Le groupe Covid-19 de la Société royale de l'Université d'Oxford a publié un rapport sur les passeports/certificats de vaccination contre le coronavirus, qui ont beaucoup attiré l'attention ces derniers mois, depuis que les pays du monde entier ont commencé à déployer leurs campagnes de vaccination. Selon le professeur Mills, directeur du Centre des sciences démographiques de Leverhulme, la question fondamentale qui doit être posée lorsqu'il s'agit de passeports pour les vaccins est de savoir à quoi le gouvernement qui les accorde entend les utiliser. « Est-ce un passeport pour permettre les voyages internationaux, ou pourrait-il être utilisé au niveau national pour permettre aux détenteurs de plus grandes libertés ? », demande le professeur Mills tout en ajoutant que la manière dont ces passeports seront utilisés aura une importance cruciale sur « un large éventail de questions juridiques et éthiques qui doivent être pleinement explorées et pourraient par inadvertance discriminer ou exacerber les inégalités existantes ». Qu'est-ce qu'un passeport vaccinal ? L'idée est calquée sur la preuve de vaccination que plusieurs pays exigeaient avant même la pandémie. Les voyageurs en provenance de nombreux pays africains et à destination des Etats-Unis ou de l'Inde doivent fournir la preuve qu'ils ont été vaccinés contre des maladies telles que la fièvre jaune. Même si la nomenclature vient des passeports, la plupart des passeports vaccinaux ont été envisagés comme des documents numériques. Ils sont censés fonctionner comme une preuve que le titulaire a été vacciné contre le Covid-19 et qu'il est donc « en sécurité ». Une autre fonction clé des passeports de vaccination est la numérisation des dossiers de vaccination dans les différents pays. Si certains pays ont commencé à accepter les preuves de vaccination pour contourner les normes de quarantaine, une version commune et universellement acceptée du passeport vaccinal doit encore voir le jour. Lire aussi | Omar Kettani, Economiste : « L'accélération de la campagne de vaccination anti-covid au Maroc augure d'une perspective économique positive à court et à moyen terme » À l'approche des vacances d'été en Europe, certaines destinations de premier plan comme la Grèce et l'Espagne poussent l'Union européenne à introduire des « passeports vaccinaux » numériques pour faciliter l'entrée des visiteurs – et l'argent du tourisme. Mais ce que certains pays considèrent comme une voie vers la réouverture a été considérée par d'autres, la France et l'Allemagne en tête, comme une voie vers un système à deux niveaux qui pourrait laisser les personnes non vaccinées comme des étrangers dans des endroits tels que les gymnases, les restaurants et les cinémas. Il appartiendra donc au Conseil d'Etat ou au Conseil constitutionnel de « vérifier si les atteintes aux libertés sont nécessaires et proportionnées à l'objectif ». « Les passeports d'immunité pourraient renforcer les inégalités à l'intérieur des pays et entre eux », a souligné Emilian Kavalski, professeur au campus de l'université de Nottingham à Ningbo, en Chine. À Bruxelles, la Commission européenne planche sur une certification commune pour faciliter les déplacements des voyageurs à l'intérieur de l'UE. A quelques mois des vacances d'été, les initiatives se multiplient, prenant de vitesse les institutions internationales. La Grèce et Israël ont ainsi conclu début février un accord touristique. Celui-ci permettra à leurs citoyens vaccinés de voyager sans restrictions dans ces deux pays, grâce à un « passeport vert ». Très actif sur le « passeport vaccinal », Israël, dont plus de la moitié de la population a reçu au moins une injection du vaccin, a passé un accord identique avec Chypre. Des pourparlers sont en cours avec Malte, la Roumanie, la Serbie ou encore les Seychelles. Pour la mise en place de ce document, trois critères seront pris en compte, selon un tweet de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. Ce certificat pourra soit attester que la personne est bien vaccinée, soit fournir la preuve qu'elle a passé récemment un test négatif de dépistage du Covid-19, ou enfin donner l'assurance qu'elle est immunisée après avoir été contaminée. Une telle démarche n'est pas nouvelle : l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a ainsi mis en place un « carnet jaune », un certificat de vaccination exigé à l'entrée de plusieurs pays d'Afrique. « Ce type de certification a été utilisé dans le passé (par exemple, avec la fièvre jaune) et il n'est pas déraisonnable de l'utiliser à l'avenir pour d'autres maladies contagieuses, y compris le Covid-19 », rappellent Alberto Alemanno et Luiza Bialasiewicz, spécialistes en études européennes. Lire aussi | Vaccination au Maroc : comment en sommes-nous arrivés là et que se passera-t-il au cours des prochains mois ? Un passeport vaccinal serait-il sanitairement efficace ? Un passeport vaccinal repose sur l'hypothèse que les vaccinés ne soient plus contagieux s'ils venaient à recroiser le SARS-CoV-2 et se propose de certifier cet état de fait. Or, à l'heure où ces lignes sont écrites, il n'existe aucune certitude concernant la capacité des vaccins commercialisés actuellement à rendre 100 % des vaccinés sans danger pour autrui. « Les données scientifiques actuellement disponibles suggèrent que si les vaccins contre le Covid-19 arrêtent les symptômes, ils ne stoppent pas entièrement la transmission du virus et ne font que la ralentir. Par conséquent, la justification scientifique qui sous-tend cette proposition semble discutable », affirment Alberto Alemanno et Luiza Bialasiewicz. Quid de l'utilisation du passeport vaccinal : Le Maroc Le passeport sanitaire marocain prendra la forme d'un certificat de vaccination anti-Covi19 que les voyageurs pourront bientôt télécharger sur le site officiel de la campagne de vaccination. « Sur le portail Liqahcorona.ma, il y a une rubrique où l'on peut, une fois avoir reçu la deuxième dose de vaccin, récupérer un certificat de vaccination. Pour l'instant, cette rubrique est désactivée, mais une fois que les deuxièmes doses vont commencer à être administrées, le certificat sera téléchargeable. Une fois vaccinés, les citoyens marocains souhaitant se rendre en voyage hors Maroc devront obligatoirement présenter une preuve de leur vaccination ». C'est qu'avait indiqué le ministre de la Santé, Khalid Ait Taleb, lors d'une intervention à la télévision fin novembre, demandant aux marocains de « se projeter dès à présent dans le monde post-crise pandémique ». La Commission européenne La Commission européenne présentera le 17 mars 2021 un projet de « passeport vert » numérique attestant de la vaccination de son détenteur contre le Covid-19 ou d'un test négatif pour voyager, a annoncé lundi Ursula von der Leyen, présidente de la Commission. La Chine La Chine a commencé à mettre en œuvre un certificat international de santé vaccinale en espérant qu'il sera bientôt reconnu par d'autres pays. Le pays est l'un des premiers au monde à émettre un passeport vaccinal indiquant les détails de l'inoculation Covid-19 d'un voyageur, ainsi que les résultats des tests d'acide nucléique et d'anticorps. Le ministre des affaires étrangères, Wang Yi, a annoncé cette initiative lors d'une conférence de presse le 7 mars. Le passeport, disponible en format numérique et papier, contribuera à promouvoir la reprise économique mondiale et à faciliter les voyages transfrontaliers. Le porte-parole du ministère, Zhao Lijian, a déclaré : « La pandémie est toujours là, mais l'économie mondiale doit redémarrer et les échanges entre les peuples reprendre sans plus de retard. La Chine est prête à discuter avec d'autres pays de l'établissement de mécanismes mutuellement reconnus pour les codes sanitaires ». Grande Bretagne En Grande-Bretagne, plus de 200.000 personnes ont signé une pétition qui pourrait être débattue au Parlement contre l'introduction d'un certificat de vaccination, car il pourrait être « utilisé pour restreindre les droits des personnes qui ont refusé un vaccin Covid-19 ». Danemark Le gouvernement danois a déclaré que, dans les trois ou deux prochains mois, il déploiera un passeport numérique qui permettra aux citoyens de montrer qu'ils ont été vaccinés. L'Islande Le 21 janvier, l'Islande est devenue le premier pays européen à délivrer des certificats de vaccination Covid-19 aux citoyens ayant reçu deux doses du vaccin. L'Islande reconnaîtra les certificats de vaccination similaires délivrés par tout pays de l'UE ou de l'espace Schengen. La Pologne La Pologne a également lancé un passeport vaccinal numérique le mois dernier. Les citoyens qui reçoivent deux doses de vaccin reçoivent un document de confirmation avec un code QR unique, téléchargeable uniquement depuis le compte personnel de santé publique du voyageur. Une version imprimée est disponible pour ceux qui n'ont pas de Smartphone. Compagnies aériennes L'Association internationale du voyage aérien, qui compte 290 compagnies aériennes membres, a lancé une application de voyage qui permettra aux services d'immigration et aux compagnies aériennes de recueillir et de partager les résultats des vaccinations et des tests Covid-19 des voyageurs. Singapore Airlines sera le premier transporteur à utiliser cette application sur ses vols Singapour-Londres à partir du 15 mars et pas moins de 30 autres compagnies aériennes la testeront au cours des deux prochains mois. Lire aussi | L'Irlande nomme son premier ambassadeur au Maroc Quels sont les potentiels obstacles aux passeports vaccinaux ? Dans un monde où plus d'un milliard de personnes ne sont pas en mesure de prouver leur identité parce qu'elles n'ont pas de passeport, de certificat de naissance, de permis de conduire ou de carte d'identité nationale, les documents numériques indiquant le statut vaccinal pourraient accroître les inégalités et les risques, laissant de nombreuses personnes sur le carreau. Il faudra des années avant que les vaccins soient universellement disponibles à l'échelle mondiale. Par conséquent, les tests vont se poursuivre parallèlement à la vaccination pour permettre un retour sûr et équitable aux voyages et aux autres activités publiques. Selon l'OMS, environ 3,6 milliards de personnes dans le monde ne peuvent pas accéder à Internet, et plus de 1,1 milliard ne peuvent pas prouver officiellement leur identité. Pour beaucoup, les laissez-passer en papier resteront indispensables. En outre, il y a des préoccupations concernant la vie privée et le partage des données. Il est donc important que l'aspect technologique de ces applications soit ouvert et ne tombe pas sous le contrôle d'un gouvernement ou d'une entreprise. La technologie devrait être open source et accessible aux technologues, qui qu'ils soient et où qu'ils soient. La coordination des différents passeports vaccinaux existants et en cours d'élaboration sur le marché, et la garantie que les certifications des utilisateurs sont liées à des installations médicales vérifiées et approuvées, constitueront également un défi majeur.