L'Office National de l'Eau Potable (ONEP) se lance dans de nouveaux métiers. Que ce soit au Maroc ou à l'international, il remporte pas mal de marchés. L'établissement public a développé sa vision. L'Office National de l'Eau Potable (ONEP) n'est plus cet établissement que l'on connaît tous, celui qui produit seulement de l'eau. Il a montré son expertise et son professionnalisme dans son métier de base. Hormis les incidents de l'année 1997 qui ont contraint la ville de Tanger à procéder à des coupures d'eau, on peut aisément dire que le Maroc n'a finalement pas manqué d'eau. Même si son goût varie, elle est toujours potable. D'ici à l'année prochaine, cette même eau sera disponible sur quasiment l'ensemble du territoire. Le programme d'alimentation groupé en eau potable dans le milieu rural (Pager) sera exécuté à hauteur de 92%. L'ONEP n'a donc plus, d'une certaine manière, à s'en faire. Dès lors que sa situation est devenue plus confortable, il peut songer à d'autres métiers qui lui rapporteraient plus d'argent. L'ONEP est parti chercher les marges là où elles se trouvent. Il a trouvé un bon créneau dans la distribution de l'eau. L'expérience des gestionnaires délégués de l'assainissement et de la distribution de l'eau et de l'électricité étant concluante, l'ONEP s'est donc lancé dans ce domaine. Il a monté ses projets, développé ses attaques commerciales et a décroché pas mal de contrats de distribution de l'eau en peu de temps. Les marchés de Tamesna, de Tamensourt, de Tanger-Med (en cours)…, c'est l'ONEP qui les a obtenus. Hormis ces projets, l'Office fait partie d'un projet-pilote qui regroupe l'ONE, les régies et les collectivités de deux régions pilotes (aux alentours de Oujda et de Settat). Le but étant d'étudier la possibilité de créer une société régionale de distribution. Les résultats de l'étude en cours devront être dévoilés dans les semaines à venir. Il y a un après-Cameroun Si les résultats sont concluants, un contrat sera signé avec une société régionale qui compte ces opérateurs publics dans son tour de table. Le patron de l'ONEP, Ali Fassi Fihri, adhère complètement à cette vision. Pour lui, il est nécessaire que le Maroc développe une ou deux grandes structures régionales de distribution en plus de celles qui existent. Le but est de générer de nouveaux moyens à travers les activités de chaque acteur qui vont les constituer. L'ONEP a voulu aussi tenter une expérience de ce genre dans la ville de Marrakech, mais elle a avorté. L'idée était de créer pour le grand Marrakech une société de patrimoine qui aurait eu la responsabilité contractuelle des investissements. L'ONEP aurait eu pour partenaire l'ONE, la CDG et la ville. Les autorités de la ville en ont décidé autrement. Un appel d'offres a été lancé au mois d'août dernier pour sélectionner un opérateur étranger qui se chargera de la gestion déléguée. En mettant un pied dans la distribution, l'ONEP se trouve à la fois producteur de la ressource et distributeur. Il tire alors un avantage par rapport à ses concurrents. Il devient juge et parti. Les responsables de l'ONEP le reconnaissent. Mais ils légitiment en quelque sorte cette situation. De par ses missions, l'Office a lourdement investi, il s'est aventuré dans des coins reculés qu'un opérateur privé n'aurait pas osé aborder. Lui permettre de faire de la distribution serait donc en quelque sorte une compensation. L'ONEP a également fait de l'international une de ses cibles. Il a commencé par décrocher des contrats d'assistance technique en Mauritanie et en Guinée. Maintenant, il passe à la vitesse supérieure. Avec d'autres partenaires, il a remporté le marché de la commercialisation de l'eau potable au Cameroun. La signature du contrat deviendra officielle dans les semaines à venir. L'ONEP a ainsi réalisé une prouesse en concurrençant le spécialiste français Veolia qui a vu ce marché lui filer sous le nez. Et l'ONEP ne compte pas en rester là. Il prospecte et se présente sur d'autres marchés africains. «A l'international, notre vision est différente. Ce n'est pas une vision stratégique mais une vision de développement», commente le directeur général de l'Office. L'accueil des responsables africains dans le centre de formation technique de l'eau de l'ONEP y a été pour beaucoup. Des contacts ont été noués. L'ONEP a donc pu disposer d'une meilleure connaissance de ces marchés. Coopération sud-sud La coopération sud-sud porte ses fruits. Et ce n'est pas tout. Il se trouve que les offres marocaines sont compétitives, car moins chères. Cela ne veut pas dire que les services sont de moindre qualité, ni que ces autres étrangers surfacturent leurs services. Chacun concocte en fait ses offres différemment. Les responsables des pays d'Afrique subsaharienne ont maintenant pris conscience de l'expertise marocaine. Par ailleurs, ils ne perçoivent pas les opérateurs qui se présentent à leurs appels d'offres comme des opérateurs qui cherchent le gain facile et rapide, mais plutôt comme des porteurs de services publics. En plus de la distribution au niveau national et au niveau de l'activité internationale, l'ONEP a également misé sur l'assainissement liquide. Désormais, l'Office dispose de plus de quarante stations d'épuration en service et le montant de l'investissement a avoisiné les 20 milliards de DH sur la période 2001-2007. L'ONEP s'est diversifié, mais contrairement aux activités de distribution ou au développement à l'international, ce créneau ne lui rapporte pas autant. Que lui reste-t-il donc à faire ? Selon son directeur général, les années à venir devront permettre de consolider les acquis d'assainissement et la généralisation de l'eau en lançant des programmes de branchements individuels dans le milieu rural, le transfert rapide de l'eau et le dessalement de la mer. Quant au statut de l'Office, des solutions se profilent. Il pourrait, à l'image d'autres offices, se transformer en société anonyme et ouvrir son capital au privé, à condition de lui ôter la mission de planificateur. L'autre éventualité est que l'Office se dote de toutes les prérogatives, qu'il devienne chef d'orchestre et filialise par la suite ses activités industrielles. Ali Fassi Fihri ne voit pas pour l'instant d'un bon œil ces scénarii qui ont des avantages mais aussi des inconvénients. De son avis personnel, la solution la plus plausible serait que l'ONEP filialise l'activité distribution. A méditer ! Dessalement et transfert d'eau : des solutions d'avenir Le Maroc dispose aujourd'hui de cinq stations de dessalement de l'eau de mer à Tarfaya, Laâyoune, Boujdour et Tan Tan. La ville d'Agadir pourrait rejoindre cette liste. Un projet dans ce sens est en cours d'étude. Les villes de Nador et d'Al Hoceima sont aussi visées par l'Office, qui étudie actuellement un concept de dessalement de l'eau de mer proche de celui instauré pour Jorf Lasfar. Quant au transfert de l'eau, les idées consisteraient à transférer l'eau de barrages excédentaires vers des barrages déficitaires. Le barrage Al Wahda pourrait par exemple venir en aide au barrage Al Massira. Mais tout ceci a un coût et des charges d'exploitation qu'il ne faut pas négliger. Les uns «paient» pour les autres… L'ONEP est l'un des rares établissements publics à ne pas tendre la main à l'Etat pour financer ses projets. Ses ressources ? Elles sont principalement issues des tarifs appliqués à la vente de ses services. Au cours de l'année prochaine, il est très probable que les prix de l'Office ne soient pas révisés à la hausse. «Si nous opérons des augmentations, elles sont faibles et servent à couvrir notamment l'inflation», indique Ali Fassi Fihri, directeur général de l'ONEP. L'Office parvient-il alors à rentrer dans ses frais? La réponse est affirmative. Ses finances sont équilibrées. Et d'ailleurs, pour qu'il en soit ainsi, il arrive que l'établissement utilise la marge fabriquée sur des axes porteurs comme Casablanca et Rabat pour financer des déficits enregistrés par d'autres villes. C'est cela le système de «solidarité nationale». Il arrive aussi qu'il lève des fonds auprès d'organismes étrangers. Sa «belle» signature et ses bonnes performances font de lui un client apprécié de ces bailleurs.