Le personnel de la CIMR bénéficiait d'un avantage financier sans fondement juridique, qui pesait sur la gestion de la caisse. Le genre d'avantages qui incitent aux abus... C'est rarissime, mais des pratiques qui donnent des avantages aux employés perdurent dans certaines entreprises publiques, parfois au nom de la solidarité. A la CIMR (Caisse Interprofessionnelle Marocaine de Retraite), c'est le cas. Dans cette entreprise gérée de manière moderne, les 140 employés sont plus que choyés : primes tout au long de l'année, 14ème mois, prise en charge totale des frais médicaux en cas de maladie… Si la plupart de ces avantages sont soulignés dans le règlement interne ou stipulés par la loi, certains sont devenus, avec le temps, et aux yeux même des employés, une obligation. Une mesure permettait ainsi de poursuivre le versement des salaires en cas de maladie ou d'arrêt de travail. Même quand Khalid Cheddadi a atterri à la présidence de la Caisse, il n'a pas voulu rompre avec cette pratique qu'il qualifie de « non formalisée, et sans aucune base. Les employés ont commencé à en abuser. Et cela devenait inquiétant. Ce genre de pratiques s'est répété. Certains revenaient après plusieurs jours d'arrêt de travail pour déposer un nouveau certificat de maladie et repartir en congé maladie». Ainsi, le président directeur général a mis fin à un avantage social et financier dont bénéficiait le personnel de l'entreprise et qui ne puisait sa légitimité dans aucun texte de loi. Des pressions infondées Au mois de septembre 2008, cela «devenait immoral et commençait à déranger la gestion. Et puis, ce mode de fonctionnement n'est stipulé ni par le Code du travail ni par les conventions collectives. En 2008, un employé membre du bureau syndical s'est absenté pendant 60 jours ouvrables », tranche Khalid Cheddadi. Cette pratique n'était pas viable, pas juste... Le président-directeur général de la Caisse affirme qu'il est pour une solidarité organisée, formalisée et maîtrisable. Mais ce qui semble immoral et abusif au patron de la caisse n'est pas vu de la même manière par le bureau syndical. Ce dernier a tenu une réunion en décembre 2008 pour élire un nouveau bureau et un nouveau représentant. Le statut de délégué syndical confère à son détenteur plusieurs avantages. Il jouit entre autres de 10% du temps du travail pour se consacrer à ses activités syndicalistes. Ce poste est donc brigué par plusieurs membres du bureau. Au début du mois de février, le bureau syndical, réunissant quelques employés, a observé un sit-in devant le siège de la caisse à Casablanca. Leur principale revendication : continuité de paiement des salaires en cas d'arrêt de travail ou de maladie. Le bureau syndical a donc voulu forcer la main à la direction de la caisse, mais en désignant, en plus du représentant, un suppléant. Khalid Cheddadi joue tout de même le jeu et accepte d'entamer des réunions en vue de trouver un terrain d'entente. Mais il se montre intraitable vis-à-vis de la loi. Selon l'article 470 du Code du travail, il y a un représentant pour moins de 200 employés. Le bureau syndical (affilié à l'Union Marocaine du Travail) se résigne et entame les réunions avec la direction. Au-delà des enjeux syndicalistes, il fallait que la présidence de la caisse tranche définitivement sur ce genre de pratiques qui ne puisent pas dans les textes de loi. A la CIMR, c'est de l'argent du contribuable dont il s'agit. Mais il demeure avéré que le personnel de certaines entreprises, notamment publiques, s'attache à ce genre de pratiques, considérées comme un acquis, un droit qui se positionne parmi les avantages sociaux. Au point de refuser d'y renoncer et d'utiliser cet avantage comme moyen de pression. Mais le fait de se conformer à la loi est déjà un début de sortie de l'impasse.