Ces dernières années, de nombreuses grandes entreprises et des PME marocaines ont osé, avec succès, investir leur continent. En 2013, leurs investissements ont atteint 1,2 milliard de DH. Aujourd'hui, l'ambition est de faire mieux. À l'issue du Forum Afrique Développement, organisé les 19 et 20 février, par Attijariwafa bank et Maroc Export, les 1.700 décideurs économiques et politiques, issus de 23 pays, ont invité les pouvoirs publics à faciliter l'investissement au secteur privé. Les banques, en tant que financeurs, seront le bras armé de la coopération Sud-Sud. Dossier réalisé par Aïda Sedrati La grand-messe économique organisée par Attijariwafa bank (AWB) et Maroc Export, les 19 et 20 février à Casablanca, a montré que le Maroc et ses partenaires du continent peuvent changer l'Afrique du XXIème siècle. «La clé, c'est l'investissement!», a déclaré Mohamed El Kettani, PDG du groupe AWB, devant plus de 1.700 décideurs économiques et politiques, issus de 23 pays dont 17 africains. Placée sous le thème « Le temps d'investir », la troisième édition du Forum Afrique Développement s'inscrit donc dans une démarche de promotion des investissements et du commerce, de l'échange d'expertise et de savoir-faire. Le tout, dans le cadre d'une coopération Sud-Sud, synonyme d'accompagnement efficace, selon les propos de Mohamed El Kettani. Plus que jamais, les actions se veulent concrètes car un pays qui n'investit pas ne peut faire face à la mondialisation. Le Maroc l'a compris et a déjà pris une, voire plusieurs longueurs d'avance, sous l'impulsion de SM Le Roi, Mohammed VI. Un Comité Afrique, chargé de suivre les projets engagés sur le continent, a été mis en place. De fait, la présence marocaine, en effet, n'a cessé de s'intensifier et de s'accélérer sur un continent qui vaut désormais de l'or. Success story Tout a débuté en 2000 à l'occasion d'une tournée de SM Mohammed VI en Afrique. «Sur invitation du Cabinet Royal, de gros investisseurs sont sollicités pour accompagner le Roi dans sa tentative de revenir en Afrique», raconte le patron d'un groupe marocain. L'enjeu est de taille. Le Roi, au début de son règne, entend intensifier les relations avec les pays de l'Afrique subsaharienne autant sur les plans politique et diplomatique, que commercial. Objectif: ramener de plus en plus de chefs d'Etat africains à épouser la cause nationale : le Sahara, partie intégrante du Maroc. Peu d'investisseurs relèveront le défi. Mais Maroc Telecom acquiert 54% des parts de Mauritel, la RAM prend à son tour 51% du capital d'Air Sénégal, la liaison maritime Casa – Dakar créée par la Comanav va jusqu'à Libreville depuis le 2ème semestre 2006, Attijariwafa bank ouvre une filiale sénégalaise dès janvier 2006. Au-delà des avantages que cela suppose pour l'affaire du Sahara, le Maroc cherche par ce biais à devenir une tête de pont régionale en matière de banque, de téléphonie et d'aéronautique, de BTP... Moins de dix ans après, c'est la ruée. Tout le monde veut être partie prenante de cette grande aventure africaine. Les grands opérateurs ont vite saisi les opportunités offertes par l'Afrique subsaharienne, Addoha, Société générale des travaux du Maroc (SGTM), Attijariwafa Bank, BMCE, Ynna Holding, l'Office national de l'eau et de l'électricité (ONEE)...tous les fleurons de l'économie nationale récoltent, depuis plusieurs années, les fruits de leur investissement. Ils profitent, avec succès de la forte croissance que connaît le continent. Et en misant sur l'Afrique subsaharienne, ils ont l'occasion de réduire « leur dépendance vis-à-vis des économies européennes touchées par des crises économiques et financières chroniques». « L'Afrique est un partenaire stratégique pour le Royaume. Les atouts économiques en matière de richesse et de ressources humaines et la transformation économique dans ce continent, qui s'ajoutent à une situation politique de plus en plus stable, confortent les choix du Maroc», précise Zahra Maâfiri, Directrice Générale de Maroc Export. Tous ces facteurs ont encouragé les entrepreneurs nationaux «à oser l'Afrique ». Les grands groupes ont ouvert la voie et de nombreuses PME, en quête de relais de croissance, les ont rapidement suivis. Résultat, les investissements directs réalisés par les entreprises marocaines en Afrique ont atteint 1,2 milliard de DH, selon les chiffres publiés par l'Office des changes pour l'année 2013. Dans le détail, 97% de ces investissements, soit 1,15 milliard de DH, ont été menés en Afrique subsaharienne. La Tunisie a bénéficié du reste. Par secteurs, les banques caracolent en tête avec une part de 56,3 % en 2013 pour un montant de 666,1 millions de DH. À titre d'exemple, le groupe Attijariwafa bank a acquis, en 8 ans, 13 banques dans 13 pays. L'immobilier aussi se porte bien. Ainsi, les promoteurs du secteur ont investi 232 millions DH en 2013. Les parts dans le total des investissements directs marocains sont, par conséquent, passées de 7,5% en 2012 à 19,6 % en 2013. Les télécoms et les assurances ont également attiré de nombreux opérateurs au sud du Sahara. Aujourd'hui, la conviction partagée par l'ensemble des participants au Forum Afrique Développement est que l'on peut faire mieux ! La preuve, 3.000 rendez-vous d'affaires avaient été annoncés à la veille du forum. Finalement, ce sont 4.500 B to B qui ont été pris, dont la majorité dans les secteurs des industries manufacturières, des services et du BTP. Des engagements qui se concrétiseront en business à condition d'accélérer l'intégration économique. Comment? «En levant les barrières économiques pour garantir la libre circulation des biens et personnes », a proposé la Présidente de la Confédération patronale du Gabon, Madeleine Berre. Une idée applaudie par Miriem Bensalah-Chaqroun, présidente de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) et qui précise «qu'il faut harmoniser les règles tarifaires et douanières ». Les obstacles à dépasser Par ailleurs, les débats se sont focalisés sur des sujets d'actualité aussi variés que la diversification des sources d'énergie, la valorisation des ressources alimentaires et le choix des modes de partenariats et de financement. Concernant le secteur de l'agro-industrie, les pays du continent peuvent mettre en place une politique agricole commune, à l'instar des pays européens. Pour cela, il faudra accélérer la réforme foncière, faciliter l'accès au financement et assurer l'intégration des petits producteurs. Pour le développement du secteur énergétique, les gouvernements du continent sont appelés à « inscrire leurs stratégies dans un cadre commun ». L'accent a aussi été mis sur «l'étendue des besoins du continent » en matière d'infrastructures. Selon la Banque mondiale, 93 milliards de dollars devront être investis par an. Dans ce domaine, les partenariats publics-privés seront particulièrement privilégiés. Dans tous les cas, pour la réussite des projets, il faudra « se donner les moyens de ses ambitions». En clair, les modes de financement doivent être optimisés. « Ils doivent surtout être innovants et pour ce faire, ils doivent bénéficier d'une identification précise des projets, d'une rigueur dans leur préparation, d'une structuration des finances, d'une solvabilité des projets d'infrastructure pour assurer des rendements acceptables», renchérit le patron d'Attijariwafa bank. Le forum a été aussi l'occasion de présenter les grands projets d'investissement du Mali, du Sénégal, du Burkina Faso, du Bénin et de la Côte d'Ivoire, cinq pays faisant partie de l'UEMOA (Union économique et monétaire ouest africaine). Le Cameroun et le Gabon, représentant la Communauté économique monétaire de l'Afrique centrale (CEMAC) ont également dévoilé leur plan de développement économique. Au terme des discussions, des recommandations ont été émises. Elles seront consignées dans un Livre blanc à l'intention des responsables, décideurs publics et privés, africains. Le secteur privé est, naturellement, appelé à jouer un rôle encore plus important pour assurer le décollage du continent noir. Les pouvoirs publics sont invités à lui faciliter la tâche. Enfin, la création du Club Afrique développement a été annoncée. Sa mission sera d'organiser tout au long de l'année des débats et des rencontres dédiés à l'investissement en Afrique. Le PDG d'Attijariwafa bank a également annoncé que le Forum se tiendra désormais chaque année, vue l'importance des défis à relever et afin de répondre à la forte demande des opérateurs économiques.