Les autorités marocaines déploient des efforts soutenus pour réduire le poids de l'économie informelle à travers une refonte progressive du cadre fiscal. Cet engagement entend à intégrer cette frange d'activités dans les circuits officiels tout en créant un climat de confiance entre l'administration et les opérateurs économiques. Le ministre délégué chargé du budget, Fouzi Lekjaa, a réaffirmé devant les conseillers de la deuxième chambre du Parlement la détermination de l'Etat à poursuivre cette réforme au cours du mandat restant du gouvernement d'Aziz Akhannouch. Selon lui, la lutte contre le secteur non structuré ne saurait se limiter à des mesures répressives mais doit s'accompagner d'un dispositif incitatif propre à encourager l'adhésion progressive des acteurs concernés. L'exécutif met en avant les avancées réalisées depuis la mise en œuvre de cette politique, notamment la hausse significative des recettes fiscales. Celles-ci sont passées de 199 milliards de dirhams en 2020 à 300 milliards de dirhams à la fin de l'année dernière. Cette tendance devrait se poursuivre en 2025, portée par l'élargissement de l'assiette fiscale et l'intégration progressive d'activités jusque-là soustraites à toute déclaration. Acquis et défis Dans le cadre de la loi de finances 2024, le gouvernement a instauré une procédure de régularisation volontaire ayant généré des recettes exceptionnelles, soit 9 % du produit intérieur brut. Cette opération, qui a permis d'intégrer un tiers de l'économie souterraine, constitue un précédent encourageant pour les autorités, qui entendent capitaliser sur cet acquis. La ministre de l'économie et des finances, Nadia Fettah Alaoui, a souligné que l'intégration du secteur informel ouvre la voie à une meilleure inclusion économique et sociale. Selon elle, cette transition progressive permet aux entrepreneurs concernés de bénéficier de divers dispositifs d'accompagnement, tels que l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée, l'accès au financement et la couverture sociale. Les autorités jugent que la lutte contre l'économie parallèle ne peut être dissociée de la mise en œuvre du projet de généralisation de la protection sociale. L'immatriculation à la Caisse nationale de sécurité sociale, le statut d'auto-entrepreneur et les plans sectoriels, notamment dans l'artisanat et l'agriculture, sont autant d'outils déployés en faveur d'une formalisation accrue du tissu économique. Les données officielles illustrent l'ampleur du défi : selon le Haut-Commissariat au plan, 67,6 % de la population active évolue dans le secteur informel, avec une concentration notable dans l'agriculture ainsi que dans le commerce et les services de proximité en milieu urbain. Ce phénomène, qui prive l'Etat de ressources fiscales substantielles, contribue par ailleurs à la précarisation d'une partie des travailleurs. Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a mis en exergue les répercussions négatives de cette situation, insistant sur la nécessité d'un cadre fiscal simplifié et progressif pour encourager les acteurs du secteur informel à se conformer aux règles en vigueur. Les observateurs estiment que la régularisation fiscale exceptionnelle mise en place en 2024 aura des effets significatifs sur l'économie nationale. Ils soulignent que cette mesure permettrait d'élargir la base contributive, de renforcer la discipline budgétaire et de stimuler la demande intérieure. Dans cette optique, le gouvernement s'attelle à l'extension du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée, notamment en intégrant l'économie numérique. La révision des critères de territorialité de cette imposition tend à garantir que les transactions réalisées en ligne par des prestataires étrangers soient dûment soumises aux obligations fiscales marocaines. À cet effet, l'administration fiscale prévoit la mise en place d'un portail numérique dédié à la déclaration et au paiement de ces taxes. Bank Al-Maghrib recommande, pour sa part, une réforme en profondeur du régime fiscal afin d'en faire un levier de formalisation économique. Cette transformation passerait par une simplification des procédures, une réduction des taux marginaux d'imposition et une progressivité accrue du barème, adaptée à la taille et aux capacités contributives des entreprises. Les autorités marocaines, conscientes des défis inhérents à cette transition, misent sur une approche équilibrée entre rigueur fiscale et accompagnement des acteurs concernés. L'objectif demeure l'ancrage d'une culture de conformité volontaire, condition sine qua non d'un développement économique transparent et durable.