La directrice générale de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), Ngozi Okonjo-Iweala, a exhorté les nations africaines, dont le Maroc, à rompre avec la dépendance à l'aide internationale et à concentrer leurs efforts sur l'attraction des investissements et la mobilisation des ressources internes. S'exprimant lors d'une réunion de l'Union africaine, elle a souligné la nécessité pour le continent de revoir ses priorités économiques dans un contexte géopolitique marqué par de fortes incertitudes. «L'Afrique doit changer son état d'esprit en matière d'accès à l'aide. Nous devons la considérer comme une réalité révolue», a déclaré la responsable onusienne, insistant sur l'urgence d'un modèle économique fondé sur la valorisation des ressources locales. Parmi les leviers évoqués, Okonjo-Iweala a mis en exergue le potentiel considérable des fonds de pension africains, estimés à quelque 250 milliards de dollars dont une grande partie demeure sous-exploitée. Citant le Maroc aux côtés de l'Afrique du Sud, du Nigeria, du Kenya, du Botswana et de la Namibie, elle a plaidé pour une réforme des cadres réglementaires afin de permettre à ces capitaux d'être investis sur le continent plutôt qu'à l'étranger. Un rôle accru des institutions financières africaines La chef de l'OMC a également insisté sur le renforcement des institutions financières africaines, telles que la Banque africaine de développement (BAD) et la Société financière africaine (SFA), en leur octroyant des moyens suffisants pour élargir leur capacité de financement des infrastructures. «Ces institutions disposent d'un bilan cumulé d'environ 70 milliards de dollars alors que les besoins annuels du continent en infrastructures dépassent les 200 milliards. Plutôt que de se tourner systématiquement vers l'extérieur, nous devons soutenir nos propres mécanismes de financement», a-t-elle plaidé. Le Maroc, qui a mis en place des démarches ambitieuses en matière d'infrastructures et d'industrialisation, pourrait tirer parti de ces orientations. À travers des projets d'envergure tels que le port de Tanger Med et l'expansion du secteur automobile, le royaume s'impose déjà comme un modèle en matière de transformation économique fondée sur l'investissement plutôt que sur l'aide extérieure. Toutefois, la question du financement des grands chantiers demeure un défi, notamment dans un contexte de resserrement des liquidités à l'échelle mondiale. Une transformation indispensable des chaînes de valeur Okonjo-Iweala a également insisté sur la nécessité pour l'Afrique d'augmenter la valeur ajoutée de ses ressources naturelles au lieu de se limiter à l'exportation de matières premières brutes. «Nos Etats mettent en avant leurs importantes découvertes de lithium, de manganèse et de cuivre, des éléments essentiels pour la fabrication des batteries de véhicules électriques. Le véritable enjeu est d'assurer le traitement de ces ressources sur place afin de générer des emplois et d'intensifier les échanges commerciaux», a-t-elle affirmé. Le Maroc, qui s'est positionné comme un acteur clé du marché des phosphates et des énergies renouvelables, pourrait jouer un rôle stratégique dans cette transformation. Le développement de capacités industrielles locales pour la fabrication de composants essentiels aux nouvelles technologies, notamment dans les secteurs des batteries électriques et de l'hydrogène vert, s'inscrit dans cette logique de montée en gamme prônée par l'OMC. Une occasion à saisir lors de la prochaine conférence ministérielle de l'OMC La directrice générale de l'OMC a enfin évoqué la 14e Conférence ministérielle de l'organisation, prévue au Cameroun, qui constituera une occasion pour les pays africains de plaider en faveur de réformes facilitant le commerce intra-africain et les échanges avec le reste du monde. Dans ce cadre, le Maroc, signataire de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), pourrait jouer un rôle moteur en plaidant pour une plus grande intégration économique régionale et une harmonisation des réglementations commerciales. La réussite de cette mutation dépendra toutefois de la capacité des Etats africains à mettre en œuvre des politiques cohérentes, combinant financements endogènes, attractivité des investissements et montée en puissance des industries locales.