«La relance du dialogue franco-algérien ne doit pas se faire au détriment des pays voisins, le Maroc en tête», écrit le quotidien français Le Figaro. «Le président français s'est laissé enfermer dans le piège mémoriel et dans la rhétorique du ressentiment, devenu l'axe essentiel de la politique étrangère algérienne quand elle touche à la France. Au point de dangereusement négliger d'autres possibles, et plus fructueuses, alliances dans la région», note Laurent Gayard dans une chronique très commentée au Figaro, affirmant que le «processus de réconciliation mémorielle a peu de chances d'aboutir tant que les militaires conserveront une telle influence politique en Algérie et il n'est aucunement dans l'intérêt de l'armée ou du gouvernement algérien de faire aboutir ce processus.» «Dans un contexte de crise énergétique, causé par les déficiences du parc nucléaire français et par la guerre en Ukraine, l'exécutif français s'imagine, avec beaucoup de naïveté, pouvoir entrer à nouveau dans le jeu du chantage mémoriel, dans l'espoir que le gaz naturel en provenance d'Alger puisse en partie remplacer celui de Moscou. Et avec plus de naïveté encore, la France s'évertue à promouvoir un très illusoire partenariat stratégique et sécuritaire avec l'Algérie, qui partage respectivement 1329 et 951 kilomètres de frontières avec le Mali et le Niger, où la France possède des intérêts vitaux dans le domaine de l'extraction de l'uranium et où Paris entend aussi continuer à lutter contre la propagation du djihadisme, en dépit de la brouille récente avec le Mali», souligne M. Gayard dans un diagnostic sévère. Cette prise de conscience n'est la première formulée. «Entre une Algérie au gouvernement anti-français et le Maroc qui n'attend qu'un signal de notre part au Sahara pour que la France puisse de nouveau rayonner en Afrique, il n'y a plus à hésiter», pointe Hadrien Desuin, auteur de «La France atlantiste» (Cerf), dans une chronique publiée dans l'hebdomadaire Marianne avant quelques jours Pour Laurent Gayard, le calcul du gouvernement français «démontre aussi la persistance d'une réflexion stratégique encore prisonnière de schémas postcoloniaux obsolètes, ceux-là même qu'Alger persiste à exploiter pour profiter au mieux de la double rente énergétique et mémorielle. Si les nécessités énergétiques et sécuritaires condamnent la France à ne pas négliger Alger, rien ne la force pour autant à dédaigner, au nom de sa politique algérienne, les autres alliances possibles dans la région, et en particulier celle avec le Maroc.» L'auteur de la chronique pointe également les liaisons dangereuses entre Moscou et Alger. «La relance du dialogue franco-algérien peut répondre à une urgence, celle du gaz, mais il n'est pas sûr qu'elle puisse s'inscrire dans une problématique sécuritaire et stratégique de long terme. La république algérienne n'a cessé, en effet, de renforcer les liens déjà anciens entretenus avec Moscou, et la visite du ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, le 10 mai, a précédé celle d'Emmanuel Macron en août. Le partenariat stratégique avec la Russie, qui reste le premier fournisseur d'armes d'Alger, a été amplement renouvelé, avec, notamment, l'organisation d'exercices militaires conjoints dans le Sahara en novembre dans le cadre... de la lutte antiterroriste». «Contrairement à l'Algérie, extrêmement ambivalente, le Maroc est un allié historique de l'Occident », rappelle l'auteur. « Le Maroc est un pont entre l'Afrique, l'Europe et l'espace transatlantique. Avec 3 500 kilomètres de côtes, le Maroc est le seul pays d'Afrique à disposer à la fois d'une façade atlantique et méditerranéenne, et la politique de Mohammed VI, roi du Maroc, monté sur le trône en 1999, est résolument tournée vers la consolidation de l'influence marocaine en Afrique, mais aussi des liens avec les diverses puissances européennes et américaines», a-t-il pointé. «Paris, au contraire de Madrid, Berlin, ou même Washington, tende à sérieusement négliger les relations franco-marocaines au profit de la problématique «amitié» franco-algérienne. En décembre 2021, Rabat avait ainsi protesté face à la décision française de diviser par deux le nombre de visas attribués aux ressortissants de l'Algérie, de la Tunisie et du Maroc, traité de la même manière que son grand voisin maghrébin. La décision de Paris était une mesure de rétorsion face aux difficultés faites pour rapatrier les ressortissants maghrébins faisant l'objet d'une procédure d'expulsion sur le sol français. Il faudrait donc considérer la décision récente des autorités marocaines de suspendre le laissez-passer consulaire de l'imam Hassan Iquioussen, après que le Conseil d'Etat a décidé de son expulsion, comme une façon de protester contre une décision prise unilatéralement, et sans consulter les autorités marocaines», a-t-il détaillé. «Rabat a beaucoup d'atouts à faire valoir, dont d'autres puissances que la France ont plus nettement conscience: sa stabilité politique, la diversification et le dynamisme d'une économie où le secteur tertiaire joue déjà un grand rôle, ainsi que la reconnaissance diplomatique dont jouit le royaume. À force de vouloir trop miser sur l'Algérie, la France court le risque de privilégier les alliances de circonstance au détriment de sa crédibilité dans la région. Il importe donc qu'Emmanuel Macron, dans sa course à la réconciliation mémorielle et à la sécurisation énergétique, ne soit pas tenté de sacrifier Rabat pour Alger», a-t-il conclu.