A la fin du mois d'octobre, un appel d'offres international sera lancé pour sélectionner un cabinet qui se chargera d'établir, entre autres, un plan d'action opérationnel pour le secteur. Le secteur de l'industrie pharmaceutique entre dans une ère nouvelle. Comme l'offshoring, l'agro-industrie ou l'aéronautique, il fera figure, dans quelque temps, d'un des autres piliers de la stratégie Emergence. Les pouvoirs publics, soucieux de trouver de nouveaux potentiels de croissance pour créer de la valeur ajoutée, ont préféré, avant d'établir un plan Emergence propre à ce secteur, prendre leurs précautions et se préparer bien comme il le faut. La semaine dernière, une convention tripartite a d'ailleurs été signée entre le ministère du Commerce et de l'Industrie, l'Association Marocaine de l'Industrie Pharmaceutique (AMIP) et l'Agence de la Promotion des PME pour donner le coup d'envoi des travaux qui vont aboutir au plan spécifique à l'industrie pharmaceutique. D'ici à la fin du mois, un appel d'offres international devra être lancé pour sélectionner le cabinet qui prendra en charge le dossier. Son identité devrait être connue au mois de novembre. «Ce cabinet aura à sa charge l'établissement des états des lieux du secteur, la réalisation de benchmarking avec des pays concurrents, l'identification des activités à développer, la définition d'une stratégie de ces activités sur une période de 10 ans et l'élaboration d'un plan d'action opérationnel», annonce Omar Tazi, qui est, à l'heure où nous mettons sous presse, encore président de l'AMIP. Des élections du bureau de l'Association étant prévues le 26 octobre. C'est donc à l'issue de ces travaux, prévus pour les mois de juin ou juillet prochain, que le secteur saura quelle direction prendre, quels moyens seront mis en œuvre et corriger les défaillances qui pourraient être relevées. Un plan Emergence devrait par la suite voir le jour. Ce sera aussi une sorte de feuille de route pour le secteur, et surtout un moyen de dynamiser ses exportations. Une feuille de route sectorielle Actuellement, elles ne représentent qu'environ 8% de la production du secteur. Pour améliorer ce pourcentage, l'Etat devra mettre ses moyens à contribution. Tout comme les autres secteurs, «nous espérons évidemment obtenir de l'aide de la part de l'Etat. Nous avons espoir que l'étude, qui va être lancée, sera basée sur le même socle que les autres secteurs du plan Emergence», annonce Omar Tazi. Les Marocains auraient une capacité bien meilleure pour augmenter ce pourcentage. Depuis les années 1990, des programmes d'investissement de l'ordre de 300 millions de DH sont enregistrés annuellement dans le secteur pour moderniser l'outil de production, former le personnel… De fait, les entreprises ont pu acquérir une technologie de pointe et maîtriser relativement l'approvisionnement (quoique dernièrement, des ruptures de stocks se font ressentir). Conscientes des atouts dont elles disposent et des défis à relever, nos entreprises ont commencé à viser l'international. Deux laboratoires ont fait l'expérience de se rendre sur des marchés africains. Sothema a investi 7,5 millions d'euros dans la construction d'une unité de fabrication de médicaments, «West Afric Pharma». Et Pharma 5 a investi le marché africain depuis 1987 déjà. Ces projets lui permettent aujourd'hui de desservir une douzaine de pays africains. Pharma envisagerait même d'ouvrir des bureaux de liaison dans les principales capitales africaines. Mais, selon un professionnel du secteur, l'Afrique n'est pas une destination qui engrange un grand potentiel de développement pour les opérateurs marocains. La signature des accords de libre-échange avec les Etats-Unis devrait par contre insuffler à l'avenir de meilleures relations en matière pharmaceutique. Conditions draconiennes Les conditions d'investissement sont certes draconiennes, mais le potentiel y est. Il suffirait de trouver les bons filons pour commercer avec l'Oncle Sam. C'est le cas également de pays comme l'Australie par exemple, où des efforts doivent être fournis pour réduire par exemple les coûts du transport. Ces derniers représentent un grand handicap pour l'exportation des produits marocains. D'ailleurs, le président de l'AMIP n'hésite pas à donner l'exemple de cette firme marocaine qui avait pu décrocher un grand contrat au pays des kangourous. «La société s'était mis d'accord sur les différentes modalités (prix…), mais elle a buté sur le coût du transport qui était élevé. Elle a donc dû annuler la commande». Quoi qu'il en soit, l'export représente un potentiel non négligeable de croissance pour les opérateurs marocains. Que ce soit en Europe, en Afrique ou en Asie, les marchés existent bel et bien. Il suffirait de saisir les opportunités. Car, faut-il le rappeler, les capacités de production locales ne sont pas encore pleinement utilisées. Plus encore, «les opportunités restent considérables pour peu que les initiatives institutionnelles se multiplient pour favoriser l'approche des marchés», indique-t-on auprès de l'Association. Attendons maintenant que l'étude révèle ses conclusions pour aborder la dynamique du secteur sous un nouvel angle. Les pharmaciens «out» ? Anouar Fennich, président du Syndicat National des Pharmaciens, était surpris d'apprendre la nouvelle de notre bouche. Un plan Emergence pour le secteur pharmaceutique ? La profession n'en a pas entendu parler. «L'initiative ne peut que rendre service au secteur qui a besoin d'une attention particulière. Mais notre souhait serait d'instaurer un dialogue pour que le projet réussisse», confie-t-il. Le secteur est en train de se développer et il serait bien dommage de rater le coche. D'ailleurs, le pharmacien souhaiterait même que certains points soient abordés pour lever le voile sur des contraintes qui existent. «Les besoins en médicaments doivent par exemple être mieux précisés. Nous devons réussir à définir la nature des maladies au Maroc pour que notre industrie prenne en considération les besoins». A noter qu'actuellement, l'industrie marocaine pharmaceutique répond à 70% de la consommation. Les 30% restants sont assurés par des importations. Par ailleurs, des défis devraient être relevés sur d'autres fronts, celui de la distribution illégale des médicaments. Certaines communes ou organisations non gouvernementales se permettent de distribuer des médicaments et l'on ignore dans quelles conditions. Le président du syndicat espère qu'Emergence s'attaquera à ce phénomène.