La justice belge dira jeudi en fin de journée si Eva Kaili, inculpée ce mois-ci dans une enquête pour corruption impliquant le Qatar, peut sortir de prison et être placée sous surveillance électronique comme l'ont demandé ses avocats. L'eurodéputée grecque de 44 ans, déchue le 13 décembre de sa fonction de vice-présidente du Parlement européen dans la foulée des premières révélations, a comparu jeudi matin lors d'une audience à huis clos devant la chambre du conseil de Bruxelles. Elle nie toute corruption. Ses avocats ont demandé à ce qu'elle puisse bénéficier d'un contrôle judiciaire sous bracelet électronique, a expliqué l'un d'eux à la sortie, André Risopoulos. La chambre du conseil doit rendre sa décision en fin de journée, « probablement tard », a ajouté cet avocat, assurant que sa cliente « participe de manière active à l'enquête ». Dans ce scandale qui a provoqué une onde de choc au Parlement européen et des tensions entre le Qatar et l'UE, Eva Kaili fait partie d'un quatuor de suspects incarcérés après une inculpation pour « appartenance à une organisation criminelle », « blanchiment d'argent » et « corruption ». Le 14 décembre avait été décidé le maintien en prison de Francesco Giorgi, compagnon de l'eurodéputée socialiste, et de l'ancien eurodéputé Pier Antonio Panzeri, qui apparaissent aussi comme des figures clefs du dossier. Un quatrième inculpé, Niccolo Figa-Talamanca, dirigeant d'une ONG, s'était vu accorder ce jour-là un placement sous bracelet électronique, mais la mesure a été suspendue car le parquet fédéral a interjeté appel. Une telle mesure accordée à Mme Kaili par la chambre du conseil pourrait elle aussi se heurter à un veto du parquet. Ancienne présentatrice du journal télévisé, devenue une figure controversée du parti socialiste grec (Pasok-Kinal) – qui l'a exclue dès les premières révélations -, Eva Kaili ne cesse de démentir avoir reçu de l'argent du Qatar pour influencer ses décisions politiques. Selon une source judiciaire belge, des sacs remplis de billets de banque d'une valeur de 150.000 euros ont été découverts dans son appartement à Bruxelles. Mais Mme Kaili « ne connaissait pas l'existence de cet argent », avait déjà affirmé son avocat grec Michalis Dimitrakopoulos, selon qui M. Giorgi aurait « trahi la confiance » de sa compagne. En Grèce, un compte bancaire commun du couple a été saisi par la justice, ainsi qu'un terrain de 7.000 m2 sur l'île de Paros acheté via ce compte, a-t-on appris jeudi de source judiciaire. Une enquête a été ouverte la semaine dernière par le parquet financier d'Athènes. – Un million et demi en cash – En Belgique l'enquête dirigée par le juge financier Michel Claise a donné lieu à vingt perquisitions en Belgique entre le 9 et le 12 décembre, y compris dans les locaux du Parlement européen à Bruxelles. Le père d'Eva Kaili a été gardé à vue pendant 48 heures dans la capitale belge, tandis que l'épouse et la fille de M. Panzeri, ciblées par un mandat d'arrêt européen, ont été interpellées en Italie. Elles contestent devant les tribunaux italiens leur remise à la Belgique. Les enquêteurs belges ont mis la main sur 1,5 million d'euros en liquide, d'après la même source judiciaire. Outre les 150.000 euros découverts chez Mme Kaili, son père a été surpris avec une valise contenant 750.000 euros en espèces. Enfin, 600.000 euros ont été saisis au domicile de M. Panzeri, ancien élu socialiste du Parlement européen qui a fondé en 2019 à Bruxelles l'ONG Fight Impunity, dont les trois ans d'activité sont désormais scrutés à la loupe. Le dirigeant syndical italien Luca Visentini, qui connaît M. Panzeri, a admis cette semaine avoir reçu de Fight Impunity un don en espèces d'environ 50.000 euros, mais a assuré qu'il n'était lié à aucune tentative de corruption ou trafic d'influence au profit du Qatar. Inquiété dans l'enquête, M. Visentini, secrétaire général de la Confédération syndicale internationale (CSI, Ituc en anglais), a été libéré sous contrôle judiciaire le 11 décembre après deux jours de garde à vue. Mercredi, il a été « suspendu » de ses fonctions par l'organe de direction de la CSI. Sur le plan diplomatique, le scandale ébranle la relation entre l'UE et le Qatar, qui a prévenu d'un possible « impact négatif » sur l'approvisionnement en gaz. L'émirat, qui « rejette fermement » les accusations, a protesté contre un vote intervenu le 15 décembre au Parlement européen qui vise à suspendre l'accès « des représentants d'intérêts qatariens » le temps de l'enquête.