L'idée de la création d'un identifiant fiscal digital pour les personnes physiques exerçant des activités en ligne (magasin virtuel, prestation à distance, etc.) suscite le débat. Les propositions aussi. Notamment en ce qui concerne la déclaration des impôts de ces acteurs économiques, la volonté de ces contribuables à se conformer aux obligations fiscales et la capacité du Fisc à gérer une telle évolution. Pourquoi pas un identifiant fiscal digital pour les personnes physiques exerçant des activités en ligne, fournisseurs locaux de prestations à distance et autres professionnels nomades opérant principalement dans le domaine du commerce en ligne ? Ces contribuables en ligne sont-ils réellement disposés à déclarer leurs impôts ? A l'instar des fournisseurs non-résidents de services en ligne, l'identification numérique de ces contribuables figure-t-elle dans l'agenda du Fisc ? Autant de questions que se posent les analystes. Lire aussi | TVA : déclarer la liste des clients débiteurs avant le 1er mars, une formalité de trop ? L'idée fait son bout de chemin. Les mesures introduites par la Loi de finances 2024 ciblant les fournisseurs non-résidents de services en ligne donnent des idées. Et pour certains analystes, pourquoi ne pas s'en inspirer pour faciliter la conformité fiscale de ces contributeurs à l'économie numérique qui opèrent principalement dans le domaine du commerce en ligne ? C'est dans ce contexte que Mohamed Belkhayat, Expert-Comptable et Commissaire aux Comptes, propose la création d'un identifiant fiscal digital spécialement conçu pour les personnes physiques exerçant des activités en ligne au Maroc. Pour l'expert-comptable, cette initiative vise à faciliter la déclaration et le paiement des impôts pour cette catégorie de professionnels. Une idée qui repose sur les possibilités d'authentification offertes par la loi sur la signature électronique et la carte d'identité numérique. Selon le commissaire aux comptes, l'introduction d'un tel outil permettrait de mettre en place une identification numérique pour les professionnels nomades, tout en éliminant l'exigence d'un local professionnel ou d'une domiciliation. « Cette mesure faciliterait grandement la conformité fiscale pour ces nouveaux contributeurs à l'économie numérique, qui sont pour la plupart nés à l'ère du digital », fait-il valoir. Un double impact positif pour le pays En plus de simplifier les procédures fiscales, la concrétisation d'un tel projet contribuerait à élargir l'assiette fiscale. En permettant aux professionnels nomades d'exercer leurs activités sans contraintes géographiques, le Maroc pourrait attirer davantage d'entrepreneurs et de talents dans le secteur en ligne. « Cela stimulerait la croissance économique et créerait de nouvelles opportunités d'emploi, tout en contribuant à une augmentation des recettes fiscales ». Le Maroc ne serait pas à son coup d'essai Belkhayat fait référence à une avancée récente au Maroc en matière de fiscalisation de la fourniture en ligne de services par des non-résidents à des particuliers. En effet, la Loi de Finances 2024 a introduit des mesures permettant d'appréhender la TVA sur la fourniture en ligne de services dématérialisés par des fournisseurs non-résidents à des consommateurs finaux. Une mesure qui cible particulièrement le commerce numérique. Ainsi, ont été révisées les règles de la territorialité de la TVA, afin de consacrer le principe de taxation des prestations de services numériques selon le lieu de résidence du consommateur. Suite à cette mise à jour, une opération est réputée faite au Maroc lorsque la prestation de service est fournie à distance de manière dématérialisée par une personne non-résidente n'ayant pas d'établissement au Maroc à un client ayant son siège, son établissement ou son domicile fiscal au Maroc ou encore à un client résidant à titre occasionnel au Maroc. Cette mise à jour dit également qu'est considéré comme service fourni à distance de manière dématérialisée, toute prestation rendue à travers un outil de communication à distance, y compris les biens incorporels et les autres biens immatériels. Lire aussi | Agences urbaines régionales : 12 entités autonomes en cours de déploiement L'autre nouveauté introduite par cette mesure, et qui selon Mohamed Belkhayat devrait être dupliquée, est l'institution de l'obligation d'enregistrement des fournisseurs non-résidents desdits services numériques sur une plate-forme électronique, l'obligation de déclaration de leur chiffre d'affaires réalisé au Maroc, ainsi que le versement de la TVA correspondante due au Maroc. « Ce système mis en place pour les fournisseurs non-résidents pourrait servir de base pour étendre l'identification numérique et les obligations fiscales aux personnes physiques exerçant des activités en ligne. Cela permettrait d'établir une égalité de traitement entre les fournisseurs résidents et non-résidents, tout en renforçant la transparence et l'équité fiscale », explique-t-il. Reste aussi à évaluer les implications pratiques, juridiques et technologiques d'une telle initiative et à promouvoir un dialogue constructif entre les acteurs concernés. Les défis de l'administration fiscale face à l'émergence de ces contribuables potentiels Rida Belahouaoui, consultant fiscal, salue la proposition visant à créer un identifiant fiscal digital pour cette catégorie de professionnels. Selon lui, cette initiative représente un pas en avant vers la modernisation de la fiscalité et peut grandement faciliter la tâche des professionnels. Cependant, il soulève une question cruciale : « ces nouveaux contribuables en ligne sont-ils réellement disposés à déclarer leurs impôts ? ». Et d'ajouter : « Il est indéniable que de nombreux individus choisissent le travail en ligne précisément pour échapper aux contraintes fiscales traditionnelles. Ainsi, il est essentiel de réfléchir à des moyens efficaces pour inciter ces nouveaux acteurs économiques à entrer dans le système fiscal. Il faudra développer des mesures incitatives appropriées afin de susciter leur consentement et leur volonté de se conformer à leurs obligations fiscales », commente-t-il. Lire aussi | Valorisation des déchets organiques. Suez décroche deux nouveaux contrats chez Azura Group En outre, il convient de se demander « si le Fisc est actuellement en mesure de gérer un grand nombre d'opérations et de déclarations effectuées par ces contribuables». En effet, la capacité de l'administration à suivre le rythme de cette évolution numérique est essentielle pour la réussite de cette initiative. Il faudra également investir dans des technologies et des ressources humaines adéquates pour faire face à cette nouvelle réalité fiscale. Trouver un équilibre L'analyse de Belahouaoui met en lumière l'importance de cette proposition dans le contexte de l'évolution du système fiscal à l'ère numérique au Maroc. Il souligne les défis pratiques et comportementaux auxquels il faudra faire face. En effet, il est crucial de trouver un équilibre entre la modernisation de la fiscalité et la prise en compte des préoccupations de ces contribuables potentiels. Lire aussi | Secteur IT. Les développeurs, data scientists et ingénieurs en cybersécurité très demandés en 2024 La mise en place d'un identifiant fiscal digital peut offrir de nombreux avantages, tels que la simplification des procédures fiscales et la réduction des charges administratives. Cependant, il est impératif de veiller à ce que les mesures incitatives et les mécanismes de conformité soient bien conçus et adaptés à cette nouvelle réalité économique.