C'est une fraude de Ponzi d'une ampleur inédite au Maroc. Des centaines de victimes, issues de plusieurs villes et même des MRE, sont tombés dans le piège du « Groupe Al Khair », un réseau illégal qui a réussi à orchestrer une arnaque digne d'un blockbuster. Chronique d'un scandale retentissant. Aux origines de l'Histoire, il y a un peu près de trois ans, une poignée de femmes de la ville de Tanger ont organisé une tontine rotative (Dart). Les liens ont commencé à se resserrer entre les participantes. Ensuite, elles ont constitué un groupe WhatsApp (et Instagram plus tard) et chacune d'entre elles se devait d'inviter d'autres membres. C'est à ce moment que le réseau, baptisé « Groupe Al Khair », est passé à la deuxième étape du stratagème. Réseaux sociaux Chaque nouvel adhérent devait verser un acompte de 1.800 dirhams avec la promesse de percevoir 10.000 dirhams après 10 mois, à condition d'attirer deux participants supplémentaires. Petit à petit, un système de Ponzi s'est mis en place. Pour rappel, ce système, aussi dénommé chaîne ou pyramide, est un montage financier frauduleux qui consiste à rémunérer les investissements des clients essentiellement par les fonds procurés par les nouveaux entrants. Une forte propagande sur les réseaux sociaux promettait des bénéfices substantiels aux potentiels souscripteurs, dont beaucoup ont été séduits par les actes de charité et de bienfaisance réalisés par le Groupe, notamment à l'occasion du séisme d'Al Haouz. L'engouement a amené le réseau à mieux s'organiser et à se doter de structures dirigeantes, comme n'importe quelle entité régie par la Loi, alors que le Groupe travaillait dans l'illégalité la plus totale. Lire aussi | Insolite. 100 millions d'euros détournés chez Kiabi La Justice entre en jeu Malgré les mises en garde émises par plusieurs parties, les rangs des souscripteurs, attirés par l'appât du gain, ne faisaient que grossir. En juillet 2024, la présidente du Groupe ne répond plus au téléphone. Sa disparition a mis à la puce à l'oreille des participants à la chaîne. L'information s'est répandue comme une traînée de poudre. Des centaines de victimes, appartenant à la classe moyenne ou issues de milieux modestes, ont déposé des plaintes contre les dirigeants en fuite. Le parquet de Tanger a ordonné le lancement de vastes investigations sur les tenants et aboutissants de cette affaire, qui tenait en haleine non seulement les habitants de la ville du Détroit mais l'opinion publique nationale dans son ensemble, pour la simple raison que les victimes proviennent de nombreuses villes. Une vingtaine d'arrestations Jusqu'à présent, près d'une vingtaine de personnes, majoritairement des femmes, ont été placés en détention pour leur présumée implication dans l'escroquerie. Parmi les personnes arrêtées, figurent la directrice du groupe, prénommée Karima, et des administrateurs des réseaux sociaux qui, en plus du travail de propagande, étaient surtout chargés de la collecte de l'argent. Lire aussi | Le site Booking tire la sonnette d'alarme sur les arnaques aux voyages liées à l'IA Après plusieurs semaines d'évasion, la présidente et cerveau de l'opération, dénommée Yousra, a été appréhendée, le 22 septembre, à la gare de Tanger, alors qu'elle s'apprêtait à monter à bord d'Al Boraq. Le juge d'instruction du tribunal de première instance de Tanger a organisé, mercredi 2 octobre, une confrontation entre la présidente et la directrice. Pour se dédouaner, cette dernière avait accusé Yousra d'avoir détourné 20 millions de dirhams, soit 2 milliards de centimes. Les auditions et les confrontations entre les mis en cause devront éclaircir de nombreuses zones d'ombre, surtout le rôle des personnes ayant participer à faire la promotion de cette arnaque, dont des artistes, des influenceurs, des médecins et des prédicateurs. Des sommes qui donnent le tournis Pour le moment, nous ne disposons d'aucune estimation officielle de la valeur des montants détournés. Mais, ce qui est certain, c'est qu'il s'agit de beaucoup d'argent. Un nombre de médias tangérois avance des chiffres avoisinant les 720 millions de dirhams. Une information à prendre avec des pincettes, tant que le ministère public n'a rien communiqué. Lire aussi | Cybercriminalité : la DGSN lance la nouvelle plateforme «E-Blagh» Tout compte fait, on est face à une escroquerie de grande magnitude. Dans leurs témoignages, des victimes ont avoué avoir remis des sommes conséquentes aux dirigeants du Groupe. Les versements s'élèvent parfois à des centaines de milliers de dirhams. D'autres victimes ont raconté s'être embrouillées avec des membres de leur famille et des proches, qu'ils ont convaincus d'intégrer le réseau. Dans certains cas, des souscripteurs ont vu s'évaporer les économies de toute une vie. Des familles entières sont brisées.