Le syndicat des pharmaciens attend que l'affaire des médicaments écoulés illégalement soit jugée. Entre- temps, il prépare sa riposte. Ce n'est pas une mince affaire qui a éclaté il y a près de deux mois. 50.000 boîtes d'Aspro et de Claradol du laboratoire Bayer allaient être écoulées illégalement sur le marché. Depuis, une instruction judiciaire est en cours. Quelques séances ont été tenues mais le jugement n'a pas encore été rendu. Si le Conseil de l'Ordre des Pharmaciens s'est constitué partie civile dans cette affaire, le syndicat, lui, préfère rester à l'écart tant qu'aucune décision n'est prise par le tribunal. «Nous préférons attendre l'aboutissement de ce dossier pour connaître le ou les vrais coupables qui écoulent ces produits sur le marché parallèle», avance Anouar Fennich, le président du Syndicat National des Pharmaciens. En clair, le syndicat réagira en fonction de l'identité des mis en cause. Plusieurs pistes sont soutenues. Redouane Al Menjra Saady confie à qui veut l'entendre que les délégués du laboratoire en question seraient les principaux accusés de la vente des produits aux commerçants de Casablanca. D'autres avancent que certaines pharmacies pourraient être partie prenante dans ce trafic. Des personnes travaillant dans les laboratoires seraient aussi pointées du doigt. Mais tant que l'instruction judiciaire n'a pas abouti, tout ceci n'est que supputation. C'est pour cette raison que le syndicat préfère encore attendre le verdict. Ce n'est qu'à ce moment-là qu'il devra trancher. Pour l'heure, plusieurs pistes sont envisageables. Les pharmaciens pourront demander des dommages et intérêts. S'il s'avère que des laboratoires sont incriminés dans cette affaire, ils pourront même aller jusqu'à demander d'arrêter la commercialisation des produits vendus. La profession veut mettre un terme à ce commerce illicite. Y parviendra-t-elle ? Par le passé, en 1998 plus exactement, des produits du laboratoire Roche avait été mis en vente en dehors du circuit formel, à savoir les officines. L'affaire avait éclaté sans qu'il n'y ait eu de véritable suite de la part des pouvoirs publics. La justice s'en mêle Aujourd'hui, la donne est différente puisque l'affaire est entre les mains des juges. En attendant le verdict, les pharmaciens n'ont alors aucun moyen de réagir face à la montée de ce phénomène. Selon Fennich, des rumeurs circulent quant à un trafic qui s'opérerait sur la ville d'Agadir. Des médicaments comme Supradyne seraient mis en vente en dehors du circuit légal. D'autres produits entreraient par les frontières avec l'Algérie ou par Sebta et Melilia en contrebande. Cela fait beaucoup. Le trafic des médicaments est un phénomène ancien. « On ignore tout de la traçabilité de ces médicaments mis en vente en dehors du circuit formel », confie Fennich. Tant que les pouvoirs publics ne séviront pas, le fléau continuera à se développer. Des vies sont en danger. C'est pour cela que les professionnels souhaitent que les différents départements concernés de près ou de loin par ce genre de dossiers s'activent pour prendre les décisions qu'il faut. D'abord, le ministère de la Santé. On serait tenté de le pointer du doigt en premier, puisque c'est la tutelle. Pour quelles raisons les inspecteurs dudit département n'opèrent-ils pas des contrôles plus poussés pour mettre le doigt sur ce commerce illicite ? La raison est simple. Les articles instituant l'inspection des pharmaciens se limitent au contrôle des officines. En d'autres termes, ces inspecteurs que l'on «condamne» ne peuvent pas fourrer leur nez ailleurs. «Nous avons formulé une demande officielle pour que les missions de l'inspection soient élargies, pour que les inspecteurs puissent inspecter là où se trouve tout médicament, mais nous n'avons reçu aucun feed-back positif», regrette le président du Syndicat des pharmaciens. Selon les professionnels, le département de la Santé partage aussi la responsabilité du développement de ce commerce illégal avec l'administration de la Douane, le ministère de l'Intérieur et le département de la Répression des Fraudes. L'Intérieur, par exemple, devrait davantage contrôler les commerces et les endroits de stockage puisqu'ils sont sous sa «tutelle». La Douane devrait être quant à elle plus vigilante en matière d'importation de produits contrefaits… Tout le monde est responsable de ce qui arrive aujourd'hui.