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Philippe de Villiers dans "Mémoricide" : «Lors de l'élection présidentielle algérienne, Abdelmadjid Tebboune a pu organiser quatre meetings en France, le contraire est impossible»
Dans son ouvrage Mémoricide, l'ancien député français Philippe de Villiers dresse un constat saisissant sur les relations entre la France, l'Algérie et le Maroc, en y mêlant des observations politiques et des échanges personnels marquants. À travers des anecdotes et des réflexions profondes, il révèle d'un côté les contradictions dans l'attitude de la France face à l'Algérie, et de l'autre, la lucidité historique du roi Hassan II du Maroc. Ces deux exemples, bien que distincts, convergent pour illustrer une même réalité : la perte de repères et d'influence de la France en Méditerranée ainsi que son incapacité croissante à jouer un rôle de pont entre les cultures et les continents. Dans Mémoricide ( Fayard, 25 octobre 2024, 384 pages, 280 MAD), que Barlamane.com a pu lire, Philippe de Villiers évoque une réalité politique survenue en été : lors de l'élection présidentielle algérienne, «le président (sortant) Tebboune a pu organiser quatre meetings en France.» Cette situation, selon lui, met en lumière un double standard évident. «Imagine-t-on, en sens inverse, un candidat français tenir quatre rassemblements en Algérie ?», s'est-il indigné. Ce contraste illustre non seulement une asymétrie des relations entre les deux pays, mais aussi une certaine complaisance de la France envers un régime algérien qui, pourtant, n'hésite pas à adopter un discours belliqueux à l'égard de Paris. Cette posture interpelle d'autant plus dans un contexte où la France semble perdre pied dans son rôle d'acteur clé en Méditerranée. Les élites françaises, préoccupées par des enjeux internes et européens, semblent incapables, selon l'ancien député, de forger des relations équilibrées avec leurs partenaires du Sud. Les partenaires fiables, surtout. Hassan II visionnaire Face à ce déclin apparent, les réflexions du roi Hassan II, citées dans le livre, apparaissent comme un éclairage salutaire. Dans un entretien avec Philippe de Villiers, en juin 1992, l'ancien souverain marocain abordait le traité de Maastricht avec une clairvoyance absolue. Bien que cet accord concernait avant tout l'Europe, le roi Hassan II a pu cerner les implications géopolitiques d'un tel basculement. Il voyait dans Maastricht un déplacement du centre de gravité européen vers le monde anglo-saxon et une fracture progressive avec la Méditerranée. Le monarque plaidait pour une Europe latine, capable de renforcer les liens naturels avec l'Afrique et la Méditerranée, une région qu'il rêvait comme un «lac de Tibériade» où les trois religions et les civilisations pourraient coexister. Il avertissait également que la France, en s'éloignant de ses racines méditerranéennes et en sombrant dans une «haine de soi», s'exposait à un déclin inévitable. «Vos élites ont perdu toutes les boussoles», déplorait-il, insistant sur l'importance de la géographie, «seule composante invariable de l'histoire», et de la famille, «principe et sève» de toute civilisation. L'une de ses critiques les plus incisives portait sur le traitement des aînés en France. En dénonçant les «mouroirs» et un «eugénisme policé à petit feu», Le roi Hassan II fustigeait une société qui, selon lui, avait aboli «la gratitude, donc l'espoir.» À ses yeux, une nation qui rejette ses «livres vivants», symboles de mémoire et de sagesse, se condamne à l'échec. Ce regard d'un souverain étranger, empreint d'estime pour la France, résonne comme un avertissement. Le roi Hassan II, fin connaisseur de l'histoire et des relations internationales, voyait déjà, selon Philippe de Villiers, les failles de la construction européenne et les dangers d'un éloignement de la Méditerranée. Ses paroles trouvent un écho troublant dans les défis actuels : la perte de mémoire collective, les fractures identitaires et le déséquilibre des relations Nord-Sud. En mettant en parallèle ces deux réalités – les concessions françaises envers l'Algérie et les avertissements bien sentis du roi Hassan II –, Philippe de Villiers invite à une réflexion profonde sur le rôle de la France en Méditerranée et sur son rapport à son histoire. La France, pour retrouver sa place, doit renouer avec sa fierté et son identité tout en réaffirmant son rôle de pont entre les deux rives de la Méditerranée.