Iben Mansour, président de la FNPI L'équipe Benkirane promet des logements pour la classe moyenne. Les promoteurs privés sont incapables de s'adapter aux dispositions qu'elle propose. Al Omrane prendra-t-il le relais ? Certains estiment que les mesures introduites dans le projet de la loi de Finances 2013 par l'équipe Benkirane sont politiques, voire populistes car tout simplement infaisables. C'est le cas par exemple du paragraphe qui détermine les avantages accordés aux acquéreurs de logements destinés à la classe moyenne. Sans concertation avec les professionnels, le gouvernement suggère de mettre sur le marché un produit où l'acheteur, qui doit toucher maximum 15.000 DH mensuellement, bénéficie d'exonérations des droits d'enregistrement et timbres pour acquérir un bien de 100 à 150 m2 au prix maximum de 5.000 DH/m2. Une offre très intéressante, mais peut-elle exister ? A l'évidence, les promoteurs immobiliers, principaux concernés, répondent par la négative. Cette fois-ci, les avantages sont accordés à l'acquéreur, et rien pour le promoteur. Conçu de cette manière, «ce genre de produit ne suscitera pas l'intérêt des promoteurs, même en dehors des grandes villes. Il est irréalisable de construire des logements dans ces conditions. Comment peut-on imaginer qu'un produit de la classe moyenne (5.000 DH TTC/m2) soit moins cher que celui du social (5.000 DH HT) mais avec une qualité supérieure», s'interroge Youssef Iben Mansour, président de la Fédération Nationale des Promoteurs Immobiliers (FNPI). Est-ce donc une aberration ? L'équipe Benkirane cherche à satisfaire les besoins de toute une frange de la population, sans peut être mesurer la faisabilité des projets. Les professionnels, eux, préfèrent d'ores et déjà monter au créneau pour justifier pourquoi ils ne construiront pas de logements consacrés à la classe moyenne dans les conditions soumises dans le projet de loi. Pour donner du crédit à ce qu'ils avancent, les promoteurs ont bien voulu diffuser les simulations réalisées selon trois scenarii. Des marges négatives Les business-plans des deux premiers reposent sur les dispositions prévues dans le projet de la loi de Finances, le troisième sur les mesures proposées par la FNPI (superficie minimale de 80 m2 et prix de vente qui n'excèderait pas 6.000 DH HT/m2 avec les mêmes exonérations accordées dans le cadre du logement social). Dans le premier cas, où le prix du terrain est de 600 DH/m2 (hypothèse réalisée sur le prix du foncier d'une zone comme Elkhiayta à Casablanca), le prix de vente TTC est de 429.893 DH TTC. Côté acquéreur, c'est le bonheur. Côté promoteurs, c'est la catastrophe. Pour arriver à ce prix, le taux de marge après impôt et taxes par logement serait négatif (-6%). Idem dans la deuxième hypothèse où le prix du terrain vaudrait 2.000 DH. Le prix de vente serait de 417.166 DH mais le taux de marge/logement plongerait à -24%. Une chose que les promoteurs ne seraient pas prêts à assumer. Mais si les bases de calcul différaient selon les dispositions proposées par la FNPI, vous l'aurez compris, la tendance se renverserait. Avec un prix du foncier à 2.000 DH/m2, le taux de marge/logement monterait à 11%. Nous ne saurons pas si ce pourcentage comprend ou pas l'avantage fiscal relatif au remboursement de la TVA. Si c'est le cas, le taux serait plus important. Quoi qu'il en soit, ce rendement de 11% est jugé « raisonnable» par Iben Mansour. « Certains grands promoteurs pourraient le réaliser en une année », ajoute-t-il. Le sort des produits dédiés à la classe moyenne dépend alors des avantages que le gouvernement accordera (ou pas) aux promoteurs privés. Et comme dans le logement social, si les promoteurs n'obtiennent pas gain de cause, alors, ils ne construiront tout simplement pas ce type de produit. Ils l'ont déjà fait au courant des années 2008/2009 où les exonérations fiscales n'ont pas été prorogées. Résultat, aucune convention entre promoteur et l'Etat n'a été signée. Ce n'est qu'en 2010, avec la reprise des avantages, que les promoteurs ont repris les projets. Rien n'empêche donc qu'ils fassent de même pour les produits de la classe moyenne. Des actions de lobbying ont déjà commencé auprès des médias et des parlementaires pour rallier les gens à leur cause. Si les mesures restent les mêmes, il n'est pas exclu alors qu'Al Omrane, le bras immobilier de l'Etat, prenne le relais pour satisfaire en partie la demande qui émane de cette classe moyenne. Les promoteurs ne sont pas seuls à profiter des dérogations Les promoteurs immobiliers tiennent par ailleurs à se débarrasser de l'étiquette qui leur colle à la peau, celle de professionnels qui tirent profit des exonérations fiscales pour dégager le plus de marge. Et c'est pour cette raison que cette année, la FNPI a mandaté trois cabinets d'audit (Saaïdi & Hdid Consultants, AD Associés et Invest Conseil) pour répondre, entre autres, à la question : à qui profitent les mesures dérogatoires liées à l'activité immobilière. Selon les données des experts, sur la quarantaine de mesures dérogatoires, les promoteurs immobiliers ne sont pas les seules personnes à profiter de la manne des 5 milliards de dirhams sur une niche fiscale totale de 33 milliards comme le penserait la majorité des gens. Et c'est pour qu'il n'y ait plus de confusion dans les esprits que la FNPI tient aujourd'hui seulement à apporter ces précisions. « 78,8% de la dépense fiscale profite aux acquéreurs et les 23,2% restants reviennent à tous les autres intervenants (promoteurs, banques, coopératives, établissements publics...). La majorité (soit 16 mesures) des mesures sont d'abord en faveur des acquéreurs. Cinq dérogations profitent aux logements sociaux. Les autres sont réparties entre les établissements publics, les logements faibles VIT, campus, établissements bancaires et coopératives. En valeur, et sur les quelque 5 milliards de DH, les promoteurs du logement social profiteraient pour 891 millions seulement, contre 1,6 milliard pour les acquéreurs, 3 milliards pour les banques, établissements publics... Tout ça pour ça ! Les promoteurs immobiliers sont alors fiers de revendiquer certains chiffres. Grâce aux logements sociaux qu'ils construisent, l'Etat empoche 31.550 DH/unités (entre IS, impôts sur les distributions des dividendes, impôt sur le revenu, TVA...), soit 1,2 milliard de recettes en 2011 pour 40.000 unités produites. 891 MDH Les promoteurs immobiliers du logement social ne profiteraient que de 891 MDH sur les 5 à 6 milliards d'exonérations fiscales attribués à l'activité immobilière.