Le département de l'Habitat a élaboré un projet de texte de loi régissant le secteur de la location. Il sera applicable par tout le monde. Challenge Hebdo : qu'est ce qui vous fait croire que le projet de loi sur le locatif sera capable de résoudre les problèmes du secteur locatif? Mounia Lahlou : de l'avis des professionnels du secteur, la léthargie que connaît le secteur locatif est due principalement au développement de la culture du non respect des engagements des parties contractantes et aux dysfonctionnements et insuffisances qui caractérisent le cadre juridique légal applicable au locatif, ce qui se traduit par la multiplication des conflits pendants devant les tribunaux. Ce constat a été confirmé par les résultats de l'étude stratégique menée par le Ministère, en collaboration avec la Banque Mondiale et relative à la relance et dynamisation du secteur locatif. Devant cette situation, et afin de parvenir à un équilibre dans la relation contractuelle entre les différentes parties, les pouvoirs publics ont jugé nécessaire d'élaborer une nouvelle loi fondée sur une révision radicale et globale du cadre législatif actuel. Cette révision vise l'abrogation des dispositions tombées en désuétude et celles entachées d'insuffisances ou lacunaires et de rassembler en un seul et même texte les lois en vigueur qui s'élèvent à 11 lois. Ce texte, une fois adopté par le Parlement et mis en vigueur, ambitionne donc d'atténuer les litiges entre bailleurs et locataires, de rétablir la confiance pour l'investissement dans le secteur et de mettre sur le marché de location une bonne partie du parc vacant. Cependant, il est à signaler que la crise que connaît le secteur locatif n'est pas due uniquement à l'existence d'un cadre juridique inadéquat. La relance de ce secteur est subordonnée à l'adoption d'autres mesures, notamment sur le plan fiscal, financier et organisationnel. En tout cas, c'est ce à quoi s'attache le ministère actuellement. C. H. : que prévoit le texte si le locataire ne veut pas quitter les lieux? M. L. : de prime abord, il convient de rappeler que le locataire en situation de paiement de ses droits locatifs ne doit restituer le bien loué à son propriétaire et évacuer les lieux que dans les cas suivants : - La reprise du logement pour y habiter lui-même, son conjoint et ses ascendants ou descendants du premier degré. - Un motif légitime et sérieux telle que la récupération du bien loué pour des raisons de démolition et de reconstruction ou d'exécution des réparations nécessaires. En cas de refus du locataire de quitter les lieux, le bailleur peut saisir le tribunal pour prononcer son expulsion. C. H. : les nouvelles dispositions seront-elles applicables aux anciens locataires (avant approbation de la loi) ou seulement aux nouveaux ? M. L. : effectivement, les dispositions du nouveau projet de loi seront applicables aussi bien aux nouveaux baux qu'aux baux en cours, y compris ceux non matérialisés par un acte écrit, avec possibilité pour les parties de décider d'un commun accord de se conformer aux dispositions du nouveau projet. C. H. : la lenteur du traitement des dossiers soumis à la justice ne constitue-t-elle pas un obstacle au développement du secteur? M. L. : dans le domaine de l'habitat locatif, les litiges sont fréquents et répétitifs, d'autant plus que les règles sont complexes et parfois méconnues. L'étude a montré que 40 % des bailleurs ont déclaré avoir des litiges avec les locataires. Face à ces litiges, si la justice est l'ultime recours, force est de constater que la procédure de traitement de ces litiges est effectivement longue et complexe. Cette situation est exacerbée par l'inexistence d'une juridiction spécialisée dans le locatif. Pour remédier à cette lacune, l'étude réalisée par le ministère a préconisé la mise en place de modes alternatifs de règlement à l'amiable pour décongestionner les tribunaux (Commissions d'arbitrage et de médiation). C. H. : le projet prévoit la création de structures dédiées d'intermédiation, chargées de suivre et d'exécuter les droits de bail. Quelles sont ces structures? Comment fonctionneront-elles concrètement? M. L. : avant de répondre à votre question, il convient tout d'abord de signaler que c'est l'étude et non pas le projet de loi qui a recommandé la création d'une agence d'intermédiation locative, pour pallier à la récession dont souffre le secteur locatif. L'Agence aura pour missions principales de garantir les loyers impayés, de conclure des contrats de bail avec les propriétaires du bien et de procéder à la sous-location dudit bien aux personnes appartenant à des établissements ou sociétés structurés et organisés et d'assurer la gestion locative de logements locatifs pour le compte des propriétaires bailleurs. Cependant, le ministère est en train d'approfondir la reflexion sur ce sujet pour bien cerner les missions de cette agence, son statut, ses moyens et ses organes d'administration …