Le Maroc ne lésine pas sur son engagement en faveur de la question palestinienne («l'une des priorités de la politique étrangère nationale»), sous la direction du roi Mohammed VI qui préside le comité Al-Qods, chargé de «préserver le caractère arabo-musulman» de Jérusalem. Ces derniers temps, des agitateurs se sont trouvés en première ligne pour exalter des opinions extrêmes sur ce sujet, quitte à incriminer tout point de vue nuancé. «Ce ne sont pas des mouvements spontanés, mais des machinations bien huilées dans un contexte d'injonction politique sur l'enseignement supérieur» : des étudiants de l'université Al Akhawayn traités de «collabos» et menacés d'expulsion pour avoir visité Tel-Aviv, l'université Mohammed VI polytechnique (UM6P), un établissement privé d'enseignement supérieur sous l'égide de l'Office chérifien des phosphates (OCP), se voit tenue en haleine par une surenchère militante qui veut la peau «des partenaires israéliens» de l'institut, le doyen de la faculté de Casablanca menacé de mort après une sombre affaire de keffieh, des manifestations publiques où islamistes et gauchistes défilent «en rangs serrés», dans lesquelles les slogans puisent dans l'imaginaire antisémite : le soutien à Gaza se mue en une intimidation politique, intellectuelle et morale sans précédent. «Des médias ouvertement militants et des individus issus des extrêmes tentent d'établir un climat particulièrement délétère qui instaure une suspicion généralisée à l'encontre de quiconque exprime une opinion nuancée sur le conflit israélo-palestinien, loin des jugements péremptoires et des clichés manichéens. Cette suspicion prend par la suite la forme d'une délation acharnée», déplore une source proche du dossier. Malheureusement, ajoute-t-elle, des listes circulent, «en viennent à s'interroger sur les tendances d'untel, à traquer les convictions de tel ou ses prises de position publiques», afin de créer un effet de meute contre toute voix qui enfreint le mimétisme que certains veulent imposer. Disons-le d'emblée, les accords de partenariat signés par l'UM6P avec huit universités israéliennes ne concernent en aucun cas ce supposé «mouvement contre la normalisation académique», qui exerce d'énormes pressions sur des groupes d'étudiants devenus pétitionnaires clandestins à l'insu de leur gré. Ces derniers jours, la direction de l'établissement a déprogrammé la cérémonie de remise de diplômes censée se dérouler à la faculté de gouvernance, sciences économiques et sociales (FGSES), redoutant l'assignation de cet événement à des démonstrations fortement politisées. D'autres établissements ont été touchés par ce virus qui consiste à mettre dos à dos le Maroc et la Palestine; la faculté des lettres et des sciences humaines (FLSH) de l'université Mohammed V de Rabat, la faculté des sciences Ben M'Sik de Casablanca, l'université Sidi Mohamed Ben Abdellah, l'université Abdelmalek Essaâdi au nord du pays, l'institut agronomique et vétérinaire Hassan II (IAV) de Rabat, et d'autres, devenus, depuis quelque temps, des repères identitaires fortement essentialistes et idéologiques. Néanmoins, le Maroc, grâce aux efforts du roi Mohammed VI, s'est dit disposé à «mettre à profit» ses liens avec toutes les parties du conflit israélo-palestinien pour relancer la reprise du processus de paix, en concertation avec «tous les interlocuteurs et les puissances internationales agissantes». Le Maroc dessine sa politique extérieure dans le seul intérêt supérieur de la nation et rappelle que celle-ci «est une prérogative de Sa Majesté le roi (Mohammed VI) en vertu de la Constitution» et qu'elle «ne saurait être soumise aux surenchères politiciennes» ou à «un agenda partisan interne». Ou même à des calculs secrets souhaitant une pleine guerre de tranchées sur la question palestinienne.