«La position du Maroc envers la question palestinienne est irréversible», «la politique extérieure du royaume est une prérogative de Sa Majesté le roi (Mohammed VI) en vertu de la Constitution», elle «ne saurait être soumise aux surenchères politiciennes et aux campagnes électorales étriquées», avait pourtant insisté le cabinet royal mi-2023. L'exploitation de la cause palestinienne par le Parti de la justice et du développement (PJD, opposition) continue malgré la mise en garde royale de mars 2023. Le parti islamiste semble pourtant tirer profit de cette question complexe dans une manœuvre qui vise à servir des objectifs électoralistes et partisans. La récente lettre ouverte adressée au président Emmanuel Macron en constitue un exemple édifiant. Sous couvert de dénoncer les exactions commises par Israël à Gaza et en Cisjordanie, le PJD use d'une rhétorique acerbe pour réaffirmer un positionnement très contestable, une démarche d'autant plus critiquable qu'elle intervient peu après le rappel, par Rabat, de la prérogative exclusive du roi Mohammed VI en matière de politique étrangère, soulignant ainsi la tentative manifeste du PJD d'exploiter des questions de politique extérieure à des fins internes. Au-delà des enjeux politiques et éthiques associés à la situation en Palestine, l'attitude du PJD relève d'un plan arriviste cherchant à agir sur l'opinion publique en exacerbant les sensibilités de cette question. Dans sa lettre publiée mercredi 30 octobre et adressée à Emmanuel Macron, le PJD ose de multiples parallèles historiques, comparant notamment le Hamas à divers mouvements de libération, sans toutefois prendre en compte les réalités qui prévalent actuellement. Déjà averti Depuis la reprise des relations entre le Maroc et Israël en 2020, Rabat n'a cessé de rappeler son engagement en faveur d'une solution à deux Etats, en accord avec les frontières de 1967 et l'établissement de Jérusalem-Est comme capitale palestinienne. Le PJD, depuis les élections de 2021, a montré une volonté de remettre en question cette position officielle, n'hésitant pas à accuser la diplomatie marocaine de compromission dans des termes très polémiques. La manège du PJD, qui n'est pas sans conséquences, traduit une double instrumentalisation de la solidarité marocaine envers la Palestine. D'une part, le parti se positionne en porte-parole de la cause palestinienne au Maroc en défiant ostensiblement la diplomatie souveraine, ce qui revient à se livrer à une surenchère idéologique qui invoque de manière récurrente des accusations de «trahison». D'autre part, cette posture détourne la cause palestinienne de ses véritables enjeux, en la réinterprétant pour justifier des visées partisanes qui n'apportent aucun soutien effectif aux Palestiniens, lesquels saluent l'implication royale en faveur de leur cause. Cette instrumentalisation politicienne, disons-le sans fioritures, constitue en réalité un acte de déstabilisation de la politique étrangère du Royaume. Elle aspire à mobiliser des sensibilités qui devraient pourtant être préservées de tout calcul partisan. Le PJD semble oublier que l'engagement marocain pour la Palestine est inscrit dans une diplomatie d'Etat et non de parti, avec comme ligne directrice concilier solidarité et responsabilité. Le cabinet royal avait déjà averti le PJD de l'imprudence de ses déclarations concernant la diplomatie marocaine, soulignant que «l'instrumentalisation de la politique extérieure dans un agenda partisan constitue un précédent dangereux et inacceptable.» En cherchant à s'approprier la cause palestinienne pour en faire une tribune idéologique, le PJD ne respecte ni la vision stratégique poursuivie par le Royaume, ni la prérogative royale en matière de politique étrangère. La stratégie actuelle du PJD, qui consiste à user de la question palestinienne comme d'un levier politique interne, commence à faire jaser. À l'heure où les relations internationales du Maroc prennent une ampleur inédite, cette exploitation politicienne de la solidarité envers la Palestine ne peut que nuire aux efforts du Maroc à l'échelle internationale.