Dans moins d'un mois, les Marocains sont invités à élire leurs élus locaux. La gestion de la ville est au cœur de ce processus. A notre manière, nous avons voulu faire un clin d'œil à des zones «cachées» qui, dans leur région, tendent à devenir des endroits où il fait bon vivre, où il fait bon investir. L'on se rend compte qu'il se passe bien des choses dans ces coins que l'on ne médiatise pas forcément. Ils se trouvent parfois en dehors du champ des axes stratégiques. Ce n'est ni de Casablanca, Rabat, Tanger, Marrakech, Agadir, ou Fès dont il s'agit, mais bien des petites villes ou localités qui gravitent autour d'elles, essayant tant bien que mal de s'en sortir, avec les moyens du bord. Tour d'horizon de certaines d'entre elles. Les différentes régions du Maroc bougent. Certaines plus vite que d'autres. Certaines s'en sortent mieux que d'autres… pour des raisons politiques ou de volonté royale. Résultat, c'est pratiquement tout le Maroc qui est en chantier, enfin, du moins ses grandes métropoles. Dans cet élan, des villes, municipalités ou petites localités qui se trouvent aux alentours profitent, dans une moindre mesure, de l'intérêt que portent les investisseurs à ces grandes «capitales». Certaines commencent à voir le jour. Discrètement, elles émergent, parfois dans l'anarchie, parfois en réponse à des besoins spécifiques. Un petit tour d'horizon au niveau des différentes régions nous a permis d'en dénicher quelques-unes. Le tourisme et l'immobilier sont les principaux secteurs qui y sont développés. L'industrie ou l'agro-alimentaire le sont dans une moindre proportion. Cela dépend des caractéristiques et des spécificités de chaque région. Chacune évolue à son rythme. Dans cet environnement, l'on est en droit de se demander quel sort est réservé au développement à court et moyen termes de ces « petites » zones qui sont en train de s'améliorer progressivement. Selon les personnes interrogées, il n'existerait pas aujourd'hui de réelle visibilité quant au développement territorial régional qui permettrait de donner un aperçu exact de ce que sera une région, avec ses grandes et petites villes. C'est ce qui a probablement poussé les pouvoirs publics à y remédier. D'ailleurs, plusieurs régions sont aujourd'hui en train de préparer l'élaboration d'un schéma directeur régional, une sorte de feuille de route. Ce travail va engager tous les acteurs locaux et régionaux qui, disons-le, ont parfois du mal à accorder leurs violons. L'établissement de tels documents n'est donc pas une mince affaire. Les responsables devront tenir compte des enjeux stratégiques que chaque région s'est fixée. Exemples. Al Hoceima/Taounate : une visibilité sur 25 ans Dans la région d'Al Hoceima Taounate, de nombreuses études sont en cours de réalisation. L'objectif premier est d'aboutir à une stratégie territoriale globale de la région en prenant en considération les problématiques stratégiques de développement. « Parmi ces études, il y a lieu de signaler l'élaboration du schéma régional de l'aménagement du territoire. L'étude a été lancée en 2007 par le ministère de l'Habitat, de l'Urbanisme et de l'Aménagement de l'Espace et devrait s'achever au cours de cette année 2009. Elle vise à publier un document d'aménagement du territoire régional ayant une visibilité de 20 à 25 ans », souligne Jamal Mohamer, inspecteur régional de l'aménagement du territoire. Une autre étude sur le « projet territoire » est programmée. Elle va identifier des espaces de projets bien définis portant sur des secteurs piliers de la région : tourisme, artisanat, agriculture, pêche et autres. Ces derniers bénéficieront du financement du Fonds de Développement Rural. « Les résultats de ces différentes études apporteront une vision globale et à long terme de l'aménagement du territoire de la région. Ceci permettra alors de renforcer sa compétitivité », indique Mohamer. La province d'Al Hoceima devrait occuper une place de choix dans les développements futurs. D'ailleurs, elle commence déjà à se démarquer. Marrakech: le tourisme avant tout Dans la région de Marrakech Tensift El Haouz, les enjeux sont différents, compte tenu de la spécificité de la région. Sa vocation touristique principalement (puis agricole dans une autre mesure) la contraint à réfléchir à un aménagement qui lui soit propre. Selon Ghita Qotaïbah, inspecteur régional d'aménagement de territoire, parmi les quelques axes de son développement, il y a lieu de citer la création de zones hôtelières et industrielles, le développement du réseau routier et des plates-formes logistiques, la généralisation des services de base (eau potable, électricité, santé et éducation), la rationalisation de l'utilisation de l'eau (agricole et domestique), le traitement et la réutilisation des eaux usées ainsi que la valorisation du patrimoine culturel et architectural. Souss : positionnement fonctionnel Du côté de Souss Massa Draâ, la région du Grand Agadir, les enjeux portent, entre autres, sur l'importance de la gestion des ressources (l'eau en particulier), le maintien de la croissance, l'inscription de la région dans une vision d'intégration et de cohésion territoriale et la maîtrise de l'urbanisation. « Ce sont des préoccupations majeures de l'aménagement du territoire au niveau de cette région qui exigent la disponibilité d'un cadre opportun pour anticiper, planifier et coordonner l'action des acteurs de développement », reconnaît Lahcen Amhaouch, l'inspecteur régional de l'aménagement du territoire. Et comme quelques autres régions, le Souss Massa Draâ se prépare aussi à lancer un schéma régional de l'aménagement du territoire. « Son élaboration est devenue plus que jamais cruciale pour la région. Ce document est censé esquisser les grandes orientations et les choix stratégiques du devenir souhaité de la région », lance Amhaouch. C'est qu'en effet, la région est en train s'agrandir. Et aux alentours du Grand Agadir, de petits centres urbains ont commencé à émerger, notamment le long du littoral (Taghazout, Mir Left, Aglou…), de la plaine de Souss et dans les espaces oasiens. Selon l'inspecteur régional, un essor remarquable du taux d'accroissement a été par ailleurs remarqué dans certaines municipalités entre les deux recensements de la population. Ce phénomène a été remarqué à Aït Iaaza, Biougra, Oulad Berhil et Taznakht. Il impute la poussée spectaculaire de ces villes à, entre autres, l'extension des périmètres irrigués, au développement de l'agriculture spéculative orientée vers l'export, à la modernisation et à l'émergence d'espaces urbains… D'où l'urgence de disposer d'un cadre clair d'aménagement du territoire qui encadrera le développement de ces villes et ces centres émergents. Car, faut-il le mentionner, des freins, il risque d'y en avoir. Selon Amhaouch, un décalage peut subsister entre le rythme de la croissance démographique par rapport à une base économique fragile et un besoin en équipement et en logements. La qualité du cadre urbain pourrait aussi garder, dans une large mesure, un caractère rural. « Le défi serait alors de promouvoir des pôles urbains ayant un positionnement fonctionnel dans l'armature urbaine régionale et qui sont à même d'assurer l'encadrement et l'animation socio-économique de leurs arrière-pays respectifs. A ce niveau, notre ministère est en train de mettre en place une stratégie de développement des petites villes ». Fès-Boulmane : une charte régionale en préparation Du côté de Fès Boulmane, la région attire d'ores et déjà des investisseurs et promoteurs publics comme CDG Développement, l'Agence Spéciale Tanger Méditerranée…, qui ont décidé d'aménager et de développer des bassins d'emploi (dans les communes de Ain Chkeff et Ouled Tayeb à Fès et Ain Cheggag à Sefrou). Les opérateurs privés suivent. Compte tenu des projets et des ambitions des pouvoirs publics de créer un pôle important, l'aménagement du territoire de cette région se focalisera alors sur l'attractivité de son territoire et l'appui à son développement. En termes d'attractivité, Abdelkader Benbassou, l'inspecteur régional de l'aménagement du territoire, affirme qu'elle ne peut que s'améliorer compte tenu des chantiers prévus : construction de l'autoroute Fès-Oujda, dédoublement de la route régionale reliant Fès à Sefrou, réalisation d'une voie de liaison entre l'aéroport et l'autoroute Fès-Meknès, création d'une plate-forme logistique, réalisation des projets Fès Technovalley et Fès Shore… Comme d'autres régions, Fès Boulmane s'apprête aussi à lancer au cours de cette année le schéma régional d'aménagement du territoire. Il se fera dans le cadre d'un partenariat entre la Wilaya, le Conseil régional et l'Inspection régionale de l'Habitat. « Les projets préconisés par ce document seront réalisés alors dans un cadre de contrats Etat-région/collectivités et formalisés à l'aide d'une charte régionale », confie Benbassou. Tanger/Tétouan : polarisation dans l'espace Du côté de Tanger/Tétouan, beaucoup de choses sont également en train de se produire. La région souhaite « consolider les capacités de polarisation dans l'espace national, le réseau urbain régional dans son ensemble, aménager et valoriser les ressources patrimoniales et intégrer la région métropolitaine dans les échanges internationaux », fait savoir Fouad El Hayek, inspecteur régional de l'aménagement du territoire. Et pour ce faire, diverses actions prioritaires sont inscrites dans la liste des chantiers à mener. L'on peut citer l'exemple de la création d'une zone logistique internationale servant les différents pôles régionaux à Cruse Blanco (avec possibilité de réalisation d'une plate-forme aéroportuaire internationale). Ou bien l'élaboration d'un schéma métropolitain de circulation et de transport, de schéma régional sanitaire, de schéma régional de gestion des ordures ménagères et déchets industriels. Ou bien la consolidation d'un corridor industriel de Gueznaya à Melloussa et/ou entre Tanger et Tétouan, le soutien au développement de l'innovation, l'appui au développement de la place financière off-shore, la création d'un centre d'affaires international à Tanger… Ce tour d'horizon, à l'évidence non exhaustif, permet de donner un aperçu de ce qui se passe dans certaines de nos régions. Il y a beaucoup d'ambition, de volonté de faire changer les choses. Et ce ne serait pas tant les moyens qui manqueraient pour réaliser les projets. Le hic serait que les promoteurs qui les ont programmés n'arrivent pas à honorer leurs engagements.