Une surcapacité sans précédent dans l'hôtellerie 5 étoiles et luxe guette les opérateurs à Marrakech. D'ici à la fin de l'année, ce sont pas moins de 7 unités de cette catégorie qui ouvriront leurs portes, et autant l'année prochaine. Du coup, avec seulement 500 sièges luxe (avion) par semaine, les professionnels entrevoient déjà des lendemains sombres. Où va le tourisme à Marrakech ? La question est sur toutes les lèvres des professionnels touristiques de la première destination du Royaume, du moins des opérateurs des hôtels 5 étoiles qui redoutent subitement la floraison d'établissements de cet acabit. En effet, attirés par les paillettes et la clientèle richissime, tous les grands hôteliers mondiaux ont décidé de s'y installer, de Four Seasons au Ritz-Carlton, en passant par Beachcomber, Aman Jena, Mondarin Oriental, Royal Mansour, Banyan Tree, Intercontinental, Conrad Hilton, Mariott ou encore de Lucien Barrière, qui vient d'inaugurer en grande pompe son établissement de luxe. Cette ouverture intervient à quelques semaines de celle de la Mamounia programmée pour bientôt. Si jusque-là, les hôtels de cette catégorie dont l'ouverture était annoncée dans la capitale touristique étaient en chantier, aujourd'hui, ils ouvrent les uns après les autres. Pas moins de sept unités 5 étoiles luxe et 5 étoiles devront ouvrir leurs portes dans la Cité ocre d'ici la fin de l'année. En 2010, c'est autant d'hôtels de même standing qui seront mis également en service. Cette capacité additionnelle d'hôtels 5 étoiles et luxe, à en croire les professionnels, équivaut à la capacité d'une grande ville européenne. Du coup, les opérateurs de ce segment de l'hôtellerie s'accordent à dire que le paysage de l'offre hôtelière de Marrakech va monter de plusieurs crans en termes d'image. Cependant, ils sont très inquiets quant à la rentabilité de leurs établissements. «Nous sommes heureux du relèvement du niveau du standing à Marrakech. Cependant, lorsqu'on autorise autant d'hôtels de ce rang, il faut mettre en place des moyens en adéquation avec la clientèle. Déjà, il y a à Marrakech une surcapacité de lits d'hôtels 5 étoiles par rapport à l'offre de sièges de luxe», déplore Abdelatif Kabbaj, PDG du groupe Kenzi, qui inaugure officiellement à Marrakech ce 28 mars son établissement «Kenzi Menara palace». Encore l'aérien Pour les professionnels en effet, la grande équation qui peine à trouver une solution est l'aérien. Les compagnies aériennes régulières qui transportent généralement la clientèle des hôtels 5 étoiles ont été «chassées» de la destination par les compagnies low cost. En effet, 87% des touristes en provenance de l'étranger arrivent à Marrakech par ces compagnies à bas prix ou par charters. Seuls les 13% restants débarquent dans la capitale touristique par vols réguliers. Actuellement, à en croire les professionnels, Marrakech ne dispose que de 500 sièges de luxe par semaine pour les 8.000 lits des hôtels 5 étoiles. Même la décision de Royal Air Maroc (RAM) de lancer un Boeing 747 (479 sièges) du 1er avril 2009 à fin juin prochain sur la ligne Paris-Marrakech, en accord avec le CRT de la ville, n'a pas redonné le sourire aux opérateurs. Au bas mot, l'inquiétude des professionnels tient à l'effet de ciseaux que pourrait subir Marrakech, la locomotive de la destination marocaine sur le marché international. Que la demande soit soutenue, c'est incontestable, analyse un hôtelier. Mais la hausse des nuitées est en deçà de la variation additionnelle des capacités. En 2008, le taux d'occupation des hôtels 5 étoiles à Marrakech a baissé de 11 points, ce qui n'a pas manqué d'exercer une pression structurelle sur les tarifs et en définitive, de faire baisser la recette unitaire moyenne. Les hôtels 5 étoiles à Marrakech arrivent en troisième position pour ce qui est du taux de remplissage. Ce qui pousse encore les opérateurs à évoquer un problème de surcapacité sur ce segment. A en croire un gérant d'hôtel, celle-ci aurait baissé de 5 à 10 %. « La capacité additionnelle qui s'annonce dans l'hôtellerie haut de gamme risque de provoquer une catastrophe s'il n'y a pas de capacité aérienne supplémentaire en sièges de luxe », martèle cet hôtelier. La deuxième grosse inquiétude de ces opérateurs tient à l'investissement très élevé qu'ils ont réalisé pour construire leurs hôtels (matériaux de construction, foncier). «Nous avions toutes les difficultés à trouver des entreprises qui répondaient à notre appel d'offres à cause des coûts de production chers à l'époque. Outre le foncier, les prix des matériaux de construction flambaient. Aujourd'hui, nous nous apprêtons à ouvrir notre établissement, mais nous n'avons aucune visibilité», souligne cet autre hôtelier. Pourra-t-on éviter cette situation ? Quels sont les risques ? La guerre des étoiles Nombreux sont les professionnels qui expliquent cette situation par le défaut de pilotage des capacités en lits. Personne ne semblait se soucier de cette problématique. Conséquence : c'est l'investissement qui risque d'en prendre un sacré coup. Les professionnels sont d'ores et déjà persuadés qu'ils s'acheminent vers une période assez difficile, surtout avec cette suroffre en vue. «Chacun va d'abord essayer d'afficher un prix d'équilibre. Si cela ne marche pas, ils seront obligés de baisser ce prix-là avant de tenter, en dernier recours, de capter la clientèle de groupe, c'est-à-dire des tours opérateurs », affirme cet hôtelier qui tient à préciser que cette surcapacité sur le segment des hôtels 5 étoiles est antérieure à la crise internationale. Quoi qu'il en soit, ce que tout le monde redoute le plus, c'est ce qu'ils appellent dans leur jargon «la guerre des étoiles». Car, disent-ils, «la baisse des prix dans les établissements 5 étoiles va inéluctablement entraîner un effet de contagion sur les autres catégories d'unités hôtelières». Mais pour ce professionnel, Marrakech, qui a connu la croissance au cours de ces cinq dernières années, est obligée d'en passer par là. «Avec cette capacité additionnelle actuellement mise en place, il faudra trois à quatre ans pour retrouver la dynamique d'antan », dit-il. Villas de luxe et resort : le mauvais ménage de la crise La crise dans l'immobilier du luxe n'est pas également pour arranger les choses dans l'hôtellerie cinq étoiles de luxe. Pas moins de quatre golfs (Assoufid, Samanah Country Club, Royal Palm, Almaden) devront ouvrir au courant de cette année. Ils sont tous adossés à des hôtels de luxe qui seront opérationnels dans quelques mois, et de nombreuses villas qui peinent en ces temps de crise à trouver acquéreurs. Pour certains professionnels, une partie de ces villas risque de mettre à mal l'équilibre général. En effet, ces hôtels vont ouvrir au milieu des villas en chantier. Une donne qui va affecter l'activité de ces unités hôtelières. Les promoteurs qui comptaient sur les clientèles anglaise et américaine en plus de la française n'ont le choix que de se rabattre sur cette dernière, qui n'est pas extensible.