Pour beaucoup, assister à un concert de l'une des stars présentes à la 8ème édition du festival de musique de Mawazine était de l'ordre de l'utopie. L'événement a désormais fixé la barre bien haut. Le budget global annoncé à 25 millions de DH laisse toutefois sceptique. A moins que les organisateurs soient passés maîtres dans l'art de la négociation des cachets des stars internationales. Comment arrive-t-on à programmer simultanément, sur trois scènes différentes, Ali Campbell, l'ancien chanteur de UB40, Johnny Clegg et Buena vista social club ? Cela tient pratiquement du miracle, à en croire les professionnels du secteur. Et bien, c'est seulement au Maroc que l'on y arrive. Mawazine, édition 2009, c'est véritablement le must du génie des organisateurs qui s'est manifesté dans toute sa dimension. On est loin de s'imaginer l'intensité des négociations qui ont eu cours avec ces supers stars et spécialement leurs managers pour parvenir à les convaincre d'accepter une telle programmation. Beaucoup diront que le pouvoir de l'argent reste déterminant, notamment dans le monde hautement matérialiste qu'est celui du showbiz. Il est de notoriété publique que ces artistes ne badinent pas en termes de rémunération pour leurs prestations. Loin de nous l'idée de verser dans les discours populistes en soutenant que les sommes versées auraient pu être réservées à d'autres fins. Vu l'impact sur le plan culturel et l'esprit convivial dont fait preuve la foule, l'expérience demeure très intéressante. Les rares incidents relevés notamment autour de la scène Nahda n'atteignent en rien un système de sécurité verrouillé. En revanche, s'interroger sur le budget réel de l'événement, qui a attiré les populations de toutes les villes du pays, semble être des plus légitimes.Alors venons en aux faits et contactons directement les personnes ressources. Tout d'abord, Hicham Chbihi, trésorier de l'association Maroc Culture, à l'origine de ce grand moment, la personne idoine pour satisfaire notre curiosité. « Le budget global, nous l'avons annoncé, est de 25 millions de DH ». Certes, mais les cachets des artistes n'ont pas été communiqués. Et à cet instant, notre interlocuteur juge nécessaire d'apporter des explications, quant au concept même de l'événement. « Le modèle est basé sur la gratuité de l'accès aux spectacles. Ce qui a toujours été le cas jusqu'à présent, c'est la gratuité à 100%. Pour cette édition, nous avons décidé de présenter plus d'artistes et de créer des places payantes », précise-t-il. Et cette quote-part s'élève à 10%. Cette catégorie de festivaliers est celle qui ne désire pas particulièrement être mêlée à la foule. Et comme ne manque pas de le souligner pertinemment Hicham Chbihi : « ce sont des personnes qui sans cette option ne seraient pas venues assister aux concerts ». D'après la même source, les recettes auraient contribué à étoffer le panel des artistes et le perfectionnement de l'organisation. Mais encore. Quels ont été les détails d'attribution de ce budget ? « Les contrats avec les artistes comportent des clauses de confidentialité. Nous y sommes liés contractuellement, je n'ai pas le droit d'en parler ». La réponse est sans appel. «Confidentialité », semble le mot d'ordre. Même réaction du coté de Mohamed Lemsffer, qui lui s'est occupé de la programmation des stars arabes et orientales. « Nous sommes tenus par des protocoles de discrétion. Dans les écritures comptables, rien n'est secret. Les cachets y sont clairement inscrits. Sauf que dans le respect de la profession, les chiffres ne sont pas divulgués au public ». Retour vers celui qui tient les comptes de Mawazine, et dernière tentative pour en extirper quelques chiffres. Quels montants ont-ils été engloutis par la logistique, les scènes, la sécurité… ? C'est toujours le niet absolu. «Globalement, pour ce type d'activités, le budget total s'articule autour de trois grands postes. Le premier est relatif aux cachets des artistes, le deuxième concerne le volet technique avec tout ce qu'il comporte comme arrangements en matière de son, de lumière et de scènes. Quant au dernier poste, il intègre la partie logistique en termes de billetterie, de communication et de dispositif de sécurité », indique M. Chbihi. Nous n'en saurons pas plus. Sauf qu'il semble que de l'information ait filtré, et elle est de nature à interpeller. Un quotidien arabophone de la place en fait sa Une. Cachets non divulgués Les cachets de certaines stars ont été divulgués. Dans l'incapacité de les vérifier, faute de source désirant communiquer là-dessus, tout un chacun tente d'émettre des raisonnements comparatifs avec ce qui se fait sous d'autres cieux. L'un des cachets dévoilés est celui de Stevie Wonder, dont le concert tant attendu clôture ce samedi les festivités, qui est annoncé comme dépassant le million de dollars. Alors, si l'on se penche sur les modalités de représentation de la star américaine à travers le monde, l'opération prend une autre dimension. L'artiste ne se déplace pas sans son staff, qui compte pas moins d'une cinquantaine de personnes. Auquel il faut affecter des chauffeurs, l'hébergement et tous les frais annexes. Pour lui seul, ce sont pas moins de 3 millions de dollars qui sont censés lui revenir. Le même raisonnement peut être tenu pour Alicia Keys, Killy Minogue… Quant à la partie technique, et notamment les scènes « exceptionnelles » sur lesquelles trônent les stars, les sommes facturées pour ce genre de prestation oscillent entre 300.000 DH et 250.000 DH par jour pour celles dites dans le jargon « basiques ». Et ce ne sont pas moins de quatre principales scènes qui sont animées pendant les neuf jours que dure la manifestation. Faites les comptes ! Ajoutez à cela les équipes d'ingénieurs du son et de lumière rapatriées de l'étranger, dont certains peuvent empocher jusqu'à 50.000 DH quotidiennement. Le signal annonçant le lancement des festivités s'est fait tout en couleurs. Les feux d'artifices qui ont donné le coup d'envoi constituent également un budget à part entière : un seul jeu ne coûte pas moins de 50.000 DH. A vue d'œil, l'ensemble des tirs représenterait un montant de 400.000 à 500.000 DH. Il semblerait que l'on soit loin du budget global annoncé plus haut. Toutefois, force est de constater que la capitale administrative du royaume a réellement abrité un festival digne de prendre place dans le top des événements mondiaux.