Doum Alliance, c'est un holding dont le nom ne vous dit probablement pas grand-chose. C'est celui qui englobe des entreprises comme Richbond et Atlas Plastic. La famille Tazi, propriétaire, est en train d'amorcer un début de mutation vers les services. Elle veut se concentrer sur la conception et les études plutôt que la fabrication à proprement dit. Des activités sont abandonnées. D'autres sont créées. Evolution d'un groupe plus que cinquantenaire. Le tournant était inévitable. Le groupe Tazi, propriétaire du holding de participations Doum Alliance avec ses entreprises Richbond, Simmons et Atlas Plastic a pris conscience, depuis le début des années 2000, de l'impératif de changer de cap. Le groupe a souffert de l'aggravation de l'informel, de la sous-facturation… A titre illustratif, 50% du chiffre d'affaires de l'activité « mousse et matelas » s'est fait dans des produits génériques (où les marques du groupe n'y sont pas apposés) au prix de revient. C'est dire le poids que cela a représenté. La rentabilité et les marges de l'activité traditionnelle notamment en ont pris un coup. «Il fallait que nous cherchions des marges sur des produits ou des activités complexes», lance Karim Tazi, le directeur général. Les réflexions ont finalement abouti à amorcer un début de mutation vers les activités de services. Elle pourrait durer plusieurs années, une dizaine voire une quinzaine. Mais quelle importance, le groupe est prêt à en faire le pari. Pour lui, la nouvelle stratégie mise en place est la plus appropriée. Le but est d'arriver, à ces termes, à la concentration sur la conception et les études plutôt que la fabrication proprement dite, qui peut être réalisée par quiconque. «Nous souhaitons incorporer plus de matière grise et moins de matières premières», se plaît à résumer Karim Tazi. La feuille de route a été établie. Une idée phare s'en dégage: total recentrage sur l'équipement de la maison. Comment en est-on arrivé là ? Le frère cadet gère Richbond au quotidien Abdelaziz Tazi, le père fondateur du groupe homonyme, a fait ses premiers pas dans l'industrie à la fin des années 1950 en se consacrant à l'activité plastique. Rappelez-vous les brosses à cheveux rondes et plates qui se tiennent entre l'index et le majeur, c'est lui qui en revendique la conception au Maroc. A cette époque, le patriarche s'est adonné à toutes sortes de production d'objets en plastique ; jouets, articles scolaires ou d'hygiène personnelle… Sa vision portait seulement sur la production pure et dure de tout ce qui pouvait être fabriqué à partir de cette matière. Le marché était porteur. Au fur et à mesure, le patron du groupe a commencé à se diversifier avec le lancement de la mousse polyuréthane, née des dérivés de plastique. La consécration vient avec l'introduction de ce produit dans les foyers à travers la substitution de la laine des salons marocains par cette mousse. «Une idée ingénieuse qui a conduit à un succès phénoménal. La marque Richbond est alors née», raconte Karim, l'un des fils du créateur qui se charge, entre autres, de définir les axes d'orientations stratégiques du groupe. Au passage, son frère cadet, Nasser, gère au quotidien l'affaire Richbond. Ceux qui le côtoient savent que c'est lui qui fait tourner la machine. «C'est une pointure dans les process industriels… Il gère les vaches à lait du groupe», diront-ils de lui. Richbond prend donc son envol. L'entreprise se développe avec la fabrication, en plus des banquettes de salons, des matelas, de tissus d'ameublement, de fils…Tout ceci loin d'Atlas Plastic, la maison-mère du groupe, spécialisée dans la fabrication de tout objet dans cette matière. Aucune synergie n'est donc créée entre les deux entités. Les années passent. La concurrence se fait plus rude, la mondialisation bat son plein, l'informel ronge le secteur. La nouvelle stratégie se prépare, le nouveau positionnement se dessine. La famille Tazi, contrainte de s'adapter aux aléas du marché, finit par choisir d'abandonner la production de tissus d'ameublement et de fermer les unités de filature. Pour réussir son challenge, elle a également tenu à abandonner la production de n'importe quel objet en plastique (jouets, produits scolaires…) pour se focaliser sur la fabrication d'articles en plastique dédiés seulement à l'équipement des foyers ou hôtels… « Nous avons décidé de spécialiser notre filiale dans la fabrication des tables et chaises de jardin, les rangements plastiques, de concevoir des meubles de cuisine, des armoires de salles de bain… », confie Karim Tazi. L'expérience est en train de porter ses fruits. Et désormais, tout objet sortant des usines de la famille Tazi porte le nom de la marque : Richbond. C'est une nouveauté. Si le top management en a décidé ainsi, c'est qu'il a voulu capitaliser sur l'historique de la marque. Lors d'un acte d'achat, le nom Richbond, qui a accompagné des générations durant, rassure les clients hésitants entre cette marque et celle d'un concurrent inconnu. Elle est devenue alors une référence sur plusieurs segments, même dans l'ameublement haut de gamme. Et ce n'est pas sans fierté que Karim Tazi évoque le cas de l'hôtel 5 étoiles que Lucien Barrière vient d'inaugurer à Marrakech. « Nous l'avons entièrement équipé ainsi que Le Fouquet's», lance-t-il fièrement. Le groupe doit cette entrée dans ce segment grâce notamment au rachat, en 1999, de Simmons (matelas, sommiers…). « Nous avons renoué les liens avec la maison-mère, conclu des licences de technologie… C'est ce qui nous a permis d'accéder à un marché où nous n'étions pas présents : celui de l'hôtellerie et de la distribution moderne », explique le directeur général. La porte s'est donc ouverte pour persévérer dans cette voie, qui offre de meilleur niveau de marges surtout qu'à ce stade, l'informel ne risque pas vraiment de faire des émules. La famille Tazi s'est donc positionnée. Le groupe a misé fort pour en arriver-là. Il n'a pas lésiné sur les moyens pour aboutir à ses fins. Chaque année, il consacre une enveloppe non négligeable (50 millions de DH au minimum) à la mise à jour des équipements, au développement de nouveaux concepts… Et ce, même dans les pires années. Ce devrait être le cas aussi cette année-là. Création d'un «vaisseau amiral» Au cours de la période estivale 2008, le groupe a constaté un tassement de la demande des ménages. Au premier semestre, ils avaient subi la hausse des prix des denrées alimentaires, du pétrole… Les dépenses de Ramadan et de la rentrée scolaire ont aggravé la situation. Tout le monde a commencé à se serrer la ceinture. «Le chiffre d'affaires durant le mois d'août 2008 a baissé de près de 25%, un niveau historique jamais atteint en 50 ans d'âge», reconnaît le DG de Richbond. Quelques mois plus tard, l'activité semble se tasser. Durant les premiers mois de l'année en cours, le niveau est revenu à celui du premier semestre 2008. «Nous réalisons une croissance nulle. Comparativement à des opérateurs qui ont enregistré des croissances négatives, nous sommes logés à une bonne enseigne. Nous avons pu limiter les dégâts. Nous sommes maintenant en repli défensif», martèle Karim Tazi. Face à cette crise, l'opérateur cherche alors à maîtriser ses coûts et travaille sur l'élaboration des services complexes où il peut espérer grignoter des marges. «Il n'est donc pas question pour nous d'ouvrir de nouvelles usines, mais plutôt d'accomplir notre mutation vers plus de matière grise», ajoute-t-il. Quant au projet phare à lancer cette année, il s'agit d'ouvrir un magasin de 800 m2 à Marrakech. «Il sera notre vaisseau amiral. Nous comptons, pour la première fois, y regrouper tous les produits que nous fabriquons dans un seul endroit. Si l'expérience est concluante, nous pourrons la dupliquer à Casablanca et Rabat par exemple». Le groupe Tazi a fait son choix. Sa voie est désormais tracée pour relever les nouveaux défis.