Les grandes enseignes hôtelières internationales ne s'en cachent pas : oui pour la gestion mais non pour investir dans les «murs». Depuis deux ans, il revenait donc aux hommes d'affaires et institutionnels marocains de construire les hôtels et de les confier en gestion aux chaînes. Ce modèle est en train de faire des émules. Venus en force aux Assises du tourisme à Saidia, les opérateurs locaux ne veulent surtout pas passer pour ceux qui ramollissent la dynamique de l'investissement touristique mais plutôt apparaître comme ceux qui garantissent la bonne marche de la politique déjà tracée. Décidément, il n'y a pas que l'immobilier qui attire les hommes d'affaires marocains, l'hôtellerie semble aussi exercer une attractivité, en dépit de la crise économique internationale qui frappe de plein fouet l'activité touristique. Dans la foulée du report de certains investissements touristiques étrangers ou encore le désistement de leurs promoteurs, une nouvelle race d'investisseurs hôteliers marocains est en train de naître. Celle-ci investit de plus en plus le créneau en multipliant les fonds et sociétés d'investissement dédiés à l'hôtellerie et au tourisme. Leur approche semble simple : constituer un tour de table d'institutionnels et de particuliers qui participeront à la formation du capital social de ces fonds d'investissement qui, eux, vont acheter les terrains ou construire les hôtels. «Les grandes enseignes de renommée internationale ne sont pas, pour la plupart, propriétaires des murs d'hôtels. Leur mission est d'assurer la gestion des ressources humaines et la stratégie marketing ainsi que l'équipement. Autrement dit, c'est aux opérateurs et institutionnels marocains à qui il revient de construire les hôtels et de les confier en gérance à ces enseignes. La rémunération de la chaîne est indexée sur deux variables, le chiffre d'affaires et le RBE (Résultat Brut d'Exploitation)», explique un patron d'une grande enseigne internationale qui tente d'expliquer cette tendance des opérateurs locaux. En effet, par rapport aux activités classiques, l'hôtellerie a, il est vrai, deux «spécificités ». Un: le propriétaire des murs n'est pas en général celui qui assure la gestion. Deux : la durée économique d'un établissement hôtelier est au minimum de 30 ans. Sefrioui et Lazraq franchissent le pas Dans la confidentialité, Anas Sefrioui (via Jawad Ziyat, le directeur de développement de son groupe) et Alami Lazraq, respectivement patron des groupes Addoha et Alliances Développement, avaient préparé des formules spéciales, mais il restait à trouver une fenêtre de tir pour l'annoncer. La vitrine offerte par les Assises du tourisme constituait théoriquement une opportunité en or à ne pas rater. Les deux groupes marocains ont annoncé la création de leurs fonds d'investissement dédiés à l'hôtellerie pour un montant de 2,5 milliards de DH chacun. Pour les deux fonds, un premier closing est déjà opéré à hauteur de 1 milliard de DH. «Je mets mon argent personnel dans ce fonds d'investissement que nous venons de créer», précise Alami Lazraq, qui a formé son tour de table avec la Banque populaire, le Crédit Agricole, le CIMR et la MAMDA. Selon lui, ce fonds appelé «Alif» financera, notamment le port de Lixus à Larache, et de construction d'hôtels comme celui de Four Seasons. Quant au fonds d'investissement du groupe Addoha, il a jeté son dévolu sur les enseignes comme l'Américaine Marriott, l'Espagnole Globalia ou encore la Française Accor pour gérer les unités hôtelières qu'il aura à construire. En attendant, le groupe d'Anas Sefrioui compte déjà intégrer d'autres investisseurs dans son tour de table pour élargir ses horizons. Si d'autres fonds ou sociétés d'investissement ou encore de groupes hôteliers n'ont pas fait dans l'annonce du haut de la tribune, d'autres en revanche ont tenté de saisir des opportunités d'affaires et de partenariat lors du marché de l'investissement organisé en marge des Assises. C'est le cas des deux promoteurs de T. Capital, une société d'investissement dédiée au tourisme, notamment Amyn Alami et CFG Group. T. Capital ambitionne de construire un portefeuille d'actifs hôteliers et touristiques de qualité, rentable et créateur de valeur à long terme. Son tour de table est constitué d'Axa Assurances Maroc, RMA Watanya, Maghreb Siyaha Fund et CFG Group. Depuis sa création en décembre 2006, cette société d'investissement a constitué un portefeuille de participation à travers la SAEMOG (société chargée de l'aménagement et du développement de la nouvelle station balnéaire d'Essaouira-Mogador), Risma (véhicule d'investissement d'Accor au Maroc), Ryads Resort développement (société propriétaire de l'hôtel Lucien Barrière à Marrakech) et de Darif (fonds d'investissement immobilier dédié à l'acquisition, la restauration et la cession de riads dans la médina de Fès). Moulay Hafid Elalamy n'a pas lésiné sur les moyens pour aller chercher les futurs hôtels de la nouvelle filiale de son groupe, Saham Hôtels, jusqu'en Asie. Ce dernier a décroché un partenariat de gestion exclusif pour le Maroc avec la marque internationale «Six Senses Resorts & Spa», basée à Bangkok. Les dix unités hôtelières qui seront développées par Saham Hôtels, à travers les différentes régions du Royaume pour une enveloppe globale de 2 milliards de DH, présenteront trois enseignes, à savoir Six Senses Hideaway, Six Senses Latitude et Six Senses Destination Spa. Les premiers sites ont été identifiés dans les provinces d'Al Haouz, Essaouira et Ouarzazate, et sont en cours d'acquisition. La filiale du groupe Saham compte bâtir son concept hôtelier autour du tourisme écologique et de bien-être très haut de gamme. C'est la compagnie d'assurances CNIA, filiale à 100 % du groupe, qui financera les développements à travers sa participation dans le capital de Saham Hôtels en couverture de leurs provisions techniques (label vision 2010). À l'instar de l'ex-patron de la CGEM, Abdelouahed El Alami, jusque-là présent dans l'industrie et l'immobilier, a également été séduit par une enseigne asiatique. Le patron du groupe éponyme a signé avec le groupe indien Oberoi Hotels & Resorts, leader asiatique dans l'hôtellerie de luxe, un contrat de partenariat pour le développement et la gestion d'un complexe touristique haut de gamme à Marrakech pour un investissement de 600 millions de dirhams. Pour atteindre l'objectif des 160.000 lits supplémentaires fixés par la vision stratégique du tourisme, cela suppose de la part des investisseurs, la mobilisation d'au moins 4 milliards de dirhams, dont la moitié sous forme de crédits. Pour la partie emprunt, pas de problème, «le système bancaire a donné son accord », à en croire Mohamed Boussaid, ministre du Tourisme. Il faut dire que le problème a toujours résidé au niveau des fonds propres, parce que les produits bancaires classiques ne sont pas adaptés à l'investissement dans le tourisme. Aujourd'hui, avec l'implication des investisseurs locaux, le problème est en train d'être résolu. Les banques pionnières Pourtant, il y a cinq ans, le constat était amer : le Maroc ne disposait pas de suffisamment d'hôteliers et avec une quinzaine d'hôteliers capables d'investir dans ce domaine, c'était bien peu. Depuis, les pouvoirs publics ont encouragé la création de fonds d'investissement touristique dédiés à la propriété hôtelière. Depuis, les établissements bancaires ont investi le créneau en misant sur les fonds. Sur ce chapitre, les premiers à ouvrir le bal sont Attijariwafa bank (AwB) et la Banque centrale populaire (BCP), qui ont créé en 2007 le fonds d'investissement touristique, H. Partners. Ce dernier s'est déjà associé au groupe espagnol Husa (la première chaîne hôtelière privée espagnole) pour la construction d'un nouvel hôtel à Marrakech. Baptisé Husa Palmeraie, il nécessite une enveloppe de 14 millions d'euros, soit un peu plus de 154 millions de DH. Husa Hoteles y participera à hauteur de 15 %, soit 2 millions d'euros. L'enseigne hôtelière espagnole devra aussi assurer la gestion de l'hôtel qui disposera de plus de 200 chambres. L'établissement, qui sera construit selon le concept resort, avec jardins et piscine, devrait être livré en 2010. Sa cible, le segment incentive et tourisme de séjour. H partners s'est adossé à un autre groupe espagnol pour gérer des unités hôtelières. C'est dans ce sens qu'il a créé avec «Barcelo Hotels & Resorts» une joint-venture pour réaliser un programme d'investissement hôtelier à hauteur de 1,5 milliard de dirhams au Maroc. Baptisée «Sky Morocco Hospitality», cette société est détenue à hauteur de 15 % par Barcelo et dotée d'un capital prévisionnel de 600 millions de DH. Le programme d'investissement est prévu sur une durée de cinq années et devrait concerner à terme, la réalisation ou l'acquisition de six unités hôtelières pour une capacité globale de 1.500 chambres, dont la gestion sera toujours assurée par le groupe Barcelo. Le premier investissement hôtelier issu de ce partenariat consiste en un hôtel 4 étoiles de 196 chambres dont l'ouverture est prévue pour l'année 2011 et qui est situé à Marrakech dans la nouvelle zone touristique «Zahrat Annakhil», aménagée par MedZ (groupe CDG). D'autres projets sont en cours de préparation à Tanger, Casablanca et Fès. BMCE Bank emboîtera le pas en 2008 à AwB et BCP en lançant Maghreb Siyaha Fund. Ce fonds géré par Actif Invest regroupe un tour de table composé d'investisseurs comme CMR, RMA Wataniya, Axa Assurance Maroc et MAMDA. Depuis, Maghreb Siyaha Fund a lancé ses premiers projets hôteliers (quatre) qui seront gérés par le groupe hôtelier français Nouvelles Frontières, filiale du Groupe TUI, et la chaîne hôtelière «Oasis Hotel & Resorts». Cette filiale du groupe touristique espagnol «Globalia» se chargera en effet à partir de 2011 de la gestion d'un nouvel hôtel à Agadir, en vertu d'un accord qu'il vient de signer avec Actif Invest.