USP Hopitales n'a pas encore remporté l'appel d'offres pour la gestion déléguée des 13 polycliniques de la CNSS. La commission en charge du dossier n'a pas encore prononcé son verdict. Détail des propositions d'USP et de ses visées sur le tourisme de soins au Maroc. Où en est le processus d'adjudication des 13 polycliniques CNSS à des gestionnaires privés? Au moment où la presse assure que leur passation en gestion déléguée à USP Maroc est d'ores et déjà effective, la version de la CNSS est tout autre. La Commission en charge de l'adjudication serait toujours penchée sur cet épineux dossier que l'on croyait bouclé, puisque le groupe espagnol USP Hospitales est resté seul candidat en lice. «C'est un lourd dossier pour lequel l'on doit prendre tout notre temps avant de statuer définitivement », déclare Mohamed Afifi, directeur de la stratégie à la CNSS. Et d'ajouter, «légalement, nous avons jusqu'à la fin de l'année pour le boucler. Nous sommes tenus de respecter ce deadline mais comptons aussi pleinement en profiter». Le ton est donné, laissant entendre que rien n'est gagné d'avance pour le consortium USP-BMCE Capital. Certes, le gros des négociations est passé puisque l'offre administrative et technique a été approuvée par Said Ahmiddouch, mais il reste à valider l'offre financière, qui fait l'objet d'une étude par la Commission chapeautée par Abdellaoui. Cependant, selon une source proche du dossier, «USP Maroc est bien partie pour remporter l'appel d'offres. D'ailleurs, le fait que les autres candidats se soient retirés en milieu de course plaide nettement en sa faveur. Que la CNSS lance un nouvel appel d'offres pour augmenter ses chances n'est pas une décision facile à prendre d'autant plus qu'elle risque de perdre le prétendant qu'elle a aujourd'hui», commente un observateur. Et d'ajouter, «la CNSS prend son temps pour verrouiller tout le processus et ne plus avoir à assumer la responsabilité d'une faille laissée au hasard».C'est une analyse à prendre au sérieux, d'autant qu'à l'époque où il a été nommé à la tête de la CNSS, Said Ahmiddouch avait assuré qu'il comptait bien tirer profit du délai que lui conférait la loi pour se désengager de la gestion directe des polycliniques. Une position que justifie aussi la réaction de certains médecins marocains, qui ne voient pas d'un bon œil que les polycliniques soient gérées par des étrangers. 1 Marocain pour 8 étrangers Seul un Marocain s'était présenté aux cotés de neuf étrangers dans l'appel à manifestation d'intérêt. Sa candidature n'a pas été validée et ne s'est pas retrouvée parmi les quatre retenues pour participer à l'appel d'offres. «La CNSS a choisi de lancer un appel international. Ce dernier a montré que les étrangers avaient une maîtrise du métier plus convaincante que le candidat marocain. Les règles du jeu sont claires et la CNSS ne pouvait pas privilégier ou recaler un candidat sur la base de sa nationalité», explique une source proche du dossier. De toutes les manières, l'offre globale d'USP est à même de légitimer ou non sa gestion des 13 établissements de soin. En quoi consiste-t-elle ? En effet, s'il est un point sur lequel les Ibériques en lice ont voulu se montrer rassurants, c'est qu'aucun plan social ne sera appliqué une fois que les polycliniques leur seront concédées. D'ailleurs, la CNSS a été claire à ce sujet : «les acquis sociaux doivent être intégralement préservés et aucun dégraissage ne doit avoir lieu sur les 2000 personnes formant le capital humain des polycliniques». Plus encore, il est hors de question que des médecins espagnols soient placés dans ces polycliniques. En cas de besoin d'encadrement, l'option de formation en Espagne n'est pas écartée, mais en aucun cas, des expatriés espagnols ne devront être admis dans les établissements de la CNSS. Par ailleurs, si USP s'est engagée à respecter ces a priori en plus de son engagement à ne pas augmenter les tarifs de soins (application de la tarification nationale de base), elle compte intervenir à sa façon pour changer les conditions de travail aujourd'hui en vigueur. Autrement dit, elle veillera à ce que les honoraires perçus aient une contrepartie en travail à même de justifier les niveaux de rétributions accordées. Autrement dit, «il faut mériter son salaire». Une approche qui risque de ne pas être perçue positivement par tous, mais cela ne semble pas constituer le gros souci de l'entreprise espagnole. Quelle offre financière ? Contacté par Challenge Hebdo, Jaafar Heikel, DG d'USP Maroc, a refusé de se prononcer sur le dossier : «la CNSS est en train d'étudier notre dossier. Je ne ferai aucun commentaire tant que les négociations sont en cours». Médecin de formation et ancien du centre hospitalo-universitaire Ibn Rochd, il est connu pour être l'un des rares gestionnaires dans le monde de la santé. Et pour cause, suivant une formation en gestion, il compte à son actif une première expérience en tant que directeur général d'Eurest Santé Maroc qu'il a quitté, il y a un an, pour se consacrer au projet de reprise en gestion déléguée des polycliniques de la CNSS. C'est lui l'architecte du dossier et le négociateur en chef avec les collaborateurs d'Ahmiddouch. Que propose-t-il dans son offre financière ? Impossible d'obtenir des éléments de réponse de sa part. Cependant, selon des informations recoupées de part et d'autre, USP ne prévoit de dégager les premiers bénéfices qu'à partir de la cinquième année d'exploitation, pour n'atteindre sa vitesse de croisière qu'au bout de la dixième année (un résultat brut d'une centaine de millions de DH). En contrepartie, elle s'engage à payer un loyer annuel à la CNSS d'une valeur de 20 millions de DH par an en dehors des bénéfices qu'elle devra redistribuer en partie au personnel et à la CNSS. Est-ce économiquement convaincant, d'autant plus que les investissements d'USP dépasseraient les 500 millions de DH et que selon un médecin du privé, investir dans une petite clinique reviendrait à moins de 25 millions de DH ? L'ambition d'USP au Maroc dépasserait la simple gestion déléguée des 1.000 lits en question. Derrière, c'est le tourisme médical qui l'attirerait en premier lieu. Les polycliniques constitueraient une référence de taille pour permettre au groupe d'affirmer sa capacité à gérer des établissements de cette ampleur. En effet, l'approche d'USP en Espagne peut renseigner sur ces ambitions. Ayant des partenariats stratégiques avec les gros complexes touristiques du pays où ils prennent en charge la partie relative au tourisme médical. Le Maroc ne serait en effet qu'une première phase pour attaquer la région du Maghreb, l'Afrique et les pays du Golf.