La victoire d'Abdelmadjid Tebboune lors de l'élection présidentielle du 7 septembre reflète la crise d'un pouvoir en décalage avec les réalités brûlantes, note le journaliste Jean-Pierre Séréni, spécialiste des affaires algériennes, dans un article publié sur Orient XXI. En effet, au-delà des immenses défis économiques et sociaux auxquels le pouvoir algérien doit faire face, ce dernier se trouve confronté à une situation régionale instable, marquée par l'affirmation croissante du Maroc et par la crise malienne qui continue de s'enliser, affirme en substance M. Séréni. Fin juillet, retrace la même source, une attaque de drones a fait au moins six morts et de nombreux blessés à Tin Zaouatine, localité malienne à la frontière avec l'Algérie. La réalité éclate au grand jour : réfugiés, chercheurs d'or et contrebandiers issus des populations frontalières sont souvent pris en tenaille par la gendarmerie et les gardes-frontières algériens, qui les arrêtent, confisquent leur marchandise ou les renvoient dans leurs pays d'origine. L'incident a poussé le ministre des Affaires étrangères Ahmed Attaf à évoquer, à mots couverts, le spectre d'une «guerre civile» au nord du Mali, où la minorité touarègue est présente. Fin août, l'ambassadeur algérien Amar Bendjama lance une charge voilée contre «les armées privées utilisées par certains pays», réclamant des sanctions contre ces mercenaires sans nom, mais tout désignés, développe M. Séréni. À demi-mot, ce sont les Russes de l'ex-groupe Wagner, rebaptisé Africa Corps, sous la coupe du Kremlin, sont désignés. Le contexte actuel éclaire l'embarras d'Alger, tiraillé entre deux lignes rouges, a-t-on développé. D'un côté, il s'agit de protéger ses concitoyens touaregs, établis dans les départements de Tamanrasset et Djanet. De l'autre, il faut ménager Moscou, principal fournisseur d'armes de l'armée algérienne, qui se retrouve cette fois directement impliqué dans les tensions maliennes. Un troisième point de rupture se profile : soutenir la résistance touarègue, au risque d'une escalade périlleuse dans une région où les ambitions du Maroc, de Tripoli et du maréchal Haftar se font de plus en plus pressantes, ou bien choisir de ne rien faire, au prix d'une frontière supplémentaire de 1 000 km à défendre ? En ce mois de septembre, le Haut Conseil de sécurité, organe regroupant les principaux chefs militaires et civils du régime, s'est réuni à Alger. Moscou, suggère-t-on, a certainement occupé une place centrale de cette réunion pour plusieurs aspects : l'armée algérienne dépend presque entièrement de l'équipement militaire russe, la Russie peine à honorer ses engagements envers ses clients étrangers depuis 2022, tandis qu'un hypothétique rapprochement avec la Chine se dessine lentement. M. Séréni évoque en conclusion les défis de Tebboune, récemment réélu dans une élection largement boudée par l'électorat, et qui a promis un effort budgétaire en faveur de l'Armée nationale populaire (ANP) et qui devra gérer des dossiers très sensibles sur plusieurs fronts.