Epo à Paris Le filet, lieu d'inspiration de Sanae Jennane
Au premier contact avec l'exposition de la franco-marocaine Sanae Jennane, organisée récemment à la ‘'Galerie Templon''à Paris, les admirateurs de la peinture acceptent spontanément de se laisser embarquer pour une immense navigation dans l'espace horizontal et vertical investi par l'artiste. Riche en matière minérale, végétale et animale, l'exposition propose un voyage attrayant dans l'univers créatif de Sanae Jennane (native de Meknès) qui a réussi magiquement, à travers son ‘'filet référence'', à tisser ce lien mystérieux entre le monumental et l'ornemental. Les œuvres exposées s'assemblent sur ‘'le filet'' comme lieu d'inspiration, mais ne se ressemblent pas au niveau des matières utilisées (plantes, tissus, cornes, poils de vache, pierres, perles, etc) : Une véritable guerre que l'artiste livre à elle-même pour prendre en otage le regardeur et le placer, dans la poétique de l'oeuvre, dans un environnement de décoration et surtout de séduction. Souvent prise elle-même dans son propre ‘'filet'', Sanae essaie de créer cette dialectique entre le regardeur et le regardé, entre le monumental et l'ornemental, en optant pour des formes de grandes dimensions alternant paysages, portraits, masques, regards fixes et dialogues muets sur le monde de l'apparence. Cette référence au ‘'filet'' constitue l'expression commune qui se dégage de l'ensemble des toiles exposées, où la profondeur bleue et noire, au lieu de renvoyer au pessimisme total, exerce une séduction telle, que même les amateurs de l'art ne peuvent s'y échapper. ‘'Je travaille souvent la surface avec une volonté de surcharger par un travail de matière, de couleur et de forme, nous confie-t-elle, en précisant qu'‘'une fois la toile est mise dans le lieu de l'apparence et de l'artifice, j'essaie de trouer et de creuser, c'est à dire de détruire le monde de surface pour arriver à la profondeur''. Quand elle travaille sur l'ornemental, Jennane ne cherche pas à faire du joli pour le joli, mais c'est un moyen de séduction, d'être prise elle-même dans le filet et de faire prendre aussi le public pour que se puisse se créer une dialectique entre les deux, référence à Picasso qui résume si bien cette idée : ‘'Un tableau ne vit que par celui qui le regarde''. Pour Sanae Jennane, l'ornemental est aussi une inscription de soi par le corps et par l'esprit, donc une volonté de dépassement pour essayer d'atteindre l'inaccessible en recomposant les objets et en leur donnant d'autres formes de vie et d'expression. Maîtrisant un extraordinaire sens de la couleur et un jeu magique de matériaux, Jennane, encore jeune (31 ans) peut prétendre à une carrière des plus brillantes dans le monde des arts et de la culture. C'est en tous cas l'avis des critiques d'art français unanimes à juger sa peinture comme étant un ‘'acte libre et spontané qui met en toile les traces visibles du réel''. Elle prépare aujourd'hui un doctorat en Sciences de l'art avec comme thème majeur ‘'L'ornemental et le monumental''. Le but est d'articuler la pratique et la théorie autour d'un travail plastique qui se fait, et une réflexion qui se met en place. Objectif. Essayer de s'interroger sur le processus, les limites et les contraintes de la création.