La situation politique est toujours dans l'impasse. Le Chef du gouvernement nie toute crise alors que ses lieutenants s'attaquent à Hamid Chabat. Celui-ci a tenu près d'une cinquantaine de réunions publiques pour marteler son discours, fort agressif. Mais le recours à l'article 42 apparaît comme une justification à l'immobilisme, parce que l'Istiqlal n'a qu'à demander à ses ministres de présenter leur démission s'il était sincère dans sa volonté de quitter la majorité. Cette parodie d'exercice démocratique ne fait même plus rire, elle a lassé le public qui a décidé de l'ignorer. Par contre, ce même public scrute toujours l'action du gouvernement contre les effets de la crise. Et il ne voit rien venir ! Le rapport du FMI attendu dans les prochains jours, sera sans doute très sévère avec le Maroc, non pas en raison de l'impasse politique, mais parce que les réformes annoncées sont à chaque fois renvoyées aux calendes grecques, ce qui n'est pas un bon présage. Celle qui devait constituer l'événement de la législature, la réforme de la Caisse de Compensation, est toujours en projet si l'on en croit les ténors du PJD. Sauf que rien ne vient corroborer ces discours. Par un glissement sémantique, même les Islamistes montrent qu'ils hésitent face à l'écueil politique du choc de la vérité des prix. « Cela se fera de manière progressive » annoncent-ils. Sauf que les alliés du PJD, sans exception sont contre le démantèlement de la Caisse de Compensation et son remplacement par l'aide directe. En attendant, malgré une détente sur les prix internationaux des matières premières, la Caisse de Compensation engloutira 55 Milliards de dirhams cette année. Une énième rencontre sur les systèmes de retraite s'est tenue cette semaine. Toutes les études actuariales démontrent que l'on se dirige tout droit, à un horizon relativement proche, vers l'insolvabilité des Caisses de retraite. Ce drame social qui se profile est une certitude mathématique, toutes choses restant égales par ailleurs. Là aussi, le gouvernement ne paraît pas mesurer l'urgence de la réforme. Il n'y a aucune action sur la demande intérieure alors que celle-ci est une variable importante dans la lutte contre les déficits commerciaux. Or, ceux-ci ne font que s'aggraver, impactant les comptes de la Nation. Le PJD avait annoncé une grande réforme de la fonction publique, ce que l'on a vu jusqu'à maintenant ce sont des décrets qui procèdent par touches, presque imperceptibles. Le dernier concerne le principe de mobilité qu'il réaffirme et qu'il inscrit dans la recherche de l'optimisation de la gestion des ressources humaines. Les résistances qui se sont exprimées ne peuvent cacher l'utilité de la mesure. Celle-ci permet le redéploiement géographique et inter départements. Cela veut dire qu'on n'assistera plus à la situation ubuesque d'enseignants en surplus permanent à Rabat, quand les élèves n'ont pas de professeurs à Zagora ou à des secrétaires, spécialistes du tricot dans un ministère, quand l'autre en face en manque. Mais la vraie réforme attendue est celle qui permettrait de réduire le poids des salaires de la fonction publique tout en améliorant l'efficacité de l'administration. Celle-là, on n'en voit pas les prémices alors que l'Etat a perdu les bénéfices de la fameuse opération des départs volontaires, par suite aux recrutements mais surtout aux augmentations concédées. Abdelilah Benkirane, Chef du ad'Abdellah Baha et Abdellatif Maâzouz. Le temps : une denrée non renouvelable ! On en sait un peu plus sur le projet de réforme de la justice. Mustapha Ramid s'oppose aux juges, aux avocats, aux greffiers. Cela était attendu, parce que les corporatismes sont toujours très conservateurs. Mais l'opposition est rude. Se pose alors la question de la méthode. Ramid est bien placé pour savoir que ces professions ont leur prolongement politique et que ces prolongements peuvent lui mener la vie dure au Parlement. Mais même s'il est assuré d'une majorité, le passage en force est la pire des solutions. Il n'y a pas de réforme qui réussit sans un minimum d'adhésion de ceux qui vont l'appliquer, c'est une évidence. Le Ministre de la Justice a des problèmes de communication et de concertation. Sur le plan politique, la constitution est toujours dans le virtuel. Son application nécessite des textes organiques, 14, qui ne sont même pas en préparation. La seconde Chambre est dans l'illégalité et son maintien ne devait être que transitoire. Ce provisoire qui dure est une insulte à la démocratie. Les élections communales, et le Roi l'avait annoncé, devaient avoir lieu en 2012. Le ministère de l'Intérieur annonce qu'il est prêt, que les textes relatifs au découpage sont prêts. Sauf que la volonté politique n'y est pas, puisque le Chef du gouvernement parle d'un délai d'un an au minimum. L'exécutif « travaille » nous dit-on, mais on ne juge pas l'action des ministres sur les heures de présence au bureau. La production législative, son contenu sont l'un des premiers critères d'évaluation de l'action d'un gouvernement. Pour le moment, en toute objectivité, on ne peut que constater qu'elle est extrêmement faible. Pour sa défense, Abdelilah Benkirane a un leitmotiv. « On n'est là que depuis un an et demi et la législature dure cinq ans ». Pendant ce temps, les chiffres sont de plus en plus inquiétants. Les déficits se creusent, les recettes diminuent, le chômage augmente, les contestations se multiplient, la compétitivité de l'économie, l'attractivité du pays prennent un coup. Le Maroc n'a pas le temps d'attendre que le PJD et ses ministres veuillent bien enclencher la vitesse supérieure. Le résultat c'est la perte de confiance, peut-être pas celle des électeurs Islamistes, mais celle des patrons, des syndicats, des couches moyennes. De ceux qui font la croissance en définitive. Devant cette situation, les joutes verbales entre Chabat et Benkirane paraissent encore plus insignifiantes et à raison, n'intéressent que peu de gens.