Une fois peut-être mais pas deux: Les Républicains, qui pourraient voter la réforme des retraites, préviennent déjà qu'il ne faudra pas compter sur eux pour le texte sur l'immigration, « insuffisant » et stratégiquement périlleux pour leur crédibilité. « Je voterai contre ce texte », qui devrait être présenté en Conseil des ministres le 1er février, affirmait le 18 janvier le nouveau président des Républicains Eric Ciotti. Le député des Alpes-Maritimes, connu pour son intransigeance sur le sujet, l'assure: le texte « fait semblant d'imposer des mesures plus fermes. Certaines vont dans le bon sens mais elles sont très largement insuffisantes ». Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, lui même issu de LR, affirmait pourtant fin décembre que « tout ce que les LR ont toujours demandé, nous le proposons ». Le texte prévoit notamment des mesures pour faciliter les expulsions (environ 15.000 en 2022), surtout celles des étrangers délinquants. Mais LR est vent debout contre l'autre idée phare du texte, celle d'un titre de séjour « métiers en tension » pour les sans-papiers des secteurs peinant à embaucher (restauration, bâtiment…). Une telle mesure « traduit le défaitisme de l'Etat qui faute d'être capable de maitriser l'immigration s'en accommode », a encore fustigé vendredi M. Ciotti dans un communiqué. Et elle conduirait à une « régularisation massive », assure le patron des sénateurs LR Bruno Retailleau selon qui le texte « va ouvrir les vannes de l'immigration ». L'immigration est l'un des marqueurs de la droite et LR entend bien le rappeler. « Nous sommes en train de travailler à des contre-propositions: quotas, système à points, diminution par deux de l'immigration étudiante » (qui représentait environ 108.000 titres en 2022) ou encore « immigration familiale, titres de séjour probatoires… », affirme le député LR du Pas-de-Calais Pierre-Henri Dumont. Selon lui, « la première source d'immigration illégale, c'est l'immigration légale (étudiants, tourisme…) Si on ne les diminue pas, on peut faire toutes les expulsions qu'on veut, ça ne marchera pas ». ABC de la droite La droite, qui veut le rétablissement du délit de « séjour illégal », vilipende aussi des « pompes aspirantes »: « on est le pays qui donne le plus d'avantages », assure Bruno Retailleau en énumérant « le regroupement familial », « le droit d'asile » et « l'accès gratuit aux soins ». L'avis du patron des sénateurs LR est important car c'est au Sénat que débutera l'examen du texte, sans doute fin mars. Le but est « d'essayer de trouver un accord avec les Républicains », affirme une source proche du dossier. « A droite, le chiffon rouge est celui de la régularisation, donc c'est ce qui pourrait être retiré ». Cela suffirait-il? Bruno Retailleau fait partie des « durs » sur l'immigration, qui selon lui « n'est pas une chance pour notre pays » du fait d'un « lien avec l'insécurité ». La méthode — passer d'abord par le Sénat — « commence à crisper chez nous », assure aussi un député, qui rappelle que sur les énergies renouvelables les députés ont modifié le texte voté par les sénateurs. Mais il y a aussi des raisons stratégiques dans l'hostilité de LR. « S'il y a un texte sur lequel on n'est pas prêts au compromis, c'est celui-là », affirmait en novembre la présidente par intérim du parti Annie Genevard. Car c'est aussi la crédibilité de LR qui se joue avant la présidentielle de 2027. « On ne peut pas demander à voter les retraites et après l'immigration, autant rejoindre la majorité », affirme Pierre-Henri Dumont en promettant : « on va leur faire l'ABC de la droite ». Difficile pour le gouvernement de faire des concessions sur ce sujet, raisonne-t-on à droite: « Le +en même temps+ en matière migratoire ça n'existe pas, c'est soit plus d'immigration soit moins d'immigration », assurait mercredi le patron des députés LR Olivier Marleix. Mais un autre député reste méfiant: « il ne faut pas sous-estimer le talent de Darmanin qui veut reparler à la droite ». Dans la macronie aussi, certains restent sceptiques : « Ceux qui pensent que la droite votera ce texte me surprennent énormément », affirme un cadre de la majorité.