Dans la foulée de la dizaine de sociétés introduites en bourse, l'année dernière, les grandes banques d'affaires sortent les grands moyens pour s'adjuger le maximum des 20 sociétés dont l'arrivée est annoncée sur la place casablancaise, au grand dam des petites structures. Le marché des introductions en Bourse suscite de plus en plus la convoitise des banques d'affaires de la place, qui ne lésinent pas sur les moyens pour sortir le grand jeu. Objectif : accompagner le plus grand nombre de sociétés sur le chemin menant à la Bourse de Casablanca. En effet, derrière cette volonté se cache d'importants enjeux financiers. «Il n'y a pas longtemps, les banques d'affaires adossées ne voulaient pas accompagner du tout les PME. Ce qui les intéressait plutôt, c'était uniquement les grandes entreprises qui levaient des fonds beaucoup plus importants. Aujourd'hui, la donne a changé. Ces banques d'affaires sont attirées par toutes les introductions», souligne un patron d'une société de Bourse. Quoi qu'il en soit, pour cette année, les banques d'affaires ne vont pas chômer. Le record actuel du nombre de valeurs introduites en une année sera inéluctablement battu. Car, c'est le double qui est attendu sur 2008, de quoi aiguiser l'appétit des banques d'affaires. L'année dernière déjà, la place casablancaise aurait du réaliser un nouveau record du nombre de valeurs introduites en une année, si l'opération GSI n'avait pas été annulée. Le pourcentage peut être négociable Toutefois, le marché a pu égaler la performance inédite de 2006, en accueillant 10 nouvelles recrues, dont huit durant les six derniers mois de l'année. Combien pèse ce marché et qui mène le bal ? Rien que pour 2007, les dix entreprises qui ont rejoint la cote ont levé un peu plus de 6,8 milliards de DH. Les grosses opérations ont été celles de la CGI (3,5 milliards de DH), Atlanta (1,2 milliard de DH), SNEP (1,05 milliard de DH) et Salafin (300 MDH). À cette liste s'ajoutent également celles initiées par Promopharm (237 millions de DH), M2M (142 millions de DH), Matel PC Market (138,5 millions de DH), Microdata (121 millions de DH), Stokvis (108,5 millions de DH) et Timar (15,7 millions de DH). «Les grandes banques d'affaires sont payées entre 1% et 3% des montants levés lors des introductions en Bourse. En fait, cela dépend de la consistance du fonds à lever. C'est pourquoi, ce pourcentage est négociable. Mais pour les PME qui ne lèvent pas de fonds aussi importants, ce pourcentage se situe généralement entre 3% et 4%», renseigne un responsable d'une banque d'affaires. Au total, les banques d'affaires ont empoché en 2007 près de 200 millions de DH de commission auprès des sociétés entrées en bourse. «Nous sommes loin de 1992, année de naissance de la première banque d'affaires, CFG Group, lancée par Adil Douiri et Amyn Alami, avant qu'elle ne soit rejointe par les banques qui ont ainsi mis en place leurs structures. Mais tous ces intervenants ne se contentaient pratiquement que des opérations de privatisation, comme celles ayant concerné la Sonasid ou encore l'ex-Cior devenu Holcim. C'est à partir de 1996-1997, avec le passage de la criée à la cotation électronique que le cercle s'est agrandi», souligne un directeur de recherche d'une banque d'affaires. C'est pendant cette période d'ailleurs que l'ex-BCM a lancé Attijari Finances, qui sera mandatée quelques semaines après sa création par le ministère de la Privatisation pour le placement du noyau dur de Samir et de la SCP. Il faut dire que depuis, l'Etat marocain a opéré une réforme pour créer le cadre réglementaire nécessaire à la pratique des métiers des banques d'affaires, qui ont joué un rôle de premier plan dans l'accompagnement de l'entreprise aux niveaux macro-économique et microéconomique. On peut citer notamment la réforme en profondeur de la Bourse de Casablanca. Résultat : les volumes enregistrés sur la Bourse de Casablanca sont passés de 20 milliards de DH en 1996 à plus de 180 milliards de DH, et la capitalisation boursière représente aujourd'hui 116% du PIB au lieu de 23 % en 1996, des niveaux comparables à ceux des pays développés, sans compter le nombre de plus en plus croissant des sociétés cotées en Bourse. Aujourd'hui, les filiales des banques (Attijari Finances Corp, BMCE Capital, BMCI Bourse, Al Wassit) côtoient les indépendants et non des moindres, comme CFG Group et Upline, qui opèrent sur le marché ou encore les «petits» comme Finergy, qui cherchent à se positionner sur la niche des PME. Il y a également CDG Capital. Une quinzaine d'acteurs interviennent sur ce marché des introductions en Bourse. Importantes opportunités pour les banques Actuellement, en termes de marché, les banques d'affaires escomptent des opportunités importantes. D'une part, la liste des sociétés privatisables est susceptible d'être élargie à d'autres secteurs. D'autre part, la séquence des introductions en bourse ne peut que s'accélérer à partir de cette année. «Avant d'entrer en bourse, une société doit, non seulement exercer depuis trois années, mais présenter trois exercices vendables. Dans le nouveau paysage, plusieurs sociétés susceptibles d'être introduites en bourse boucleront leurs trois exercices dans la transparence d'ici à la fin de l'année 2008», fait remarquer un responsable d'une société de Bourse. C'est la filiale d'Attijariwafa bank qui mène le bal, du moins en ce qui concerne les grandes entreprises. Attijari Finances Corp, qui visait à sa création deux à trois introductions, a revu ses ambitions à la hausse. L'année dernière par exemple, pour son entrée en grande pompe sur le marché boursier, Miloud Chaâbi s'est fait accompagné par la filiale de la première banque privée marocaine en tant que conseiller arrangeur. L'opération concernait la Snep, la plus importante société industrielle depuis l'opération Managem en 2000. «Les grandes entreprises ont surtout des contacts avec les banques et c'est naturellement qu'elles se font accompagner par les filiales de celles-ci. Tout est question de relation d'affaires», souligne un responsable d'une grande banque d'affaires non adossée à une banque. Dans cette bataille de recrutement de sociétés candidates à la bourse, les petites structures perdent de plus en plus de terrain. C'est le cas de Finergy, qui a introduit Dari Couspate, Cartier, Mediaco, SRM… Depuis lors, la structure est restée muette. Des désaccords entre les actionnaires auraient porté un coup dur à la société. Les PME, boudées il n' y a pas longtemps par les grandes banques d'affaires, sont désormais très courtisées par ces dernières. «Quand une PME se présentait à ces grandes entités, il était fréquent qu'on lui conseille d'aller voir du côté des capital-risqueurs ou simplement de lui déconseiller la bourse. Ce fut le cas de Mediaco, qui avait contacté en premier BMCI Bourse. Aujourd'hui, ce sont ces grandes banques d'affaires qui démarchent les PME. Il y a beaucoup à faire avec ces dernières après leur introduction, notamment l'augmentation de capital, la déposition de titre, la distribution de dividendes… Il a fallu qu'on les réveille», ironise un responsable d'une entité connue pour avoir introduit en Bourse de nombreuses PME. Et de regretter : «pourtant, on fait le même volume de travail pour généralement une durée de 8 à 12 mois». En tout cas, M2M, qui ne levait que 142 millions sur la place casablancaise, a eu le privilège d'avoir BMCE Capital Conseil et Attijari Finances comme conseillers-arrangeurs de son opération d'introduction. Ces deux filiales de banques travaillaient ainsi ensemble pour la première fois. En effet, ce sont ces structures qui se partagent pratiquement l'essentiel des marchés, surtout les grosses opérations. À en croire une source proche au niveau du marché boursier, Miloud Châabi, qui avait confié le dossier d'introduction de la Snep à Attijari Finances, fait autant avec BMCE capital, qu'il aurait chargé de mener l'opération d'introduction Chaâbi Lil Iskane.