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Mohamed Abdennabaoui : la politique pénale fait partie de la politique publique
Publié dans Challenge le 18 - 12 - 2017

Invité de l'émission « Une heure pour convaincre », diffusée le 16 décembre 2017 sur la chaîne Medi1tv, Mohamed Abdennabaoui, procureur général du roi près de la Cour de Cassation et président du parquet général, a eu l'occasion de dévoiler sa position au sujet de nombreuses questions que soulève l'indépendance du ministère public.
L'initiative en elle-même mérite d'être saluée et traduit un changement important car il n'est pas dans les habitudes des magistrats du parquet de s'exposer aux risques des émissions de télévision et, qui plus est en direct. Mais, avec la sortie du parquet général du giron du ministère de la justice, il devient normal que son président communique régulièrement sur les questions qui intéressent l'opinion publique. Et c'est ce qu'a promis Mohamed Abdennabaoui. Reste que la tâche ne sera pas aisée vu que le magistrat est tenu avant tout de rester toujours collé à la loi.
Les questions posées par le journaliste de Medi1tv ont permis au procureur général du roi près la Cour de Cassation d'aborder de nombreux sujets. Et si certains d'entre eux ont été bien tirés au clair, d'autres nécessitent des débats plus approfondis en raison de leur complexité. Ainsi, en répondant à une question sur le contrôle de l'exécution de la politique pénale, il a adopté en raison de sa sensibilité, une démarche juridique rigoureuse en s'appuyant sur la Constitution, les lois organiques et la position de la Cour Constitutionnelle. Dans ce cadre, il a insisté sur le fait que l'élaboration de la politique pénale revient au Parlement et non pas au gouvernement tout en insistant sur un point selon lequel la politique pénale est une composante de la politique publique qui n'est pas du ressort du gouvernement seul. Cette approche, malgré sa pertinence juridique n'est pas sans soulever des interrogations relevant de la science politique et de la philosophie du droit voire de la philosophie tout court.
Concernant le volet de l'exécution de la politique pénale qui relève de la seule compétence du parquet, Mohamed Abdennabaoui a été on ne peut plus clair en martelant que les textes en vigueur, ne prévoient pas un contrôle parlementaire. Le président du parquet général veille à l'exécution de la politique pénale et en rend compte au Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire sur la base de rapports périodiques que ce dernier transmet au Parlement. Pour lui, le principe de l'indépendance du pouvoir judiciaire retenu par la Constitution de 2011 n'autorise pas le contrôle de l'exécution de la politique pénale par le Parlement.
En abordant le rôle du président du parquet général, Mohamed Abdennabaoui a soutenu qu'il n'est pas seul aux commandes en précisant que la justice « a trois têtes »: le président du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire, le président du parquet général et le ministre de la Justice. La gestion de carrière des magistrats du parquet ne relève pas non plus du Président mais plutôt du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire. Le président du parquet général a pour attribution de présenter des rapports d'évaluation concernant les magistrats placés sous son autorité. Toujours dans le même cadre, il a souligné, en réponse à une question directe posée par le journaliste, que les « procureurs ne sont tenus d'appliquer les instructions de leur hiérarchie que lorsqu'elles sont écrites et conformes à la loi ».
À la question de savoir si le parquet général sera en mesure de rompre avec les pratiques antérieures et de préserver son indépendance dans toutes les affaires, Mohamed Abdennabaoui a répondu clairement et sans langue de bois. Selon lui, le parquet général existe depuis plus d'un siècle et la seule différence- mais elle est énorme- c'est que dans le passé le parquet était sous la coupe d'un ministre qui a un programme et des engagements politiques et sous l'actuel régime, il est placé sous l'autorité d'un magistrat qui n'est tenu que par l'application de la loi.
Interrogé sur la question de savoir si le « Maroc n'est pas allé trop vite » avec cette réforme, il a répondu, que « c'est le temps qui va le démontrer ». Une réponse sage car il est trop hasardeux de répondre par l'affirmative. En effet, la réussite d'une telle réforme que beaucoup de grandes démocraties n'ont pas pu envisager, ne dépend pas que des magistrats. Elle est tributaire de la réussite d'un projet plus vaste, celui de l'édification d'un Etat de droit.


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