son soutien à la souveraineté des Emirats arabes unis sur ses trois îles, la rupture de ses relations diplomatiques avec la République islamique d'Iran, en solidarité avec le Royaume du Bahreïn, et sa participation à la coalition arabe pour le soutien de la légitimité au Yémen, où plusieurs Marocains sont tombés en martyrs aux côtés de leurs frères des pays du Golfe ». Reste que Rabat a de solides rapports d'amitié et de coopération avec Doha, ce qu'il faut aussi savoir préserver dans un savant équilibre à trouver qui satisfasse toutes les parties de ce conflit sans en écorcher aucun.