Longtemps tenu à l'écart par le président Lula, le secteur privé brésilien est prié de ressortir ses bulldozers ! Après des années d'hésitation et plusieurs faux départs, le gouvernement brésilien vient enfin de lancer un appel d'offres le 9 octobre dernier. Plusieurs entreprises privées étaient en concurrence pour l'obtention du droit à consolider et améliorer deux mille six cents kilomètres de route. Une majeure partie des spécialistes du Brésil reconnaît qu'il s'agit là d'un véritable tournant au niveau de la politique économique brésilienne. Alors qu'il a longtemps mené bataille pour la re-nationalisation de toutes les activités qui, de près ou de loin, pouvaient être rentables, voilà que le président Luiz Ignâcio Lula Da Silva se fait le chantre de l'économie de marché et de tout ce qui peut attirer des investissements vers des infrastructures brésiliennes en piteux état. Ayant raflé cinq des sept marchés en jeu, l'entreprise espagnole OHL prévoit d'investir 1,6 à 2,2 milliards de dollars sur les cinq prochaines années dans des autoroutes à péage reliant Sao Paulo à Belo Horizonte au nord et à Curitiba et Florianopolis au sud. Les entreprises qui ont remporté les marchés ont été celles qui ont présenté les droits de péage les plus faibles pour les vingt-cinq années sur lesquelles courent les contrats. Ces investissements arrivent avec bien du retard. En effet, tandis que ses exportations ont connu un véritable boom, le Brésil n'a pas construit grand chose ces quinze dernières années en matière de routes, de ports ou d'infrastructures aéroportuaires. De même, il n'est pas rare pour les navires d'avoir à patienter jusqu'à deux semaines au large des grands ports comme Santos, avant de pouvoir charger ou décharger les marchandises. Des vues aériennes de certaines régions du Brésil montrent quelques-uns des embouteillages les plus impressionnants au monde. Certaines entreprises ont trouvé leurs propres solutions à ce problème, à l'instar du géant minier CVRD qui dispose de sa propre ligne de chemin de fer et de son port privé. L'urgence de la question des infrastructures s'est d'ailleurs cruellement posée en juillet, à Congonhas (aéroport de Sao Paulo), avec la catastrophe de l'avion de ligne qui est sorti d'une piste d'atterrissage fraîchement rénovée (mais trop courte !) et qui a causé la mort de 199 personnes. Plus tôt cette année, Lula avait révélé un plan très ambitieux pour accroître les investissements publics dans les infrastructures au cours des trois prochaines années. Jusqu'ici les promesses financières n'ont pas encore été concrétisées. Economiste chez HSBC au Brésil, Alexandre Bassoli estime que, cette année, le gouvernement fédéral ne va pas dépenser plus de 0,9% du PIB en investissements publics. Il ajoute que, si ce taux ne dépasse pas 1,5%, le Brésil peut s'attendre à un retour du rationnement de l'électricité (le pays en avait souffert en 2001) à partir de la fin 2010. Si la chance lui était donnée, le secteur privé pourrait largement satisfaire les besoins du pays. Les appels d'offres ont attiré un consortium mené par la banque américaine d'investissements Goldman Sachs. De plus, Odebrecht, une grande entreprise brésilienne de BTP, a levé 200 millions de dollars pour des projets d'infrastructures, via une émission d'obligations dont le succès a été tel que la demande a été 6 fois supérieure à l'offre ! Jusqu'à présent, le problème est que le gouvernement a échoué à rassurer les investisseurs privés quant à l'indépendance des agences de régulation créées durant les années 90.