C'est un rapport aux allures plutôt positives sur l'exercice 2007 que Abdellatif Jouahri a présenté au souverain. Mais c'est seulement parce que jusqu'à présent, le Maroc n'a pas encore été pleinement touché par la crise financière internationale. Le tout avec pour toile de fond deux phénomènes nouveaux : la décélération de l'inflation et un déficit persistant de liquidités sur le marché bancaire. Au-delà de l'analyse de Bank Al Maghrib relative à la situation économique du pays en 2007, ce sont surtout les allégations faites en guise de conclusions ou de recommandations, cela dépend de quel côté on se place, qui ont incontestablement le plus attiré l'attention. «Le récent retournement de conjoncture au niveau international confirme la nécessité de renforcer davantage la soutenabilité des politiques macroéconomiques et d'optimiser leur articulation avec les politiques sectorielles», indique le rapport. Est-ce à dire que BAM estime que la réforme en cours de la Caisse de Compensation reste malgré tout insuffisante? Même la gestion des ressources humaines dans la fonction publique est épinglée, encore une preuve peut-être s'il en fallait une que nos fameux DVD ne sont pas une franche réussite. Le rapport parle de la «mise en place d'un dispositif de gestion des ressources humaines dans la fonction publique qui stimule la productivité et assure une évolution de la masse salariale cohérente avec la contrainte budgétaire». De toute évidence, les départs volontaires n'ont permis d'atteindre aucun des deux objectifs. Enfin, Bank Al Maghrib interpelle, voire met en garde, quant à la nécessité de réaliser des progrès en termes d'implémentation des réformes clés . Et il n'a qu'un seul et unique gage de réussite selon le gouverneur de la banque centrale : «L ‘efficacité de ces réformes passe d' abord par un débat approfondi entre les différentes parties prenantes, ainsi que la mise en place de mécanismes de suivi et d'évaluation pertinents, condition nécessaire pour en optimiser la cohérence globale et l'efficience interne». D'ailleurs, il n'hésite pas à citer en exemple la récente réforme de l'Education, dont il qualifie l'approche en termes d'évaluation des performances de «probante». «Fondé sur une démarche analytique rigoureuse, le dispositif permet d'évaluer régulièrement les résultats par rapport aux engagements initiaux, d'identifier les sources de dysfonctionnement et les contraintes, et d'ajuster ainsi au mieux les choix et les instruments. Il serait souhaitable que le recours à ces mécanismes soit élargi aux réformes engagées dans d'autres secteurs». Voilà qui est dit concernant les différentes réformes, plans et autres programmes engagés. Merci, le soutien des prix ! Mais réformes ou pas, si jusqu'à présent, le pays a tenu le coup, ce n'est un secret pour personne, c'est essentiellement en raison de la politique de soutien des prix. BAM souligne que l'effet inflationniste du renchérissement des produits alimentaires de base au cours de l'année 2007 a été atténué par un certain nombre de mesures qui ont été prises par le gouvernement, et rappelle à juste titre d'ailleurs l'ensemble de ces mesures. Les plus importantes ont porté sur la réduction des droits d'importation sur certains produits alimentaires de base, comme la baisse de 60% à 30% des droits d'importation sur le blé tendre depuis le 29 juin 2007, la baisse également de 95% à 55% des droits d'importation sur le blé dur à partir de juillet 2007, l'exonération des acquisitions de maïs et d'orge des droits d'importation et de la TVA à l'importation à partir de février 2007, ou encore la suspension à compter du 27 septembre 2007 des droits d'importation sur le beurre. Sans compter le gel du mécanisme d'indexation des prix des carburants sur les cours du pétrole sur les marchés internationaux à partir du mois de février 2007, qui a permis de maintenir inchangés les prix intérieurs.Voilà pour l'essentiel des mesures qui ont permis de faire reculer l'indice du coût de la vie de 3,3% en 2006 à 2% en 2007. Seulement, BAM prévient du risque pesant sur l'inflation, qui «concerne essentiellement les incertitudes entourant l'évolution des prix des hydrocarbures et de ceux des matières premières, les pressions latentes sur les revenus et la croissance rapide du crédit bancaire». D'ailleurs, l'orientation du crédit en 2007 indique que le processus de développement financier s'est poursuivi à un rythme soutenu. Trois grandes évolutions tendent à confirmer cette dynamique. Tout d'abord, l'encours global des crédits distribués par les établissements de crédit a augmenté d'environ 26%, après une progression de 16,4% en 2006, portant sa part dans le PIB à près de 72%. Ensuite, le processus d'allongement graduel des maturités en cours depuis plusieurs années continue, comme le montre l'évolution plus rapide des prêts à moyen et long termes que celle des crédits à court terme. Enfin, les données disponibles montrent une progression de la distribution des crédits à taux variables, dont la part dans l'encours total des crédits immobiliers est passée, en un an, de 43% à 49%. Bien que l'encours du crédit à l'habitat reste relativement faible par rapport au PIB, soit 14% à fin 2007, le rythme d'augmentation de cette catégorie de crédit incite à la vigilance. Face à ces développements, Bank Al Maghrib a renforcé sa surveillance, invité le système bancaire à suivre de près l'évolution de ces crédits et les risques y afférents, et approfondi le suivi des opérations de hors bilan. En outre, la Banque a initié la préparation d'un code d'éthique sur le financement du secteur immobilier. D'autres actions doivent être également envisagées, notamment au niveau de la réglementation et de la gestion du domaine privé et public de l'Etat. Autant dire que si pour BAM la croissance marocaine n'a pas été significativement affectée par la détérioration de l'environnement externe, bien qu'elle soit passée de 7,8% à 2%, l'année 2008 ne se présente pas sous les meilleurs hospices. Car l'année 2007 a constitué un point de rupture après une longue phase de conditions financières favorables. La balle est à présent dans le camp du Maroc. repères Pourquoi le déficit de liquidités des banques en 2007 ? Dans un contexte caractérisé par la réduction du surplus de liquidités en début d'année, puis par un déficit persistant à partir de la mi-février, induit notamment par la hausse du montant des réserves obligatoires, les interventions de la Banque ont pris essentiellement la forme d'avances à 7 jours sur appel d'offres. De fait, les trésoreries bancaires ont dégagé un faible excédent durant les six premières semaines de l'année, en liaison avec le maintien à un niveau élevé des avoirs extérieurs nets de Bank Al Maghrib en janvier, puis le reflux de la circulation fiduciaire en février. A partir de la deuxième moitié de février, le marché monétaire a été marqué par un léger déficit de trésorerie, sous l'effet conjugué de l'amélioration de la position nette du Trésor auprès de Bank Al Maghrib et de l'augmentation du montant de la réserve obligatoire. Ce déficit est resté modéré jusqu'en septembre, l'impact restrictif induit par la soumission de deux banques à la réserve obligatoire en août ayant été compensé par la forte hausse des avoirs extérieurs nets de Bank Al Maghrib. En moyenne, la Banque a injecté 3,3 milliards de dirhams entre mars et septembre, à travers les avances à 7 jours et les opérations de pension livrée, assurant ainsi l'équilibre du marché autour de 3,23%, niveau proche du taux directeur de 3,25%. En relation avec l'accroissement des achats de devises auprès de la banque centrale, le besoin de refinancement des banques s'est amplifié en octobre et en novembre. En attendant de s'assurer de l'adossement de ces achats à des opérations réelles, la Banque n'a que partiellement ajusté le volume de ses injections hebdomadaires à la hausse de demande de liquidités par les banques, laissant ainsi le taux interbancaire atteindre ponctuellement des niveaux supérieurs à sa cible opérationnelle. Par la suite, le relèvement des volumes des injections de liquidités par le biais des avances à 7 jours, à partir de la mi-novembre, a permis de ramener le taux interbancaire à 3,32% en moyenne quotidienne. Au total, la position structurelle de liquidités des banques en 2007, appréhendée en moyenne des encours de fins de semaine, s'est établie à 44,7 milliards de DH, soit le même niveau atteint en 2006. Cependant, l'augmentation du montant des réserves obligatoires, qui a atteint 49,3 milliards, a donné lieu à un déficit des trésoreries bancaires de 4,5 milliards, qui a été couvert par les interventions de Bank Al Maghrib, principalement au taux de 3,25%.