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Guillaume Jobin, président de l'ESJ-Paris, décortique le traitement médiatique et politique du séisme du Haouz en France
Publié dans Barlamane le 18 - 09 - 2023

Diplômé du certificat de psychologie médicale, docteur en médecine, auteur, et président du conseil d'administration de l'Ecole supérieure de journalisme de Paris (ESJ) dont il a été directeur général de 2006 à 2008, Guillaume Jobin livre son analyse sur la couverture journalistique française du tremblement de terre du Haouz qui a fait près de 3000 victimes (et 5674 blessés) et qui a bénéficié d'un élan de solidarité global et d'une couverture médiatique nationale et internationale d'envergure.
La presse française, de manière générale, s'est démarquée par la politisation du drame, la critique des décisions souveraines marocaines liées au déploiement de l'assistance dans les zones sinistrées. Elle a choqué la population marocaine par ce qu'elle a ressenti comme un manque d'objectivité et de pudeur face à l'ampleur du drame humain et face au savoir-faire du Maroc dans les opérations de secours d'urgence. Un sentiment de détournement de l'attention du drame et de l'émotion générale au Maroc vers des calculs politiciens franco-français s'en est suivi et s'est accru avec la publication d'un tweet d'Emmanuel Macron le 12 septembre courant. Les Marocains l'ont ressenti comme invasif et irrespectueux à leur égard puisque irrespectueux des usages protocolaires qui veut qu'un chef d'Etat ne s'adresse en aucun cas directement à un peuple qu'il ne gouverne pas.
Question : Quel est votre avis journalistique sur le traitement de la couverture par les médias français audio, plateaux TV et presse écrite les plus lus et les plus regardés, notamment les premières 48h qui ont suivi le séisme du Haouz ?
Réponse : De manière générale, il y a un côté « je-sais-tout » du Français de base encore plus marqué chez le journaliste français. Ce phénomène est ancien et remonte à la guerre du Golfe.
Quant au phénomène, sur les plateaux TV ou à la radio, d'interrompre systématiquement l'interlocuteur sans l'écouter et en ressortir tout de même avec des conclusions sur un « non-entretien », l'explication remonte également à la guerre du Golfe : devant l'indigence des analystes et des experts, le journaliste a été obligé de remplir les vides.
Dans cette dérive, des journalistes oublient parfois leur travail qui est d'aller sur place, de rencontrer les populations et de chercher les vrais professionnels d'une question donnée. Dans ces cas, en tant que formateur en journalisme, je conseille au journaliste soit de ne pas écrire soit de faire son travail de seulement poser des questions sans plus.
Malheureusement, c'est le cas même pour Le Figaro, journal de bonne tenue au regard du Maroc. Je ne parle évidemment pas de Le Monde qui est un aficionado anti-Royaume depuis sa création quasiment.
Par ailleurs, quand les médias français traitent le sujet Maroc, 99 fois sur 100 ce ne sont que les clichés usuels (sauf dans la presse touristique). Le journaliste de manière générale a un schéma de pensée avec des grilles et des cases définies. Lorsque son interlocuteur ou ce qu'il constate n'y rentre pas, il devient parfois créatif.
Par contre, le tremblement de terre a fait la Une de tous les médias français pendant 5 jours et était en 2e position des actualités. Le traitement a étéplutôt bien fait et positif. Le traitement négatif du séisme a concerné la question de l'aide au Maroc. L'angle de traitement a été de le présenter en tant que pays relativement sous-développé. La règle en journalisme en France est que pour qu'il y ait un sujet il faut qu'il y ait une actualité. L'actualité séisme Maroc entraine une actualité « Maroc politique » et qui va être le prétexte pour ressortir la relation « Maroc-France ». Alors qu'en réalité il y a toujours une actualité Maroc qu'elle soit économique ou autre.
Les journalistes français ont oublié que le Maroc a une position équivalente de celle de la Turquie aujourd'hui, surtout en termes de Protection civile. Ainsi, le cheminement « logique » dans l'esprit des journalistes français c'est « séisme Maroc, vu par eux comme un pays sous-développé », donc « aide de la France ». Je précise qu'ils le voient aujourd'hui aussi comme une sorte d'adversaire de la France qui critique la France depuis 2 ans et qui « ose » refuser son aide. Dès lors, ils se sont focalisés sur la relation entre les deux pays.
A ce moment, Le Monde comme tous les médias de centre-gauche -excusez le pléonasme- traient le sujet de la même manière. Inutile donc d'acheter tous les journaux, une fois qu'on en a lu un on les as tous lu. Il en va de même pour les chaînes de télévision.
L'explication à cela est que de façon générale la presse a peur du débordement par les confrères. Même quand il y a une information intéressante, au lieu de la sortir, le rédacteur en chef, ou le chef de rubrique etc., la retient. On peut dire qu'il y a un nivellement par la base, avec une idéologie journalistique, qui est propre à la France, et qui mène tout droit à ce genre de traitement uniforme de l'information que moi je reproche à la presse française.
Elle a fait appel aux journalistes pseudos experts du Maroc établis auxquels ils ont habitué l'auditoire, évitant soigneusement les quelques professionnels et connaisseurs du pays, comme Hubert Coudurier du Télégramme de Brest, Jean-Didier Derhy du Progrès de Lyon (et moi-même !).
Q : en tant que président de l'école de journalisme, la plus ancienne, quelle est votre réponse à ce genre de traitement sur le plan pédagogique ?
R : Ce genre de traitement de l'information me révolte. De ce fait, j'élabore moi-même mes programmes. Quand on enseigne le cas del'Afghanistan, on y a introduit des cours sur Massoud, sur les éthnies du Nord et la porosité de la frontière afghane, pour sortir de la dualité« Américains+Talibans » et des inévitables droits de la femme. Non pas que ce ne soient pas des sujets, mais ce sont ce que je qualifie de « tartes à la crème ».
Deuxièmement je sensibilise et je choisis mes profs, en fonction de mes orientations politiques, c'est-à-dire de mon absence d'orientation politique.
Sur la centaine de formations au journalisme en France, nous sommes trois institutions avec l'ISCPA et l'IEJ à ne pas afficher de sensibilité de gaucheni de pensée unique.
Moi, je me définis comme le Marjane du Journalisme. Mon rayon céréales fait 30 mètres de long. Il ne fait pas 15 mètres avec juste du Kellog's.
Et enfin, je pousse les étudiants à la recherche des faits.
Par ailleurs, il ne faut pas perdre de vue que ce sont les médias sont le 4eme pouvoir, et non pas les journalistes.
Q : Malgré la relation tendue entre les deux pays, quelle est la raison profonde de cette politisation de l'information sans retenue quasi généralisée face au drame humain ?
R : D'une part, il y a une homogénéisation de la presse, quelle qu'elle soit. D'autre part, Il y a une pensée anti-Maroc dans la presse française, depuis les années 50, qui vient de son positionnement majoritairement de gauche (même dans celle détenue par Bolloré).
L'occasion ou l'opportunité est trop belle pour ne pas la saisir.
Rappelons qu'il y a deux sortes de pays que la presse de gauche abhorre.
Les pays arabes... pardon, musulmans, car on ne dit plus « arabes » à cause de la connotation raciste et les pays théocratiques. Parmi les pays arabes, s'il y en a un que l'on cible pour des raisons idéologiques, c'est le Maroc : monarchie, théocratie, rangée dans le clan occidental pendant la Guerre froide, et avec en prime une bourgeoisie.
Q : Il faudrait que la France lâche Andorre puisque le président de la république laïque, en l'occurrence Macron, en est le coprince avec l'évêque d'Urgell... une jouissance bien régalienne doublée de théocratique.
R : le jour où on verra la France lâcher un grain de sable ...
Dans l'esprit de certains journalistes français, c'est une demi-démocratie, voire pas une démocratie du tout aux élections trafiquées. Cette croyance, je l'ai entendu à plusieurs reprises. Ce à quoi je leur oppose la présence de la multitude d'observateurs de l'Union européenne donc l'impossibilité de falsifier les résultats.
Le Maroc, c'est aussi le seul pays arabe avec le Liban qui dispose d'une bourgeoisie millénaire. Cette conjugaison de paradigmes qui font le Maroc, un pays à quelque 2000 km de Paris, c'est tout ce que la presse française n'aime pas trop.
Sauf qu'avant E. Macron, ce désamour était contrebalancé par tous les présidents, jusqu'à N. Sarkozy compris, et ne l'oublions pas, par l'attachement réel de la population française vis-à-vis du Maroc.
Rappelons qu'1 million de Français de souche ont un lien avec le Maroc d'une manière ou d'une autre, sans compter les franco-marocains et les 200 000 qui y vivent de façon permanente.
Au niveau économique, la France est le premier partenaire du Maroc et le Maroc est le onzième partenaire économique de la France, au même niveau de la Turquie, il me semble.
Les gouvernements sont passés de pro-marocains à anti-marocains. F. Hollande a fait énormément de faux pas, par laisser-faire, par idéologie « socialiste»... mais sans volonté délibérée d'attaquer le Maroc. Chez E. Macron, il y a un délabrement certain de la politique arabe en général. Seulement dans le cas d'espèce, la politique arabe d'E. Macron touche le meilleur ami de la France.
Sur le plan humain, compte tenu de la structuration de l'immigration en France, 3 500 000 000 d'Algériens, 1 500 000 000 000 Marocains, 500 000 Tunisiens, la France est obligée d'avoir un traitement équitable des 3 pays du Maghreb. Sinon c'est le feu dans les banlieues et dans le 16earrondissement !
Q : Sur le plan diplomatique, qu'est-ce que cela dit de la gestion par la France des relations avec le Maroc ?
R : La politique internationale française est aujourd'hui un mélange de positions idéologiques et de positions pas trop nettes sur le plan financier (Alstom, etc) auxquelles l'Elysée fait face. J'illustre mon propos avec mon expérience propre par rapport à mon école
En Algérie, on me refuse la signature de partenariat avec l'ESJ Paris à cause de M. Macron.
En Tunisie, on la décline à cause de la position de la France avec la Tunisie.
En Egypte, on m'oppose un non car la France refuse les visas à la bourgeoise égyptienne.
Au Liban, on m'explique que les dirigeants libaniens ont été traités avec mépris par E. Macron.
Au Qatar, un accord de prime importance est tombé à l'eau pour les mêmes raisons. En Iraq, également. Je passe sur le cas du Mali et Niger. Au final, un certain nombre de pays, à travers des personnes toutes formées en France, nous rejettent.
Il n'y a qu'au Maroc où on n'a jamais décliné un partenariat ou opportunité d'affaires avec moi ou mon école.
Je me rend compte, que la politique française, en Afrique (notamment en Republique Centrafricaine, Mali, Burkina Faso et Niger) est un échec. Et ce n'est pas terminé !
Aujourd'hui la politique arabe de la France est centrée sur deux éléments : principalement sur les Emirats arabes unis et un tant soit peu sur l'Iraq avec le projet de deux centrales nucléaires. Cela fait un an que j'enquête sur la disparition de cette politique arabe de la France, à travers notamment le corps diplomatique des cadres d'Orient, qui était pourtant un de ses points forts. Ce travail d'investigation fait l'objet de mon prochain livre, « Cousin Ali »
E. Macron a fait tout ce qu'il ne fallait pas faire. J'en conclus tout d'abord que c'est volontairement que l'Elysée s'est détourné de la politique traditionnelle « Afrique » de la France. Ensuite que E. Macron poursuit une inféodation totale aux USA, au pacte atlantiste et à la finance internationale, en raison de l'échec de la coopération franco-allemande. Plus encore, non seulement la coopération du noyau dur de l'Europe est au point mort également, mais en plus, E. Macron n'a pas su gérer sa relation avec la Russie dans le conflit qui l'oppose à l'Ukraine, contrairement à l'Allemagne, et il s'est, de l'avis des observateurs, fait humilier lors de son déplacement en Chine.
Q : Parlons du traitement politique et de la dernière sortie de M. Macron sur Twitter qui s'adresse directement au peuple marocain, faisant fi de tous les usages protocolaires et souverains des Etats. C'est à l'analyste politique que je m'adresse.
R : Depuis son entrée en fonction ou plutôt son intronisation comme président, en 2017, au lieu de rétablir les liens avec le Maroc, E. Macron a laissé générer les crises à Bruxelles et les crises tripartites avec l'Union européenne et les Espagnols, qui eux, ont très bien su les résoudre en revanche.
Et cette situation est allée crescendo, jusqu'au moment où le Maroc a rappelé son ambassadeur à Paris, dont le poste est toujours vacant et jusqu'à l'isolation complète de l'ambassadeur de France à Rabat.
Dans l'affaire Pegasus, et d'après mes sources, E. Macron aurait manqué de respect au roi Mohammed VI. Il a traité avec dédain les dirigeants au Liban, au Qatar, et d'autres dirigeants maghrébins, africains et russe. En interne, il méprise également les électeurs, on l'a vu dans le Nord et en Bretagne.
Il a, clairement, un problème comportemental, c'est le psychiatre que je suis qui l'avance. Il souffre certainement d'un sentiment mégalomaniaque, qui n'a pas, pour le moment, franchi le seuil pathologique, mais qui n'en est pas loin.
De ce fait, la sortie de M. Macron sur Twitter est déplacée sur le contenu, sur les usages diplomatiques, car un chef d'Etat ne s'adresse pas à un autre peuple que le sien. Et je pense que la dégradation des relations entre la France et le Maroc, entre le président français et le roi du Maroc, a atteint untel niveau qu'elle ne se résoudra que par l'élection présidentielle, avec un président français qui ne soit pas un Emmanuel Macron bis repetita.
Je suis Français et fier de l'être, je suis patron d'une école axée sur le développement avec le monde arabophone de Paris à Téhéran, j'ai écrit 6 livres sur le Maroc, cette situation me révolte.
Ce n'est pas que mon sentiment, c'est le sentiment de tous les gens qui comme moi, baignent dans le milieu franco-marocain.
Le problème essentiel, à mon sens, est l'attitude générale d'E. Macron ainsi que la politique arabe de la France actuelle et non pas le traitement de la question du Sahara marocain par la France.


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