Hamid Benelafdil, directeur général de l'AMDI Investissement . L'Agence marocaine pour le développement des investissements (AMDI) veut du concret dans les investissements chinois au Maroc. Au-delà de démarcher les investisseurs de l'Empire du Milieu dans leur pays, elle les fait venir voir de visu. par Adama Sylla Depuis quelques années déjà, les investisseurs chinois lorgnent plusieurs secteurs de l'économie marocaine. Mais jusque-là, peu d'entre eux ont franchi le pas. Pendant ce temps, les forums et les signatures d'accords se multiplient entre les deux pays. Aujourd'hui, l'Agence marocaine pour le développement des investissements (AMDI) veut du concret dans les investissements chinois au Maroc. Quelques jours après son roadshow en Chine, le bras armé de l'Etat dans la promotion des investissements, a organisé du 23 au 28 mai une visite d'études pour des hommes d'affaires et dirigeants d'entreprises chinois. Composés de 26 opérateurs, ces prospects opèrent dans le textile, l'électroménager, l'industrie des jouets, l'énergie solaire et la métallurgie. Outre des visites d'usines et de sites industriels à Rabat (Technopolis), Kénitra (zone franche), Tanger (zone franche et Port TangerMed) et Casablanca (zones industrielles), la délégation chinoise a eu droit à un séminaire organisé par l'AMDI. « La Chine est le quatrième partenaire commercial du Maroc. Il est donc évident qu'on axe nos efforts à faire connaitre nos potentialités en matière d'investissements en organisant ce genre de rencontres avec les opérateurs économiques chinois», souligne Hamid Benelafdil, Directeur Général de l'AMDI. Il faut dire que le Maroc en tant que destination d'investissement n'est pas suffisamment bien connu en Chine. Les entrepreneurs de l'Empire du Milieu ne connaissent pas bien le marché marocain, encore moins la politique d'investissement et ignorent également les avantages qu'offre le pays. Résultat des courses : les entreprises chinoises ne sont pas nombreuses au Maroc. Pour preuve, les investissements directs étrangers chinois au Maroc demeurent limités, atteignant seulement 201 millions de DH en 2014 et représentant 0,7% du total des IDE au Maroc. Pourtant, les investissements directs étrangers sortant de Chine, ont été quasiment multipliés par 20, passant de 5,5 milliards de dollars américains en 2013 à 101 milliards de dollars américains en 2014. Hormis, le Groupe Shandong Shangang qui se prépare à lancer un important projet de fabrication de produits en acier, destiné à l'export vers l'Europe et l'Afrique, pour un investissement global à terme de 150 millions de dollars à Tanger Free Zone, aucune autre entreprise chinoise ne s'est installée dans l'une des cinq zones franches marocaines. Sur la trentaine d'entreprises chinoises implantées dans le Royaume, la majorité opère dans les secteurs de l'informatique ou des télécommunications. C'est le cas notamment de ZTE et de Huawei. Cette dernière est l'entreprise chinoise N°1 au Maroc. Son chiffre d'affaires annuel affiche 180 millions de dollars par an, avec un taux de croissance se maintenant à 10%. Aujourd'hui, ce deuxième fournisseur de réseaux de télécommunication aux opérateurs, qui détient 70 % du marché local, étudie actuellement son éventuelle installation à Casablanca Finance City (CFC). Objectif : opérer localement et sur les marchés des pays francophones africains. Et peut-être que le géant chinois déplacera son siège pour l'Afrique du Nord au CFC. En attendant, Huawei pourrait être devancé par le fonds d'investissement sino-africain China Africa Development Fund (CADF) qui financera déjà à hauteur de 40 % le Groupe sidérurgique Shandong Shangang, qui s'installe à Tanger Free Zone. En effet, ce fonds souverain serait également en discussion avec les autorités financières marocaines pour l'obtention du statut CFC lui permettant de siéger à Casablanca Finance City pour y installer son siège pour l'Afrique du Nord. Télécoms, informatique et BTP Actuellement, outre les télécoms et l'informatique, les autres entreprises travaillent dans le secteur du BTP. « Aujourd'hui, le Maroc a une nouvelle carte à jouer pour attirer les investisseurs chinois, eu égard à la nouvelle politique prônée par notre gouvernement central », précise Sun Shuzhong, Ambassadeur de Chine à Rabat. En effet, selon le diplomate, plus de 360 millions de Chinois parmi la main-d'œuvre sont devenus vieux. En plus, le Chine ne se classe déjà plus parmi les pays à la main-d'œuvre très bon marché. Devant cette hausse des salaires minimum (15 % en moyenne sur les 5 dernières années) et la transition des industries à forte composante en main-d'œuvre vers des filières plus avancées, de nombreuses entreprises chinoises font le choix de s'internationaliser pour gagner en compétitivité et se rapprocher de leurs marchés cibles. Depuis, les grands groupes publics ont mis le cap sur l'international. Mais rares sont ceux d'entre eux qui ont réussi, car étant habitués aux situations de monopole. Parallèlement, de plus en plus d'entreprises privées, n'arrivant plus à se retrouver sur le marché chinois, partent investir à l'étranger. « Un patron d'une entreprise textile m'a dit récemment qu'il travaille avec l'espagnol Zara, mais il n'arrive plus à embaucher car les salaires sont devenus plus élevés », donne comme exemple l'Ambassadeur de Chine qui tient à souligner que l'environnement, ainsi que les conditions ont changé. Il faut dire que l'Ambassadeur chinois a bien vendu le Maroc à ses compatriotes. « J'ai rencontré des patrons d'entreprises tunisiennes qui ont quitté leur pays depuis 2011 pour venir investir ici. Ce n'est pas un hasard. C'est dû simplement au fait que le Maroc offre plusieurs atouts. Comparé également à l'Afrique subsaharienne, le niveau de productivité est plus important au Maroc sans compter la qualification des ouvriers dont le niveau est également plus conséquent ici. Le Maroc qui se trouve qu'à 14 km de l'Europe, dispose d'une base industrielle solide et vous allez vous en rendre compte lors de vos visites sur les sites aéronautique, automobile, électronique ou encore de textile », dit-il. Hamid Benelafdil a fait observer que « le Maroc est un marché élargi par les accords de libre-échange qu'il a signés avec l'Europe, les Etats-Unis, sans compter les liens particuliers que le Royaume a tissé avec les pays africains, la logistique et les infrastructures qui permettent d'accéder à ces marchés ». Pour le Directeur général de l'AMDI, le Maroc se positionne vis-à-vis de ces entreprises comme une destination compétitive pour leurs projets d'investissement et représente une porte d'entrée idoine vers l'Afrique, l'Europe et les Etats-Unis. Partant, l'AMDI a mis en place un plan d'action spécifique pour démarcher différentes sociétés chinoises opérant dans des secteurs à fort potentiel tels que l'automobile, textile-habillement, l'électroménager, l'aéronautique, la logistique, l'énergie renouvelable, les infrastructures, le tourisme, l'agriculture et l'agroalimentaire.