Les syndicats appellent mardi à une quatorzième journée de mobilisation contre la réforme des retraites, deux jours avant l'examen au Parlement d'une proposition de loi visant à abroger la réforme. Quelque 250 actions sont prévues à travers la France, qui devraient réunir 400 à 600 000 personnes, dont 40 000 à 70 000 dans la capitale, selon les autorités. Des grèves sont annoncées chez les électriciens et gaziers ainsi que dans les transports ferroviaires et aériens, avec notamment pour conséquence un tiers des vols annulés au départ de Paris-Orly. Une mobilisation loin du record du 7 mars (1,28 million de participants selon la police), mais encore élevée, après un 1er-Mai mobilisateur, et ce alors que le mouvement égale désormais en nombre de journées d'action celui de 2010. Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a fait savoir dimanche sur Twitter que 11.000 policiers et gendarmes seraient mobilisés, dont 4.000 à Paris. Ses services anticipent la participation « de membres de l'ultra gauche venus de l'étranger » et « 17 interdictions administratives du territoire ont déjà été prises », a-t-il précisé. Dans la capitale, la manifestation partira des Invalides à 14H00 vers la place d'Italie. Les syndicats tiendront leur point presse devant l'Assemblée nationale, marquant symboliquement le lien avec la journée de jeudi. L'intersyndicale a de nouveau appelé mardi les députés à voter la proposition de loi du groupe Liot annulant le recul de l'âge de départ à la retraite à 64 ans. Mais le texte a été vidé de sa substance après la suppression en commission des Affaires sociales de l'article-clé portant sur la mesure d'âge. Et si des amendements ont été déposés pour rétablir cet article, la présidente de l'Assemblée Yaël Braun-Pivet a prévenu qu'elle invoquerait l'article 40 de la Constitution pour les déclarer irrecevables. Si c'est le cas, ce sera « un pur scandale démocratique », a tonné dans les colonnes du JDD la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet. Invitée de BFMTV et du Parisien dimanche, elle a appelé « solennellement » Mme Braun-Pivet « à laisser les députés voter », précisant lui avoir demandé « un rendez-vous », une demande confirmée par l'entourage de la présidente de l'Assemblée. Le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, a de son côté dénoncé jeudi auprès de La Tribune un « vice démocratique », à propos d'un « projet de loi aussi fondamental sur lequel il n'y aura pas eu de vote ». «Dernier combat» M. Berger, qui quittera ses fonctions le 21 juin, a cependant semblé acter la défaite des syndicats, affirmant que « bien sûr (…) le texte s'appliquera le moment venu ». Une quinzième journée de manifestation pourrait-elle être décidée après le 8 juin? « La suite dépendra de ce qu'il se passe à l'Assemblée nationale et de la mobilisation du 6 juin, que nous espérons massive », a dit la numéro 2 de la CFDT Marylise Léon à L'Humanité vendredi. Le président de la CFTC, Cyril Chabanier, avait dit mi-mai que le 8 juin serait probablement « le dernier combat » de son syndicat. Plusieurs élus de gauche, dont Manuel Bompard (LFI) ou Sandrine Rousseau (EELV), ont appelé dimanche à une forte mobilisation mardi pour faire pression sur la présidente de l'Assemblée. Le gouvernement s'efforce en tout cas de tourner la page, et deux premiers décrets d'application de la loi promulguée mi-avril, dont le plus important – portant progressivement l'âge légal de 62 à 64 ans-, ont été publiés dimanche au Journal officiel. Mme Binet a fait savoir que son syndicat traquerait toute « faille juridique » pour attaquer les 31 décrets. Après avoir reçu les syndicats dans le cadre de réunions bilatérales les 15 et 16 mai, l'exécutif prévoit d'organiser une « rencontre multilatérale dans les prochaines semaines pour arrêter (avec patronat et syndicats) un agenda de travail sur les prochains mois », a confié la Première ministre Elisabeth Borne à Ouest-France cette semaine. Sans tourner la page des retraites, l'intersyndicale a elle commencé à travailler à des propositions communes, passant d'une posture « défensive » à une attitude plus « offensive », selon Simon Duteil (Solidaires). Elle a élargi son mot d'ordre de manifestation, appelant à se mobiliser pour « gagn(er) le retrait de la réforme » et « obten(ir) des avancées sociales ».